AMBITION Lactalis se dévoile pour Yoplait
Une fois n'est pas coutume, Lactalis sort du bois et joue la carte politique pour tenter d'acquérir le joyau qui lui manque. Peine perdue… pour l'acte I.
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Singulière l'annonce Lactalis d'une offre de reprise de la totalité de Yoplait pour 1,4 milliard d'euros, sans attendre le début de la procédure de mise en vente des 50 % de PAI dans la « Petite fleur ». Le groupe de Laval nous avait habitués à bien plus de discrétion. Ce n'est qu'une fois bouclées et signées qu'il délivre d'habitude les communiqués sur ses acquisitions.
Mais il est vrai que cette « affaire-là » n'est pas ordinaire pour Lactalis. Yoplait est la marque de notoriété internationale qui lui manque pour continuer de croître sur le marché mondial via les produits frais. Elle est de surcroît complémentaire de sa gamme et de son implantation. Lactalis est peu présent dans les yaourts aux fruits et à boire et les fromages frais, et lorgne sur des spécialités comme « Perle de lait ». Il est plus actif sur les desserts lactés et les spécialités pour enfants. Yoplait est implanté sur la zone Alena (États-Unis, Canada, Mexique) quand Lactalis ne l'est qu'avec ses fromages. La « Petite fleur » est aussi un leader en Australie où Lactalis est absent...
Début d'un nouveau feuilleton laitier
Pour tenter de l'emporter sur les autres prétendants (les Américains Kraft et General Mills, le Mexicain Lala... et le Suisse Nestlé), le groupe de Laval a donc décidé, une fois n'est pas coutume, de sortir du bois le premier et de jouer la carte politique. La veille de son offre, Emmanuel Besnier, le très discret patron de Lactalis, aurait téléphoné en personne au ministre de l'Agriculture… celui-là même qui a pesé de tout son poids pour privilégier Sodiaal à Lactalis dans la reprise d'Entremont. Difficile dans ces conditions pour le ministre reconduit de ne pas renvoyer la balle au numéro un du lait français en soutenant son ambition. Et cela d'autant qu'il joue sur la fibre nationale. Ce n'est pas, comme attendu, avec Nestlé, avec lequel il est associé sur les produits frais, que Lactalis a fait son offre, mais seul. Objectif : apparaître comme « LA » solution française à la reprise de Yoplait. C'est oublier qu'il n'y a que la moitié de la « Petite fleur » à vendre, l'autre appartenant à Sodiaal. Et cela encore pour longtemps.
À l'offre de Lactalis, Sodiaal n'a fait aucun commentaire le jour même, sinon rappeler sa volonté de rester propriétaire de ses 50 %. Le lendemain, un communiqué de PAI et Sodiaal confirmaient qu'ils n'entendaient pas donner de suite à l'offre Lactalis. Pour deux raisons : « La structure proposée ne répond pas à la volonté de Sodiaal de demeurer un actionnaire stable et pérenne de Yoplait. Les 1,4 milliard d'euros offerts « ne reflètent ni la valeur intrinsèque et stratégique de Yoplait ni ses perspectives de croissance ». Fin de l'acte I, joué en deux jours. Et début d'un nouveau feuilleton laitier après celui d'Entremont.
Pas question de vendre 100 % de Yoplait
Reste à savoir jusqu'où un Lactalis revenu à la charge sera prêt à aller pour acquérir le joyau qui lui manque. En mettre plus sur la table et se satisfaire de 50 % de Yoplait ? Accepter alors que son partenaire forcé, mais aussi concurrent direct sur le marché de l'emmental et du lait UHT, touche sa part du bénéfice juteux de Yoplait* ? Car c'est là un point vital pour la résurrection et l'avenir de Sodiaal, que la coop n'est pas prête de lâcher. Si elle a réussi à boucler sa reprise d'Entremont, c'est bien, comme annoncé par elle-même, en y injectant 100 M€ pris sur ses bénéfices jusqu'alors capitalisés chez Yoplait, et très récemment débloqués par PAI.
JEAN-MICHEL VOCORET
* Part du bénéfice Yoplait revenant à Sodiaal : 18,8 M€ en 2008, 27,4 M€ en 2009.
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