MÉDECINE NATURELLE Les plantes favorables à la santé sont menacées
Un nouveau règlement européen, puis le statut inadapté des médicaments aux préparations à base de plantes pourraient les disqualifier alors que leur usage participe à des productions animales durables et plus autonomes.
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L'utilisation des substances à base de plantes pour la santé des animaux d'élevage serait-elle menacée ? Un collectif(1) de professionnels de l'élevage (éleveurs, vétérinaires), d'aromathérapeutes et de producteurs de plantes médicinales nous alerte sur ce risque. En cause, des réglementations restrictives qui, à terme, pourraient disqualifier cette forme de médecine douce, certes indispensable à l'agriculture biologique, mais de plus en plus plébiscitée par des éleveurs conventionnels.
Les produits d'aromathérapie et de phytothérapie avaient tous un statut d'additif alimentaire accordé par l'Union européenne. Depuis mars 2013, un nouveau règlement de l'UE a réévalué la liste de ces additifs. Pour être autorisé, un dossier d'homologation lourd et coûteux devait être présenté par les industriels de l'alimentation. Dans le cas contraire, l'additif se retrouve sans statut et doit être retiré du marché. Plus de 600 substances à base de plantes sont ainsi passées à la trappe, parmi lesquelles la plupart des huiles essentielles utilisées en élevage, « sans aucune justification scientifique ou toxicologique », note le collectif.
Une deuxième alerte est venue de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) qui, dans une note du 23 août 2013, a rappelé des éléments de la réglementation un peu oubliés : « L'usage de produits à base de plantes en lieu et place de médicaments chimiques... entraîne de facto la classification de statut de médicament vétérinaire pour ces produits ».
Autrement dit, s'il y a allégation thérapeutique, toute préparation à base de plantes est un médicament qui ne peut être utilisé que sur prescription vétérinaire. Or, peu de vétérinaires sont formés ou disposés à prescrire de la phytothérapie.
Peut-être l'avertissement de futures sanctions
En outre, comme tout médicament, ces préparations végétales devraient subir un processus d'évaluation comme l'AMM (autorisation de mise en marché) qu'aucune entreprise du secteur (des PME essentiellement) n'a les moyens de conduire. L'éleveur n'a alors pas d'autre choix que de se référer au statut d'additif nutritionnel sans allégation thérapeutique pour utiliser des produits à base de plantes. Mais l'insécurité juridique est immédiate : le produit est-il toujours homologué depuis 2013 ? Et comment justifier, par exemple, la présence dans la pharmacie d'une huile essentielle utilisée pour prévenir ou guérir les mammites ? Difficile de faire croire à un additif. L'ordonnance s'impose donc.
Jusqu'alors, peu de contrôles ont eu lieu, mais la note de l'ANMV sonne comme un avertissement à de futures sanctions. « L'application de ces réglementations reviendrait à réserver les plantes favorables à la santé au monopole pharmaceutique, donc à limiter leur utilisation. Ces produits n'ont pourtant jamais eu d'incidence nocive sur la santé des consommateurs et ils participent à diminuer le recours aux médicaments et aux antibiotiques », note le collectif. Au-delà du lobby de l'industrie pharmaceutique, ces impasses sont d'abord le résultat d'un carcan administratif et d'une logique réglementaire construite pour répondre aux substances chimiques et non aux plantes médicinales.
DOMINIQUE GRÉMY
(1) www.ourlivingworld.eu
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