LE GRAND OUEST NE POURRA PAS SE PASSER DE L'HERBE À L'AVENIR
Plus saine pour l'environnement mais surtout moins chère à produire que le maïs, l'herbe ne cesse malgré tout de régresser. Les éleveurs laitiers ont intérêt à redécouvrir ses nombreux atouts pour rester compétitifs.
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À quels défis sera confrontée la filière laitière du grand Ouest demain ?
Jean-Louis Peyraud : Elle devra faire face à une volatilité accrue du prix du lait, à un accès plus difficile aux aides directes et à un marché plus ouvert à la concurrence, notamment avec l'Europe du Nord. Sur le plan de l'environnement, elle sera confrontée à un renforcement des exigences, en particulier sur la gestion de l'azote, mais aussi sur la maîtrise des émissions des gaz à effet de serre et d'ammoniac. L'aspect social représentera un autre enjeu important avec l'acceptation de la part des éleveurs de l'astreinte de travail.
Pourquoi l'herbe est-elle indispensable au maintien des élevages laitiers ?
J.-L. P. : Elle a de nombreux atouts et participe à la durabilité des exploitations. L'herbe est beaucoup plus économe que le maïs puisque l'animal peut la consommer directement au champ. Elle est équilibrée à elle seule et ne nécessite pas de complémentation avec des protéines. Avec des légumineuses, la prairie capte l'azote atmosphérique, c'est autant d'engrais minéral épargné, un point très important, surtout depuis le renchérissement du prix de l'énergie. Elle permet aussi de réduire fortement le recours aux produits phytosanitaires. Le grand Ouest a, par ailleurs, la chance de bénéficier d'un climat globalement favorable à sa bonne pousse et l'association judicieuse de la prairie et du maïs ensilage doit permettre de développer des systèmes très efficaces.
Pourquoi les surfaces régressent-elles ?
J.-L. P. : Aujourd'hui, l'herbe représente 45 % de la SAU du grand Ouest, mais cette proportion ne cesse pas de diminuer au profit du maïs ensilage. La recherche d'une meilleure productivité laitière par vache, associée à un agrandissement et surtout à un morcellement des exploitations, a orienté les élevages vers des systèmes basés sur les stocks, plus faciles à gérer mais, en contrepartie, plus coûteux. Les éleveurs ont une aversion pour le risque fourrager. Ils perçoivent l'herbe comme peu sécurisante. Ils préfèrent consacrer leurs efforts non pas à la conduite des cultures mais à celle du troupeau. Le pâturage a aussi un côté « ringard » face aux systèmes beaucoup plus mécanisés et en apparence plus modernes. En moyenne, intensifier son système dans le but de libérer de la surface pour produire et vendre davantage de céréales n'est pas déterminant économiquement. À surface et quantité de lait livrée égales, l'EBE ne diffère pas entre un système très herbager économe avec des normandes et un système de polyculture-élevage plus intensif avec des holsteins. Mais si le différentiel actuel entre le prix des céréales et du lait se maintient, il est probable que les surfaces en prairies continueront à reculer.
Comment inciter les éleveurs à utiliser davantage ce fourrage ?
J.-L. P. : Il est important de faire prendre conscience aux jeunes générations, qui seront éleveurs ou conseillers demain, que le modèle de développement va évoluer vers plus de durabilité. Il ne s'agit pas de remettre en cause le modèle précédent, qui a conduit à des succès incontestables, mais de s'adapter à de nouveaux enjeux. Cela passera notamment par la formation. D'une part, des enseignants des lycées agricoles qui devront mettre en avant les atouts de l'herbe D'autre part, les conseillers agricoles devront être formés pour aider les éleveurs à mieux valoriser leurs prairies.
Grâce au projet Laitop, nous allons créer un outil informatique afin de réaliser un diagnostic rapide des résultats technico-économiques d'un élevage et simuler toutes modifications du système fourrager. Il intégrera des référentiels afin de comparer les exploitations entre elles. Nous allons aussi rendre accessible, via internet, un cours d'e-learning d'une trentaine d'heures sur les atouts de l'herbe.
PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS LOUIS
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