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Merci les politiques !

Non, non, ce n'est pas moi qui les remercie, mais bien nos industriels laitiers.

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Merci d'abord à nos ministres de l'Agriculture nous ayant promis qu'ils maintiendraient les quotas ou, du moins, une certaine régulation pour, au final, nous abandonner en rase campagne (au propre comme au figuré) malgré nos avertissements. Merci à Bruno Le Maire qui se vante aujourd'hui, au travers de la loi de modernisation de l'agriculture et des contrats, d'avoir sécurisé nos entreprises - quoiqu'il me semble l'entendre un peu moins sur ce chapitre. En obligeant nos acheteurs à écrire un contrat avant que les producteurs ne s'organisent, il leur a donné tous les atouts, nous laissant les brêles dans cette partie de poker menteur.

Merci à Michel Sapin et à Stéphane Le Foll qui sont en passe de faire voter l'interdiction de la vente de nos contrats pour les sept prochaines années (sous réserve de l'approbation du Conseil constitutionnel). Je ne m'élève pas contre cette interdiction parce que j'approche de la fin de carrière et que je vois là s'envoler un complément de retraite bassement spéculatif. Durant ma vie professionnelle (qui commença avant les quotas), j'ai développé mon entreprise. J'ai acheté des quotas de manière occulte à mes voisins car c'était la seule manière de compenser la baisse de volumes imposés par le système.

Je rappelle à la jeune génération que nous sommes descendus à moins 10 % de notre quota de 1983. Alors que certains grattaient des volumes gratuits au prétexte que la loi interdisait la marchandisation, j'ai toujours payé à leur juste valeur le sang et la sueur de ceux qui ont trimé pour produire du lait. Ce n'est pas de la démagogie, mais la réalité d'une passion que nous connaissons bien. J'ai aussi acheté du TSST (Transfert spécifique de quota sans terre)... Cette décision prise dans l'urgence face à une crise que nous avions annoncée n'est qu'une réponse partielle et inadaptée, et aurait été bien différente si le débat sur la cessibilité à titre onéreux s'était tenu en 2014. Merci à nos courageux politiques pour lesquels il est plus facile d'interdire à 60 000 producteurs de valoriser une partie de leur patrimoine plutôt que d'imposer à Lactalis et aux privés un peu de moralité et de décence. Plus facile aussi de spolier 60 000 producteurs que d'obliger le Cniel et certaines de nos institutions à réformer leur mode de fonctionnement.

Merci à nos politiques de ne pas avoir osé une vraie politique fiscale adaptée à nos entreprises. Les anciennes déductions fiscales pour investissement (DFI) contribuèrent à engraisser les marchands de matériels et incitèrent les producteurs à investir au détriment d'une épargne de précaution. Après avoir cru aux sirènes du marché mondial, nous voilà avec des investissements improductifs sur le dos qui plombent notre compétitivité. Une récente étude du contrôle laitier montre que les coûts alimentaires de l'Ouest sont parmi les plus bas d'Europe, mais que ce sont les investissements en matériels et bâtiments qui nous défavorisent. Aux États-Unis, le Farm Bill permettra aux céréaliers de garantir un prix de la tonne de blé au moins égal à 190 € quels que soient les cours mondiaux. Ce n'est qu'un exemple pour illustrer le TTIP et ce qui pourrait se passer en lait.

À la décharge des politiques, j'ajouterai que nos représentants professionnels sont réactifs mais pas proactifs. Nous sommes toujours prêts à critiquer mais quid d'une stratégie de filière qui démarrerait de nos exploitations pour passer ensuite à nos organisations puis aux transformateurs, aux GMS et, enfin, aux consommateurs ? On ne peut pas accuser nos politiques d'incohérence si nous ne sommes pas capables de leur demander d'appuyer une stratégie globale cohérente.

PASCAL POMMEREUL

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