Choix de société
Si seulement notre civilisation cessait l'idolâtrie de la médiocrité...
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Le monde agricole s'enfonce dans la crise et nos représentants professionnels, les politiques et les citoyens y vont chacun de leurs solutions. Google vient de capitaliser 555 milliards de dollars en bourse alors qu'il ne fait que 75 milliards de chiffre d'affaires. Le panier de la ménagère représente 13 % du budget et sur ces 13 %, seuls 7 % reviennent directement à l'agriculture. Le reste va à la transformation, la distribution et aux actionnaires. En extrapolant, sur un salaire de 1 100 €, 143 € vont à l'alimentation et 10 € à la ferme. Moins qu'un abonnement téléphonique ou une chaîne payante. Comment expliquer qu'un litre de lait, une côte de porc, un morceau de boeuf coûtent moins cher qu'il y a trente ans ? Quand on se pose la question, on a déjà une bonne partie de la réponse à la crise actuelle.
Nous sommes une société qui n'a plus faim. Paradoxalement, dans un monde où un milliard d'humains crèvent la dalle, où la France des Restos du coeur est débordée par la demande, le consommateur a oublié ce qu'est ce besoin vital qui arrive en première position dans la pyramide de Maslow (respirer, boire, manger, dormir). Dans notre société de consommation, essayez de vous passer pendant trois jours d'internet et trois jours de manger, et vous verrez ce qui est le plus pénible.
Un agriculteur malien prie son Dieu pour engranger, à la fin de la période de la récolte, 300 kg au minimum de céréales par membre de la famille pour subvenir aux besoins annuels de nourriture. Pendant ce temps, chez nous, une loi est votée pour obliger les grandes surfaces à distribuer les 35 000 tonnes de nourriture invendues pour cause de DLC trop courte. Et au niveau national, ce sont 7,1 Mt de déchets alimentaires qui sont perdus, depuis la production jusqu'à la poubelle du consommateur. La nourriture n'a plus de prix car le citoyen la trouve partout dans des magasins qui se battent à coups de promo et de rabais pour attirer le chaland et lui vendre le dernier écran plat ou le nouvel iPhone. Le consommateur préfère économiser sur le steak pour acheter des Nike à son gamin et lui offrir des vacances à la neige.
Reconquérir le marché français en montant en gamme, retrouver un aliment sain avec du goût et les saveurs du terroir, oui ! Cent fois oui ! Mais pour une moitié de la population qui a un bon pouvoir d'achat et/ou une conscience de l'enjeu. Et pour les autres ? Ceux qui n'ont pas cette conscience ou, surtout, ce pouvoir d'achat. On les laisse bouffer des produits d'importation avec des normes fantaisistes ? On laisse tomber la production française de produits standard et tous les emplois qui en découlent ? Ce n'est pas la France qui crée la surproduction actuelle, source de l'effondrement des prix. En lait, nous sommes juste remontés à la production de 1983 (date des quotas, 26 milliards de litres). En porc, nous régressons de 26 à 24 millions de cochons quand les Espagnols sont passés de 25 à 45 millions. En poulet, la Pologne vient de nous détrôner de la première place de producteur européen. À chaque fois que nous abandonnons des parts de marché, elles sont récupérées par nos concurrents et le consommateur n'est pas gagnant en matière de qualité.
Sommes-nous si près de la déchéance de notrecivilisation pour croire au Veau d'or ? Allez-y, goinfrez-vous de Facebook, d'abonnements, de marques, de services... et vous crèverez la gueule ouverte et le ventre creux. Mais nous, les éleveurs français, aurons disparu, sacrifiés sur l'autel de la société de consommation. La France sera devenue un grand pays céréalier dont le blé sera encore trop cher à la bourse de Chicago.
PASCAL POMMEREUL
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