BOUM DES IMPORTATIONS D'EMMENTAL NÉERLANDAIS Tromperie sur la marchandise
Le différentiel de prix du lait avec les Pays-Bas n'explique pas tout de la percée de l'emmental batave sur le marché français.
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L'emmental français a vécu une année 2009 calamiteuse. Boum des importations de 20 526 t (40 %), recul de l'exportation de 4 700 t (- 10 %). Résultat : ce sont plus de 26 000 t que les emmentalistes français n'ont pas fabriqué. Et donc 260 Ml de lait qui ont été « valorisés » en produits industriels ou lait Spot, grevant les comptes d'exploitation. Certes, le différentiel de prix du lait avec nos principaux concurrents européens a joué un rôle crucial dans ce bilan. Mais la moindre compétitivité du lait français a aussi bon dos quand il s'agit d'expliquer l'explosion des importations néerlandaises. Quasiment inexistantes jusqu'alors (1 000 t), elles ont débuté en 2008 (3 772 t) pour attendre 12 100 t/an aujourd'hui.
Là où le bât blesse, c'est qu'une partie de cet emmental fabriqué par Friesland… n'en est pas, au regard du décret fromage du 27 avril 2007 qu'il devrait respecter, étant vendu sous la marque de distributeur Casino. On devrait avoir affaire à des meules ou des blocs de 40 ou 60 kg, d'une hauteur minimale de 13 cm, et avec des ouvertures de la taille d'une cerise à une noix. Or, des tranchettes d'emmental « made in Netherlands », les spécialistes du SIGF(1) ont facilement déduit qu'elles venaient de blocs de seulement 15 kg et 9 cm de haut. Sans parler de la taille insuffisante des trous, quand ils existent. Cet emmental serait en réalité du gouda rebaptisé. Après avoir perdu des marchés sur des pays tiers du fait des baisses de restitutions, les Néerlandais ont trouvé là une alternative naturelle à leurs yeux. Et surtout très économique car sans investissement industriel et marketing supplémentaire.
Le plus choquant est que cette fraude n'est pas récente. Au printemps 2008, le SIGF avait, sans succès, demandé à Casino de revoir l'appellation de sa MDD. De son côté, l'administration française est officiellement au fait du dossier depuis janvier 2009 mais n'a toujours pas établi le moindre PV qui permettrait au SIGF de se porter partie civile. Pourquoi cette frilosité administrative ? La DGCCRF aurait peur que les Néerlandais portent l'affaire devant la Cour de justice de l'UE et qu'ils gagnent. Mais comment ?
Partie visible de l'iceberg ?
Certes, aux Pays-Bas, c'est la norme internationale du Codex alimentarius qui définit l'emmental de façon moins précise qu'en France, mais néanmoins avec un poids minimal des blocs de 40 kg. Le Codex reconnaît aussi au pays la possibilité d'y déroger mais sur son seul territoire. Pas question donc de l'exporter sous le nom emmental comme le fait Friesland.
Au-delà, cette affaire soulève une question centrale. Ces tranches ne sont-elles pas que la partie visible de l'iceberg ? Quelle est l'origine des râpés néerlandais ou d'ailleurs ? Pour le savoir, il faudrait aller vérifier dans les entreprises la taille des blocs qui finissent en râpé… une mission du ressort de la DG de la concurrence à Bruxelles. Elle exigerait une vraie volonté politique d'appliquer la réglementation, quitte à gêner certains groupes laitiers ou de la distribution... au bras long.
JEAN-MICHEL VOCORET
(1) Syndicat interprofessionnel du gruyère français
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