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LE PROJET JA N'A RIEN D'UTOPIQUE

Jérémie Bolon - Administrateur national des Jeunes agriculteurs (JA) depuis 2010, il a été l'un des promoteurs du projet JA pour la filière lait de l'après-2015. Ce projet sera débattu cet automne, avec tous les acteurs qui le souhaiteront, lors d'une journée nationale. Jérémie est installé dans l'Ain, en zone de montagne, dans un Gaec de quatre associés, hors cadre familial. Ils possèdent 140 vaches et 925 000 l de quota sur 293 ha, dont 80 % en herbe.© D. G.

Une maîtrise européenne de la production en cas de crise, des OP par laiterie avant les OP de bassin et freiner les velléités des coopératives sur le marché mondial, les JA attendent aussi la fin des clivages syndicaux.

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Le projet JA pour la filière laitière propose une maîtrise européenne de la production. N'est-ce pas utopique ?

Jérémie Bolon : Avant d'avancer ce projet, nous avons travaillé avec le Centre européen des jeunes agriculteurs (Ceja) sur cette notion de maîtrise européenne de la production. Nous avons conscience des divergences de point de vue entre les États avec des positions très libérales en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Danemark. Il serait illusoire de croire que l'on peut refaire quelque chose qui ressemble aux quotas ou imaginer de copier le système canadien à l'échelle de l'Europe. Même si une adaptation souple au marché européen est souhaitable. Mais ce que nous voulons, c'est installer une gestion collective des volumes en période de crise. C'est quelque chose que tout le monde peut entendre car la crainte d'un retournement brutal des marchés est universelle. En période de crise, il serait aberrant d'occuper le budget européen à remplir les frigos de poudre et de beurre, sans gérer la production en amont. Qu'avons-nous vu en 2009-2010 ? L'Allemagne qui augmentait sa production de 6 % et la France qui s'autolimitait. Ne pourrait-on pas avoir un peu plus de cohésion entre les États membres et trouver des compromis à l'échelle de l'Union. Nous proposons donc un observatoire de la production, des marchés et des outils d'intervention rénovés et plus réactifs. C'est une politique laitière équitable entre chaque pays qui doit se mettre en place. Le commissaire Dacian Ciolos n'est pas insensible à cela quand le Ceja met dans la balance le renouvellement des générations en production laitière et l'occupation du territoire.

Vous proposez une cellule export qui régulerait l'accès des entreprises françaises au marché mondial. N'est-ce pas pour encadrer les ambitions des coops ?

J.-B. : Face à la volatilité du marché mondial, il faut être vigilant sur les choix stratégiques de la filière. Non pas qu'il faille s'interdire, nous producteurs français, de saisir les opportunités d'une demande mondiale en pleine croissance. Mais pourrait-on jouer collectif au lieu d'y aller individuellement ? La question ne se pose pas pour les producteurs danois ou hollandais collectés à 95 % par une seule coopérative. Mais quand je vois la cacophonie de nos coopératives et certains qui annoncent des projets à +20 % de production pour le marché mondial, je suis dubitatif. La cellule export aurait pour mission de donner un peu de visibilité sur ces marchés et d'accompagner les entreprises qui veulent s'y positionner avec des projets qui tiennent la route et ne déstabilisent pas la filière. Dans nos rencontres, plusieurs industriels privés nous ont fait savoir que leur stratégie n'était pas d'exporter sur le marché mondial. Le fait que sur une même commune, des producteurs adhérents à une coop aient la possibilité de produire plus et d'autres non, ne nous convient pas. D'où la nécessité de construire des organisations de producteurs (OP) par bassin pour produire de manière concertée.

Vous rejoignez donc l'ambition de France Milk Board qui refuse l'idée d'OP par laiterie ?

J.-B. : Je suis persuadé que tous les producteurs français ont le même objectif final : réussir des OP par bassin fortes, capables de participer à la gestion des volumes. De notre point de vue, il est utopique de sauter l'étape des OP par laiterie. Car beaucoup de producteurs refuseront de s'affranchir ainsi de leur transformateur. Mais il n'est pas incohérent d'envisager ensuite une réunion de ces OP par laiterie pour définir ce que les producteurs veulent faire de leur filière. D'ailleurs, nous attendons que le décret à venir sur les OP donne des marges de manoeuvres aux producteurs. Cela ne se fera pas en claquant des doigts. Si nous ne respectons pas les étapes, nous n'arriverons à rien et les laiteries auront la voie libre. Je dirais que la contractualisation, telle qu'elle est aujourd'hui, ne sert à rien sauf à déclencher l'organisation des producteurs. Au-delà des clivages syndicaux, il faudra bien trouver des consensus pour réussir ce challenge.

PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE GRÉMY

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