LE MARCHÉ À TERME CONCERNE AVANT TOUT LES INDUSTRIELS
Le contrat sur la poudre de lait écrémé lancé par Euronext représente 24 t, soit 250 000 l de lait liquide, un volume trop important pour les producteurs. Ce marché à terme n'est pas assez mature pour le moment.
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Quel bilan faites-vous du lancement du contrat sur la poudre de lait écrémé ?
M. P. : Il est beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions de la création de ce marché à terme par la société Euronext. Seules quatre ou cinq transactions ont été réalisées. Les acheteurs et les vendeurs ont réussi à se mettre d'accord sur un prix de 1 900 €/t sur les échéances de mars et mai 2011. Un montant proche des cours actuels. Ce marché n'est pas encore mature, il faut lui laisser le temps de s'installer sur le long terme. Les industriels doivent se former et acquérir des compétences avant d'intervenir sur ces contrats.
Ce marché concerne-t-il les producteurs ?
M. P. : Non, il a été conçu pour les industriels. Un contrat représente 24 t de poudre, soit l'équivalent de 250 000 l de lait liquide. Un volume beaucoup trop important pour les éleveurs. Ces contrats sont en plus cotés six fois par an. Ce marché est un outil de couverture du risque de prix et non de spéculation. Un agriculteur qui souhaiterait se protéger ne doit jamais couvrir plus de 100 % de ses volumes produits. Le fait que ce contrat concerne de la poudre de lait et que l'éleveur vende du lait n'est pas un frein. En moyenne sur les dix dernières années, le prix de ces deux matières est corrélé à 77 %. Ces contrats n'ont pas pour objectif d'aboutir à une livraison physique de la marchandise. Avant qu'il arrive à échéance, un intervenant doit pouvoir déboucler sa position, en achetant ou en vendant son contrat et ainsi réaliser une opération neutre. Mais pour le moment, ce marché n'est pas assez « liquide », il n'y a pas suffisamment d'acheteurs ou de vendeurs.
La bourse Eurex, basée à Francfort, a lancé cet été deux contrats de 5 t sur de la poudre et du beurre. Ces contrats concernent-t-il davantage les éleveurs ?
M. P. : Oui, en terme de volume car 5 t de poudre correspondent à 50 000 l de lait. Mais, comme pour Euronext, ce marché à terme n'est pas assez mature, très peu de transactions ont été réalisées. Dans les deux cas, il faudra s'assurer que le prix de ces contrats est bien corrélé au marché physique. Je ressens une forte demande des éleveurs laitiers pour avoir des informations sur le fonctionnement de ces marchés. Surtout chez ceux qui interviennent déjà sur le marché à terme pour vendre leurs céréales et qui utilisent le marché physique à livraison différée pour leurs achats de tourteaux. Ces agriculteurs sont habitués à ne pas subir les fluctuations de prix et à se protéger grâce à ces outils. Les contrats sur les produits laitiers leur offriront une visibilité et une transparence sur le prix des produits industriels à moyen terme. Ils seront un bon indicateur de tendance de l'évolution du prix du lait. Le contrat sur la poudre lancé par Euronext couvre une période d'un an et demi.
Les éleveurs peuvent-ils en tirer d'autres avantages ?
M. P. : Oui, indirectement, car leurs laiteries disposeront d'un nouvel instrument pour se couvrir et seront moins exposées à la volatilité. Elles devraient donc ne pas répercuter totalement les variations des cours des produits industriels sur le prix du lait. Avec la baisse du prix de l'intervention et la fin des quotas, les marchés risquent de rester volatils. Pendant les dix dernières années, le prix du lait français a varié en moyenne de 10 %. Cette variation représente plus ou moins 9 000 par exploitation. Aujourd'hui, les Néo-Zélandais sont soumis à une volatilité de 25 %. Si un tel niveau atteint la France, cette variation pourrait représenter 22 500 €, soit la totalité du revenu des éleveurs. On peut craindre qu'à l'avenir, le prix du lait français se connecte de plus en plus avec l'européen et le mondial. Il est donc primordial que de nouveaux outils de couverture du risque de prix soient créés pour que la filière ne subisse pas totalement cette volatilité.
PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS LOUIS
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