BRETAGNE Difficile chemin vers une AOP incluant les coopératives
La FDSEA du Finistère prend l'initiative pour créer une AOP regroupant des producteurs livrant à des privés et à des coopératives. L'enjeu : mieux utiliser cet outil dans l'intérêt des éleveurs.
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Si les coopératives considèrent qu'elles constituent des OP par nature, une seule a pour l'instant obtenu l'agrément (Coopérative lait bio du Maine). Or, seules les OP agréées peuvent adhérer à une AOP. Et ces associations sont habilitées à discuter des prix et des volumes au nom des producteurs.
Aujourd'hui, une partie de ceux qui travaillent avec des privés sont organisés en OP. Mais pour Pascal Crenn, président de la section laitière de la FDSEA du Finistère, ce n'est pas suffisant pour gérer l'après-quota. Et surtout, il a pris conscience du fait qu'aux yeux de Bruxelles, seules les OP et AOP sont reconnues.« Si nous voulons éviter que les producteurs soient prisonniers des stratégies de leurs entreprises, il faut qu'ils se retrouvent au-delà de ce cercle. D'où notre volonté de faire pression sur les coopératives pour qu'elles constituent des OP agréées. »
Début mars, la FDSEA du Finistère a réuni plus d'une centaine de coopérateurs laitiers. Dans la foulée, une association a été créée pour les rassembler. L'idée est de l'étendre ensuite à la région puis d'obtenir le statut d'AOP. Cette AOP pourrait alors discuter de la gestion des volumes au-delà des laiteries. « Il s'agit de parvenir à un meilleur équilibre entre l'offre et la demande, rajoute Pascal Crenn, en tenant compte des marchés, capacités de transformation et souhaits des éleveurs. Ceux qui ont des projets doivent pouvoir avancer. » « Nos entreprises sont concurrentes entre elles, mais nous, éleveurs, avons des intérêts communs », rajoute Serge Le Doaré, éleveur finistérien membre du bureau de la FNPL.
Une démarche sans intérêt pour les coopératives
Reconnue par Bruxelles, cette organisation aurait aussi le pouvoir de réguler les volumes en cas de crise. Pascal Crenn imagine de créer une caisse de péréquation pour passer les caps difficiles. « Il est probable que demain, des aides européennes soient réservées aux producteurs organisés. Nous ne voulons pas passer à côté. »
Mais dans l'immédiat, ce projet se heurte à l'opposition des coopératives qui n'y voient aucun intérêt. Dominique Chargé, président de la FNCL, a coutume de dire que les coopératives représentent la forme d'OP la plus aboutie. Guy Le Bars, président de la coopérative Even dans le Finistère reprend cette idée. Selon lui, mélanger dans une même association des OP commerciales comme celles des coopératives, et non commerciales comme celles des entreprises privées, ne peut pas fonctionner. « Les mandats sont différents, les zones d'activité également. » Il considère que les discussions sur les prix et les volumes doivent se dérouler à l'échelle d'une laiterie puisque c'est à ce niveau que se font les investissements et que se trouvent les marchés.
« Le décalage actuel entre les prix payés en France et en Europe du Nord s'explique par la plus ou moins grande exposition aux marchés intérieurs ou internationaux. Des AOP ne pourraient rien y changer », affirme Guy Le Bars. Il rappelle que les coopératives renouvellent le tiers de leurs élus chaque année. Les adhérents qui souhaitent mieux maîtriser la mise en marché de leur lait peuvent s'y investir.
Ces débats résument assez bien la difficulté de la filière à se projeter dans un nouveau fonctionnement.
PASCALE LE CANN
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