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Plan européen Surtout un effet d'aubaine pour les candidats à la réduction

Notre enquête montre qu'il n'y a pas vraiment d'effet levier à attendre du plan européen de réduction de la production laitière. Dans la majorité des cas, il accompagnera une baisse naturelle de la production en apportant un peu d'argent frais à des trésoreries en berne.

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CE SONT PRÈS DE 13 000 DEMANDES d'aide à la réduction volontaire de la production laitière qui ont été recensées en une dizaine de jours par FranceAgriMer, soit 20 % de producteurs. La proportion est identique aux Pays-Bas, avec 3 900 exploitations engagées. En Allemagne, près de 10 000 producteurs ont candidaté, en Irlande 4 500 et au Royaume-Uni 1 800... Résultat : 1 071 428 tonnes d'engagement de réduction pris par 52 101 exploitations et une enveloppe européenne de 150 millions d'euros partie en fumée en une fois (lire p. 21). Il n'y aura vraisemblablement donc pas de seconde chance de candidater.

En France, ceux qui continuent de croire au retour à une régulation de la production veulent voir, dans ce succès criant, un plébiscite des producteurs pour leur combat et le début d'une remise en cause de la politique libérale de Bruxelles. Une vision bien naïve devant un plan qui arrive beaucoup trop tard et qui aura peu d'effets sur une collecte européenne spontanément orientée à la baisse bien avant cette mesure, au final plus politique qu'économique. Son seul mérite sera d'offrir en France un « petit billet » (1 500-2 000 €, souvent moins) à des producteurs qui connaîtront en 2016 un revenu indigne : 2 500 €/UMO (simulation de l'Institut de l'élevage pour une exploitation laitière spécialisée du Grand Ouest, livrant 591 000 litres de lait).

LES NÉERLANDAIS VONT RÉFORMER À BON COMPTE

Pour les Néerlandais, il ne s'agit clairement pas d'une conversion aux vertus de la régulation. Eux qui ont largement contribué à déséquilibrer le marché, ont vu dans ce plan l'opportunité de réformer à bon compte les vaches qu'ils ont en excédent pour se conformer à la contrainte sur le phosphore, qui s'appliquera chez eux en janvier prochain. Friesland Campina n'a-t-elle pas annoncé une prime de 100 €/t, revalorisant comme la France les 140 €/t de l'UE pour, officiellement, « contribuer à une réduction accélérée de la production de phosphate et soutenir une production laitière durable ». Durable surtout pour eux.

Quant à l'Allemagne, la vague de demandes qui engloutit 40 M€ sur l'enveloppe européenne de 150 M€, semble surtout être le fait d'exploitations qui cesseront leur activité.

FORTE IMPLICATION DES CONTRÔLES LAITIERS

Si autant de producteurs français ont déposé une demande en dix jours, c'est aussi parce que nombre d'organismes de conseil en élevage se sont fortement impliqués. Dotés d'outils de prévisions de la production, leurs conseillers étaient, il est vrai, les mieux placés pour les aider à prendre leurs décisions. Ils ont aussi été d'un précieux secours pour tous ceux qui n'ont pas réussi à télécharger le fichier PDF de demande d'aide sur le site de FranceAgriMer

ou qui n'avaient pas la bonne version du programme Acrobat Reader pour annoter ce PDF... « Les quinze jours qui ont précédé la date de clôture de dépôt des demandes, tous nos conseillers ont travaillé à plein-temps sur ce dossier. Plus de la moitié de nos 430 adhérents ont eu une simulation individuelle », explique-t-on à Isère Conseil Élevage. Il en a été de même pour les deux tiers des 2 600 adhérents d'OptiOxygène dans le Nord-Est.

S'inscrire ou pas dans la réduction volontaire ? Partout, l'effet d'aubaine a commandé le choix. Et il n'y aura pas d'effet levier à attendre sur la production, ou à la marge. Notre enquête traduit la diversité des situations. Ceux qui n'y souscrivent pas ont tous de bonnes raisons. D'abord les JA qui, en phase d'installation, ont intérêt à tenir les volumes pour diluer leurs charges fixes. Idem pour tous les récents investisseurs.

UN MESSAGE COMMUN : « NE PAS DÉCAPITALISER »

Les organismes de conseil en élevage, en accord avec le syndicalisme, ont tous été catégoriques dans leur message : surtout « ne pas décapitaliser » le cheptel afin de pouvoir profiter du retournement du marché qui s'annonce. Diminuer le concentré azoté ou de production ? Risqué aussi, sauf à se situer dans un déséquilibre coûteux, mais les cas sont rares après ces longs mois de crise. La majorité de ceux qui ont adhéré à ce plan sont en situation de fin de carrière avec un arrêt programmé de la production laitière en fin d'année ou début 2017. On trouve aussi des éleveurs en phase de conversion bio qui connaissent souvent une baisse de la productivité par vache : Sodiaal et Lactalis ont beaucoup recruté pour le bio. Mais surtout, il y a tous ceux dont la production sera « naturellement » en baisse. À commencer par les éleveurs dont les maïs ont souffert de la sécheresse, ou ceux handicapés par des stocks de moindre qualité, les incitant à lever le pied cet automne plutôt qu'acheter des fourrages coûteux. Ou enfin, ceux qu'un simple décalage des dates de vêlages fera rentrer dans les clous. Bref, tous y ont d'abord vu une aide opportune à laquelle il ne coûtait rien de candidater.

UNE ENQUÊTE DE LA RÉDACTION

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