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IL FAUDRA PRODUIRE PLUS AVEC MOINS DE RESSOURCES

Luc Delaby, 55 ans, est chercheur à l'Inra de Rennes (Ille-et-Vilaine). Il travaille sur les systèmes de production laitière, en intégrant les dimensions techniques, environnementales, économiques et sociales. Face aux enjeux de l'avenir, il préconise des systèmes plus autonomes, aussi bien en matière d'intrants que de subventions publiques. Pour lui, l'agroécologie est le concept qui permet le mieux de répondre aux défis contradictoires que l'élevage doit relever. © P.L.C.

Les éleveurs se trouvent face à des défis contradictoires pour répondre à la fois à la demande mondiale, aux exigences environnementales, et à leurs propres aspirations économiques et sociales.

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En quoi les bouleversements du secteur laitier (défi alimentaire, changement climatique, volatilité des cours) doivent-ils inciter les éleveurs à revoir leur système de production ?

Luc Delaby : Les élevages sont soumis à de fortes perturbations sur les plans de l'économie et de l'environnement. Sur le premier point, la volatilité des prix des matières premières est liée aux variations climatiques, mais aussi à celles de la demande mondiale. De plus, les pays émergents ont soif de lait. Cette demande soutenue devrait favoriser une hausse des prix. Mais ces clients représentent un tel poids qu'ils auront le pouvoir de décider du niveau des prix. Un État autoritaire comme la Chine peut fermer ses frontières indépendamment des aspirations de ses habitants. Cet État va aussi souhaiter augmenter ses propres productions animales. Il achète déjà plus du tiers du tourteau de soja consommé dans le monde, ce qui lui permet d'influencer les cours. Tout ceci a un impact direct sur les prix des produits vendus ou achetés par les éleveurs français. Sur le plan environnemental, la prise de conscience des enjeux liés aux nitrates, à l'ammoniac et aux gaz à effet de serre va peser sur le développement des régions, en particulier pour les plus intensives. On aboutit à des défis contradictoires. Il faut produire pour répondre à la demande, mais en prenant des risques en matière de coûts de production compte tenu de la volatilité, et en se heurtant à de nouvelles exigences environnementales.

Quelles sont les options qui permettent de relever ces défis ?

L.D. : Il est impératif de parvenir à produire plus et mieux, mais avec moins. Les ressources, telles l'eau ou la terre, sont limitées. C'est pourquoi je crois au concept de l'agroécologie qui vise à améliorer l'efficience et le recyclage. Elle peut répondre aux exigences de la société quant à l'environnement et la qualité des produits, mais aussi à celles des éleveurs en matière de conditions de travail, de revenu, de reconnaissance sociale. Il lui reste à convaincre les éleveurs d'y adhérer.

Comment cela se traduit-il en termes de système de production ?

L.D. : Cela nécessite de renforcer l'autonomie des exploitations afin de valoriser les ressources locales et en premier lieu, les fourrages. Les systèmes fondés sur le maïs impliquent des achats importants de protéines. Il faut environ 0,8 ha de soja pour compenser le déficit en protéines de 1 ha de maïs. Cette dépendance peut coûter très cher dans le contexte de volatilité. À l'inverse, l'herbe fournit une alimentation équilibrée. Les éleveurs ont intérêt à se fixer les objectifs suivants. D'abord, réduire leur dépendance aux achats pour consolider et pérenniser leurs résultats économiques. Mais aussi s'efforcer de moins dépendre des aides publiques car elles vont diminuer. Ensuite, réévaluer régulièrement leur coût de production marginal. En clair, il faut savoir jusqu'où il est judicieux de produire davantage de lait sans augmenter le coût de production. Ce seuil varie selon la conjoncture, d'où la nécessité d'un suivi régulier.

Comment sélectionner les animaux les mieux adaptés à ce contexte ?

L.D. : La holstein est performante mais exigeante, alors que les races mixtes se conduisent bien avec des fourrages locaux. Et les croisés offrent un bon compromis entre produire et se reproduire. Les éleveurs peuvent repérer les vaches qui enchaînent les lactations sans problèmes. Ce sont les plus rentables, et donc celles qu'il faut utiliser pour le renouvellement. Nous travaillons sur ce thème à l'Inra du Pin-au-Haras (Orne). Il s'agit de caractériser ces animaux pour pouvoir les sélectionner. Le génotypage, associé au phénotypage, va nous y aider en nous donnant accès à des informations jusqu'alors inexistantes.

PROPOS RECUEILLIS PAR PASCALE LE CANN

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