LAIT BIO : UNE OPPORTUNITÉ À SAISIR
La demande en lait bio incite les opérateurs de la filière à relancer les conversions. Pour les éleveurs, c'est une opportunité d'aller chercher de la valeur ajoutée dans le cadre d'un développement maîtrisé des volumes.
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PENDANT QUE LE PRIX DU LAIT conventionnel continue de baisser, le marché des produits laitiers bio poursuit sa croissance et les prix payés aux producteurs suivent. Selon la Fnab (Fédération nationale de l'agriculture biologique), le prix de base 38/32 est passé de 425 €/1 000 litres en 2013, à 451 € en 2014 (424 à 480 € selon les laiteries).
« La consommation des produits laitiers bio progresse plus vite que la production et de nouveaux besoins apparaissent à l'export, indique Laurent Forray, responsable de la commission bio du Cniel. C'est pourquoi, malgré une augmentation de la collecte attendue de 15 millions de litres en 2015 et de 12 Ml en 2016, les opérateurs de la filière anticipent des difficultés d'approvisionnement et relancent une politique de conversion, tout en veillant à l'équilibre du marché. » En 2014 la consommation de lait conditionné a progressé de 5 %, l'ultra-frais de 6,9 %, le beurre de 5,7 %, la crème de 11,1 %, le fromage de 7,5 %, « et la même dynamique de croissance est observée début 2015 ».
LA FILIÈRE VEUT ANTICIPER LE RISQUE DE PÉNURIE
Signe de l'évolution des habitudes de consommation, la part de marché du lait conditionné dépasse désormais en valeur les 10 % et, plus globalement, l'Agence Bio évoque un chiffre d'affaires de la consommation intérieure de produits bio à 5 milliards d'euros, contre 2,1 milliards en 2007.
Mais si la France est devenue le deuxième producteur de l'Union européenne, le lait bio ne représente encore que 2,4 % de sa collecte, bien loin des 15 % autrichiens ou des 10 % danois. Il existe donc des marges de manoeuvre pour développer les parts de marché du beurre (3,3 %), de l'ultra-frais (2,4 %) ou de la crème (1,3 %). « Avec seulement 0,6 % de parts de marché, seul le fromage ne parvient pas à percer dans la gamme des produits laitiers bio », précise Laurent Forray. Or, le faible nombre des conversions au cours des deux dernières années et l'évolution de la pyramide des âges pourraient engendrer une pénurie de lait bio, car il y a deux années d'inertie liées à la durée de la conversion pour relancer la production. « Le risque est de perdre un marché très porteur si la production française n'est pas capable de fournir la demande », prévient Stéphanie Pageot, présidente de la FNAB.
UNE DEMANDE POUR DE LA POUDRE BIO INFANTILE VERS LA CHINE
Les perspectives de débouchés sont d'autant plus favorables que la croissance de la consommation se poursuit au niveau européen, dans des pays sans dynamique de développement de la bio, parfois confrontés au manque de SAU pour développer leur production. Christophe Baron, président de Biolait, premier collecteur de lait bio, évoque même une tendance à la déconversion de fermes bio dans certains pays, comme le Danemark ou l'Allemagne. « La demande extérieure est forte et le risque de pénurie est réel, confirme-t-il. La coopérative danoise Arla a, par exemple, annoncé un projet de développement de 250 Ml pour accompagner la croissance de ses débouchés. Nous avons aussi une demande pour de la poudre de lait infantile vers la Chine pour laquelle nous sommes sollicités au même titre que d'autres opérateurs français et européens. » Un débouché asiatique abordé conjointement avec Sodiaal : « Nous avons des atouts majeurs pour répondre à ce marché qui peut être une source de développement pour nos producteurs. Cela peut se faire sans pénaliser le bilan carbone, en valorisant les conteneurs qui repartent à vide vers la Chine », explique Jean-Paul Picquendar, directeur régional en charge du lait bio au sein de la coopérative, dont l'approvisionnement est assuré pour moitié auprès de collecteurs comme Eurial ou Biolait. « Le conseil d'administration a donc décidé au printemps de relancer les conversions dans tous nos bassins de production, excepté dans le Nord et en Bretagne ouest. L'objectif à court terme est d'augmenter notre collecte de 15 Ml, d'abord dans le cadre du développement de nos activités en France et en Europe. » Pour Sodiaal, dont le lait conditionné représente une part importante de l'activité (28 %) et qui voit la consommation s'effriter, investir le segment bio représente un atout stratégique, notamment dans le Sud-Est ou le Massif central où les coûts de collecte et de production sont plus élevés qu'ailleurs. « C'est un moyen de capter de la valeur ajoutée pour en faire bénéficier les éleveurs dont les pratiques sont proches du cahier des charges, dans des zones herbagères où la surface n'est pas limitante, car l'autonomie fourragère est essentielle en agriculture biologique. »
À l'instar de Sodiaal, en plus des aides MAE versées pendant cinq ans, les laiteries remettent donc en service un complément de prix pendant les deux années de conversion pour faciliter la transition.
La plus-value bio doit ensuite compenser une moindre productivité par hectare (- 30 %), et des coûts de bâtiment et de main-d'oeuvre supérieurs liés à une moindre productivité par animal et par unité de main-d'oeuvre. C'est en tout cas ce que tend à démontrer l'analyse des fermes du réseau de référence, réalisée par l'Institut de l'élevage.
UNE ALTERNATIVE À L'AGRANDISSEMENT EN ZONE DE MONTAGNE
« Malgré des coûts de production structurellement supérieurs, les systèmes biologiques permettent une meilleure rémunération de la main-d'oeuvre affectée au lait, analyse Jérôme Pavie, chef du service fourrages et pastoralisme. Cela est particulièrement visible sur les exploitations de montagne, dans la zone du Massif central où la conversion peut apparaître comme une voie de pérennisation des structures laitières (voir tableau). »
La Fnab rappelle que ces résultats sont issus de fermes à un haut de niveau de technicité, pas toujours représentatives de la majorité des exploitations. « Pour favoriser les conversions, l'enjeu est de donner de la visibilité à long terme sur le prix et cela passe notamment par l'organisation des producteurs comme nous l'avons initiée avec Lait Bio de France », prévient Stéphanie Pageot. Lait Bio de France est une association qui fédère cinq OP bio : Biolait (OP commerciale), Lait Bio du Maine (OP commerciale), l'Association des producteurs de lait biologique de Seine et Loire (OP de mandat), l'Association des producteurs de lait bio du Grand-Est (OP de mandat) et l'APCLBO (Association des producteurs coopérateurs de lait bio de l'Ouest). Elle regroupe un millier de producteurs, pesant 50 % de la collecte, dont l'objectif est de réfléchir à un cadre national de développement de la production : solliciter les conversions quand le marché est porteur, prévenir les risques de débordement et faire passer un mot d'ordre pour agir collectivement si un coup de frein est nécessaire. « Il ne s'agit pas d'une AOP qui va négocier avec les laiteries, mais d'un lieu d'échange et de concertation pour éviter une mise en concurrence entre producteurs, tout en garantissant l'approvisionnement des laiteries. »
Le principal frein à cette volonté de régulation porte sur la difficulté à faire adhérer les coopératives mixtes à la démarche.
JÉRÔME PEZON
UNE RÉMUNÉRATION DE LA MAIN-D'UVRE TOUJOURS SUPÉRIEURE EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE
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