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ITALIE La guerre du lait cible Lactalis

Devant l'Autorité de la concurrence, à Rome, les manifestants déversent de la poudre de lait, qui symbolise les importations de lait étranger et les cendres de l'étable italienne. © N.S.

Les éleveurs dénoncent la stratégie de la multinationale qui fabrique des fromages italiens avec du lait étranger.

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L'entreprise française Lactalis a enfilé son premier pied dans la « botte » en 2003, en achetant Invernizzi, puis ce furent Galbani, Locatelli et, en 2011, Parmalat ; plus récemment la coopérative Latterie Friulane. Elle est ainsi devenue le premier transformateur privé italien(1). Toujours droit dans ses bottes !

En achetant des marques italiennes mondialement connues comme Galbani et Parmalat, elle s'est ouvert des marchés aux quatre coins du monde. En effet, la gastronomie italienne bénéficie d'une image porteuse sur les marchés américains, asiatiques et européens.

Prétendre au « made in Italy »

Tous ces consommateurs ne sont pas prêts à mettre le prix dans un fromage AOP soumis à de forts droits de douane, mais ils ne se refusent pas une mozzarella Galbani ou un râpé à consonance italienne. Puisque le lait des éleveurs italiens coûte cher et qu'historiquement, l'Italie a sous-évalué sa production lors de l'instauration des quotas, Lactalis importe du lait et des dérivés, moins chers et plus commodes, pour produire du « made in Italy ». Laissant le lait italien de qualité aux productions fromagères AOP qui, tant bien que mal, le rémunèrent (voir article L'Eleveur laitier n° 239 d'octobre 2015).

Un potentiel de production laitière existe en Italie, mais faute d'un prix du lait suffisant, mille étables ont mis la clé sous la porte en 2015.

Depuis 2011, 10 % des élevages ont disparu. Les éleveurs qui ne fournissent pas une filière AOP sont-ils voués à disparaître, faute d'être concurrentiels sur les marchés internationaux ?

En octobre, Lactalis offrait 0,34 €/l, et après le blocus de son centre d'expédition d'Ospedaletto Lodigiano et la table ronde au ministère début novembre, 0,35 €/l. « Un centime insuffisant ! », répondent les éleveurs en colère. Ils brandissent l'étude du ministère des Politiques agricoles sur les coûts de production (prévue par la loi n° 91-2015, en application du paquet lait) : entre 0,38 et 0,41 €/l. Le prix du lait est multiplié par quatre entre l'étable et le rayon frais.

Une semaine de lutte

Durant une semaine, les éleveurs ont bloqué le centre d'expédition de Lactalis, obtenu une table ronde au ministère, sensibilisé les consommateurs devant les enseignes de grande distribution, lancé un appel aux organisations de producteurs de collecte pour ne signer aucun contrat en dessous des coûts de production et déposer un dossier sur Lactalis devant l'Autorité de la concurrence (Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato). « Nous subissons son abus de position dominante, dénoncent les manifestants, et au contraire des autorités espagnole et française, notre agence de la concurrence reste silencieuse. » Il est vrai que si Lactalis ne collecte que 8 % du lait italien, elle maîtrise toutefois un tiers des volumes de lait UHT, 37 % des fromages frais et 34 % des mozzarellas vendues en Italie.

Par ailleurs, les Italiens réclament un étiquetage plus transparent afin de laisser le client final arbitrer et d'alerter les consommateurs internationaux sur l'utilisation abusive des produits à consonance italienne (l'italian sounding).

NADIA SAVIN

(1) Chiffre d'affaires de Lactalis en Italie en 2014, 1,36 milliard d'euros.

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