SEGMENTATION Quand les choix des laiteries pénalisent les éleveurs
Perspective. La multiplication des démarches de segmentation pose la question du devenir des producteurs de lait standard. Et celle de leur défense.
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Triballat Noyal (Ille-et-Vilaine) a lancé le mouvement l’été dernier en annonçant sa volonté d’abandonner, à terme, sa transformation de lait standard et de réduire de moitié sa collecte de lait conventionnel. Seul l’intéresse le lait de vaches ne consommant pas d’OGM et pâturant au moins 200 jours par an. Jusque-là, aucune laiterie n’avait agi de manière aussi radicale. Leur recherche de segmentation n’avait pas conduit à exclure des éleveurs produisant un lait conforme aux normes de qualité mais ne répondant plus à leur cahier des charges. Les livreurs de Triballat ont subi un choc et certains vont devoir arrêter la production laitière (voir L’Éleveur laitier de février 2021, page 16). L’OP s’est démenée pour négocier les conditions pour ses adhérents. « Le contrat est rompu et les éleveurs disposent d’un délai de deux ans pour s’adapter. S’ils arrêtent avant, ils doivent toucher une indemnité », précise le président de l’OP, Pascal Mancel. Son montant a été arrêté à 235 €/1 000 l s’ils cessent fin mars 2021. Et l’OP discute de la prime pour ceux qui respecteront le nouveau cahier des charges. Auparavant, ils percevaient un montant variable de 10 à 12 €/1000 l, deux fois moins que celle que versent d’autres laiteries pour des contraintes quasi identiques.
L’AOP Poplait (Grand Ouest) s’investit pour trouver des solutions à chaque producteur via ses OP. Son président, Gilles Pousse, regrette que l’entreprise ait ainsi imposé sa décision sans concertation. « Nous essayons de faire en sorte que personne ne reste sur le carreau. » Certains éleveurs ont déploré le manque d’implication du syndicalisme sur le sujet. Or, il y a fort à parier que dans les mois ou les années qui viennent, d’autres éleveurs seront concernés. La FNPL commence à s’emparer du sujet.
Le paradoxe de devoirimporter du lait standard
« Le plan de filière défend clairement une production laitière diverse », rappelle Marie-Thérèse Bonneau, vice-présidente de la FNPL. Elle souligne aussi que les produits fabriqués avec du lait standard ont toute leur place dans les rayons français et que le choix du système de production revient bien évidemment à l’éleveur. « Il n’est pas concevable que les laiteries imposent aux éleveurs français de se recentrer sur des niches, et que l’on importe du lait standard. » Les choix de segmentation des laiteries posent aussi la question de la valorisation pour les éleveurs. Et la volonté des industriels de collecter du lait de vaches qui pâturent une bonne partie de l’année pose problème dans les régions qui en manquent, surtout dans un contexte de changement climatique.
pascale le cannPour accéder à l'ensembles nos offres :