RÉGULATION DU MARCHÉ LAITIER Des marges de manoeuvre très étroites
Les propositions du Commissaire européen de l'agriculture risquent de décevoir les tenants d'une régulation forte et efficace.
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Au lendemain de la grève du lait, Bruno Le Maire demandait à la Commission de proposer une nouvelle régulation du marché laitier en modifiant le droit de la concurrence… un voeu accueilli à bras ouvert par Dacian Ciolos. Il y a peu encore en Bretagne, le Commissaire à l'agriculture annonçait qu'en décembre, il proposerait de donner aux interprofessions des outils pour gérer les volumes en cas de crise. Mais aussi de créer des organisations de producteurs qui puissent peser face à l'industrie. À voir. Car sa marge de manoeuvre est étroite. Il devra composer avec les conclusions du Conseil des ministres du 27 septembre, approuvées par vingt-deux États. Or, elles concernent trois dispositifs « étroitement liés » : les relations contractuelles, le pouvoir de négociation des producteurs et les interprofessions.
Certes, le Conseil est d'accord pour promouvoir des contrats écrits sur les livraisons de lait. À ses yeux, ils devraient couvrir au moins quatre aspects fondamentaux : le prix à payer-la formule de prix à la livraison, le volume, les délais de livraison et la durée du contrat. Mais librement négociés entre les parties. De surcroît, comme la structure de la production diffère considérablement entre les États, ces contrats continueraient à être utilisés sur une base volontaire. Les États qui le souhaitent – comme la France, à écouter Paris – pourraient toutefois être autorisés à les rendre obligatoires chez eux… sous réserve bien sûr de ne pas entraver le bon fonctionnement du marché intérieur (pas de pratiques anticoncurrentielles).
Interprofession et producteurs sous contrôle
Le Conseil est aussi d'accord pour renforcer « la position » des producteurs face à l'industrie, une approche qui suppose un ajustement de l'application des règles de concurrence de l'UE dans le secteur laitier. Une disposition sera sans doute proposée par le Commissaire, qui permet aux organisations de producteurs de négocier conjointement les clauses des contrats, y compris le prix, pour la production de tout ou partie de leurs membres. Mais sous réserve d'une limite quantitative exprimée en pourcentage de la production laitière de l'UE (de 3 à 5 %). Le Conseil précise aussi que l'adhésion à une organisation de producteurs et à une interprofession devra rester volontaire. Et d'ajouter que les restrictions juridiques en vigueur concernant les activités anticoncurrentielles et les pouvoirs de contrôle de la Commission s'appliqueront. Alors que cinq pays libéraux (Pays-Bas, Danemark, Suède, Royaume- Uni, Tchéquie) s'opposent franchement à tout changement, on voit mal le commissaire Ciolos aller au-delà de ces pistes qui font consensus dans vingt-deux États. Selon toute vraisemblance, le droit de la concurrence applicable au secteur laitier n'évoluera qu'à la marge et ne changera pas les limites que la DGCCRF a imposées au Cniel en juin 2008. La politique contractuelle et d'organisation des producteurs seront laissée à l'initiative des pays dans le respect du droit de la concurrence. Au final, que restera- t-il des ambitions de Bruno Le Maire de réguler le marché laitier européen ?
HERVÉ DEBÉARN
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