EMBARGO RUSSE CONTRE L'UNION EUROPÉENNE Les opérateurs argentins freinés dans leurs ambitions
Les velléités de certains opérateurs argentins de profiter de l'embargo russe pour y exporter leurs fromages restent contrecarrées par un gouvernement qui limite à nouveau les exportations.
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Le malheur de l'Union européenne avec la Russie fait le bonheur de la filière laitière argentine. Cette dernière, qui transforme près de la moitié de sa collecte en fromages, cherche à tirer son épingle du jeu auprès de ceux qui ont fermé leurs frontières aux produits laitiers européens. Une multinationale installée à Santa Fe, exportatrice de fromages, explique en « off » que « l'embargo russe contre les produits européens [la] favorise. » Mais « c'est circonstanciel et cela dépend du portefeuille de produits de chaque entreprise », nuance-t-elle.
Priorité de Buenos Aires : le marché intérieur
Ces velléités d'exportation de ces opérateurs sont malheureusement pour eux toujours freinées par le gouvernement argentin qui, depuis un an, contrôle à nouveau les exportations laitières. Autre obstacle pour l'industrie laitière, le taux de change pratiqué à la douane. « Notre gouvernement intervient sur le marché en croyant défendre le pouvoir d'achat des consommateurs, résume Juan Linari, du syndicat Carbap. Les éleveurs laitiers font les frais de cette erreur d'ordre idéologique. Nous sommes encore loin d'exprimer tout notre potentiel productif. »
Le fait est que, parmi les pays laitiers potentiellement exportateurs, l'Argentine est le seul dont la production stagne depuis deux ans, avec le record de 2011 à 11,3 Mt, à la suite d'un climat favorable et d'une ouverture à l'export.
Les producteurs sont d'autant plus frustrés que le prix des céréales et du soja a fortement baissé au second semestre et que les taxes à l'export sur les grains en diminuent d'autant la valeur locale. Avec du maïs à 85 €/t, du tourteau de soja à 230 €/t et du lait à 290 €/t, le rapport de prix a rarement été aussi favorable. « L'alimentation, c'est 30 % du coût total du lait, relativise Tomás Bohner, gérant de cinq fermes près de Buenos Aires. Avec une inflation générale de 40 % par an, le prix du lait actuel n'incite pas à en produire davantage, ce qui se traduit par un solde exportable en berne. » Pour convaincre Bueno Aires que l'export ne menace pas l'approvisionnement du marché intérieur, le Centre industriel laitier (CIL) a proposé de créer des stocks de sécurité de 25 000 t de poudre. En vain. « Nous aurions pu exporter 20 % de poudre de lait en plus vers la Chine début 2014 sans causer de pénurie. C'est trop tard. Fonterra de retour, nous ne sommes plus compétitifs depuis août », se désole Miguel Paulón, du CIL.
Les privés majoritairement pour l'exportation
Gustavo Mozeris, rédacteur du Plan stratégique laitier 2020 (PEL), élaboré par les privés et qui devait servir de base à la restructuration de la filière, déplore qu'il « n'en ait pas été tenu compte. Deux tendances prédominent au sein du PEL : la majoritaire, tournée vers l'expansion de la production grâce à l'export, et celle, minoritaire, repliée sur le marché intérieur. » Cette dernière a prévalu avec la nomination au ministère de l'Agriculture de ses défenseurs. Les libéraux ont constitué, de leur côté, la Fondation du plan stratégique laitier en espérant qu'un changement de cap ait lieu après les présidentielles de 2015.
MARC-HENRY ANDRE
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