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GRAND EXPORT. BRANLE-BAS DE COMBAT INDUSTRIEL POUR L'APRÈS-2015

Nos industriels dévoilent peu à peu leurs vélléités, mais en ordre dispersé. L'annonce du partenariat entre Sodiaal et le Chinois Synutra replace la France dans la course européenne

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PAS DE DOUTE LÀ-DESSUS C'EST LE MARCHÉ MONDIAL qui tire et tirera l'économie laitière européenne. Les experts convergent pour prédire une croissance de la consommation des produits laitiers de 2,5 % par an. Les poudres de lait sont au premier rang de cette évolution prometteuse. Le mouvement profite déjà aux exportations françaises. La part de nos produits industriels (PI) y fait désormais jeu égal avec celle des fromages : respectivement 41 et 44 % en 2011 contre 32 et 51 % en 2009. En deux ans, nos ventes de PI à l'étranger ont explosé de 65 % (plus d'un milliard d'euros), dopées par le grand export sur les pays tiers. Traditionnel débouché de la France, l'Algérie reste en tête, mais elle est désormais talonnée par la Chine, l'un des moteurs de la croissance mondiale (lire p. 16). Malgré tout, jusqu'au milieu de l'été, la France semblait avoir un train de retard sur ses concurrents européens en matière d'investissements industriels. Depuis plus d'un an, bon nombre d'entre eux ont annoncé clairement leurs projets. Une partie est aujourd'hui en finalisation. Paradoxe donc pour nos coopératives qui, depuis deux ans, martèlent que leur avenir passe par les perspectives de ce marché mondial, forcing à la clé pour instituer un dispositif de volumes et prix différenciés. L'explication tient sans doute à plusieurs éléments. Difficile d'investir dans des tours de séchage, quand les résultats sont à la peine… comme c'est le cas d'un certain nombre d'entreprises ces dernières années. Il y a aussi cette priorité donnée par la filière française à la valorisation de ses PGC sur le marché européen, une différence fondamentale avec l'Europe du Nord plus ciblée et, de longue date, sur les produits basiques et le grand export.

BEAUCOUP DE MIMÉTISME DANS LES PROJETS

Néanmoins, nos industriels commencent à révéler leurs intentions. D'après notre enquête (non exhaustive) complétant l'état des lieux réalisés par le Cniel au printemps, ils s'apprêteraient à investir au moins 350 M_ dans la remise à niveau ou la construction de nouvelles tours de séchage. La France se rapproche ainsi des 370 M€ -officiels de l'industrie allemande. Mais, signe d'un degré de restructuration moindre de notre aval et de démarches surtout individuelles, les projets d'investissements de nos industriels tournent fréquemment autour de 15 à 20 M_. Bien loin des 50 à 100 M€ affichés par plusieurs entreprises en Europe (voir ci-contre). Exception à la règle : le partenariat de Sodiaal avec le Chinois Synutra. 100 M€ seront investis pour construire en Bretagne deux tours de séchage capables de traiter 300 Ml… une annonce, officielle depuis le 17 septembre, qui replace la France dans la course européenne. Sans surprise, les investissements français se concentrent dans le grand Ouest. Rien dans la moitié sud où une autre logique s'impose à l'exemple de la coopérative 3A. Avec une collecte située dans le Sud-Ouest, zone de déprise laitière, et en Auvergne, elle ne s'attend pas à recevoir plus de lait après 2015. Pas question donc de faire de la poudre de lait. L'entreprise restera positionnée sur son savoir- faire de fromager et, pourquoi pas, répondre aux marchés à l'export sur ce créneau.

« Mais les producteurs devront se positionner, car nous restons persuadés que la valorisation du lait ne sera pas celle du marché intérieur », prévient le président Thierry Lanuque.

« Ne nous berçons pas de certitudes, avertit, de son côté, Benoît Rouyer, l'économiste du Cniel. Tous les opérateurs en Europe ou en dehors ont la même lecture des marchés à fort potentiel. Force est de constater qu'il y a du mimétisme dans les investissements. » Les risques de concurrence et de surproduction sont donc bel et bien là. Et pas seulement entre Français ou Européens. « Nestlé investit 750 M(recensés) un peu partout dans le monde. Trois défis doivent être relevés : une force commerciale en lien avec des projets industriels cohérents, l'adaptation à la volatilité des prix de ce marché et le coût croissant de la production du lait.

SODIAAL SÉCURISE SON DÉBOUCHÉ AVEC SYNUTRA

Investir dans une tour est une chose, vendre durablement de la poudre, même infantile, aux Chinois en est une autre. C'est tout l'intérêt du projet Synutra-Sodiaal. Il renforce une relation commerciale de plus de vingt ans entre le troisième fabricant de produits infantiles chinois et Eurosérum, filiale « ingrédients laitiers » de Sodiaal. Le premier était soucieux de sécuriser son approvisionnement, le second le débouché de son lait excédentaire. Avec ces 300 Ml qui finiront en poudre et, parallèlement, la remise à niveau qui a débuté dans les sites de séchage du groupe, Sodiaal aurait les capacités pour traiter les 10 % de lait en plus qu'il attend à l'horizon 2020. Précision d'importance : sur les 100 M€ investis à Carhaix (Finistère), Sodiaal apportera 10 M€ dans la partie du site dédiée au lactosérum déminéralisé qu'il contrôlera à 100 %. Une façon de garder la main sur la haute technicité qu'implique la fabrication de ce produit.

PROSPÉRITÉ FERMIÈRE, LES SEULS À AVOIR UNE APPROCHE RÉGIONALE

La démarche de la Prospérité Fermière (Pas-de-Calais) a cela d'original de dépasser son seul périmètre. Sa nouvelle tour de séchage, qui sera opérationnelle fin 2013, est dimensionnée pour traiter 65 Ml de lait dont 30 et 15 Ml des coopératives VPM (Somme) et Laitnaa (Nord-Aisne-Ardennes) qui peuvent s'appuyer sur l'expertise commerciale internationale de la Prospérité dans les produits santé via sa filiale Ingredia. Avec les coopératives adhérentes à France Nord (VPM, CLHN, Sodiaal, Laitnaa), elle initie désormais la réflexion sur un autre investissement. Celui-là sera commun pour traiter l'ensemble des volumes supplémentaires du Nord-Picardie après 2015, pour une valorisation grand export. Les GIE de collecte et les OP affiliées aux industriels privés sont également sollicités pour prendre part à cette logique industrielle à l'échelle du bassin.

ISIGNY, UNE STRATÉGIE HAUT DE GAMME

Réputée pour ses beurres et crèmes AOP, ses camemberts et sa mimolette sous label rouge, la coopérative d'Isigny-Sainte-Mère (Calvados) leur préfère un autre créneau haut de gamme pour absorber le lait en plus de ses 500 producteurs : la poudre de lait infantile, à destination du grand export. Elle ne part pas de zéro. Cela fait vingt ans qu'Isigny en fabrique et en vend. La troisième tour de séchage, construite en 2009, va produire 20 000 t cette année contre 17 600 t en 2011. Une quatrième est à l'étude. « Nous nous engageons à valoriser 20 % de lait en plus », déclarait son directeur en avril, lui qui habituellement s'exprime prudemment. La matière grasse issue de l'écrémage sera, elle, valorisée en beurres et crèmes. La boucle sera bien bouclée.

EURIAL, LE CHOIX DES FROMAGES-INGRÉDIENTS

Ce n'est pas sur les produits secs que le groupe coopératif ligérien Eurial a choisi d'investir il y a quelques années sur le site d'Herbignac (Loire-Atlan tique), mais sur la mozzarelle. La capacité de la première ligne de fabrication sera portée, à terme, de 30 000 à 34 000 tonnes. L'usine a été aussi conçue pour accueillir une seconde ligne.

D'autres entreprises font le même constat de chances offertes vers le grand export pour ces fromages-ingrédients, aux côtés des produits secs d'export. Mais elles restent encore très discrètes sur leurs projets.

UNE ENQUÊTE DE LA RÉDACTION

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