Science, politique, morale
La morale ne va pas changer le capitalisme puisqu’il est amoral. Mais nous, peut-être ?
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Dans Le Capitalisme est-il moral ?, André Comte-Sponville, le philosophe, distingue trois ordres de la pensée et de l’action, dont la confusion est très dommageable : l’ordre techno-scientifique discerne le possible de l’impossible, le vrai du faux ; l’ordre politico-juridique détermine ce qui est légal ou illégal, et dans quelles conditions ; l’ordre moral, est-ce bien ou mal de l’utiliser, pour moi et pour l’humanité. À partir de là, analysons la crise du lait. Phil Hogan prône un modèle danois établi sur de grosses unités d’où des vaches parquées dans des stabulations high-tech ne sortiront plus. Un UTH, pour être rentable, devra produire un million de litres. On fait appel à des compétences de pointe et… à des travailleurs immigrés sous-payés pour les basses besognes. Suppression des quotas et dérégulation. « Investissez, faites tourner la machine économique à plein régime et endettez-vous. » C’est la logique techno-scientifique. Si tu n’avances pas, tu recules. Car les techno-scientifiques n’ont pas de limites. Mais tout ce qui est possible n’est pas légitime.
À côté, le pouvoir politique, emporté par la vague libérale, s’enflamme pour un commerce mondial où seuls comptent la balance commerciale et les prix bas à la consommation (TTIP). Il confond souveraineté alimentaire et business. Il condamne les préconisations de prix négociés entre producteurs et industriels au nom de la libre concurrence et laisse les transformateurs réguler la production. Ces élus pensent global et ne voient plus local. Ils s’appuient sur un syndicat majoritaire gagné aux théories du libre-échange. Xavier Beulin n’est-il pas aussi président d’Avril, conglomérat agricole ? Et que dire de ces responsables multicasquettes obligés de faire le grand écart ? Avec le cul assis entre deux chaises, il ne faut pas s’étonner d’attraper des hémorroïdes. Les premiers édictent des lois, les seconds réclament de l’argent pour faire avaler la pilule. C’est l’ordre politico-juridique.
Et la morale dans tout cela ? Elle ne va pas changer le capitalisme car il est amoral. C’est un outil qui, jusqu’à présent, a plutôt mieux réussi que le communisme. C’est à la personne qui l’utilise d’être morale. Avez-vous remarqué que chacun y va de son couplet moral, voire moralisateur, mais que chacun attend que l’autre fasse les premiers efforts ? Le système actuel n’est moral ni pour le producteur qui devra toujours produire plus, moins cher, ni pour les régions qui verront disparaître une production cruciale pour leur développement, ni pour les producteurs des pays défavorisés qui subiront les importations à bas coûts. Mais les techno-scientifiques n’arriveront pas à modéliser UNE chose : la capacité de révolte de ces agriculteurs voulant se faire entendre via une représentation démocratique face aux lobbies. Chacun d’entre nous, au nom de la morale, peut agir pour un monde plus éthique et durable. Ma grand-mère a eu cette phrase qui ravirait M. Besnier : « Le monde appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt. »
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