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RÉGULER LA PRODUCTION Un rêve européen encore lointain

Au Space de Rennes, Éric Duverger, de la Confédération paysanne, et Véronique Le Floch, de l'OPL, ont relayé avec l'Apli la vision de leurs adhérents : des volumes régulés pour des prix rémunérateurs.© C.H.

Ajuster la production aux marchés en hausse ou en baisse relève du bon sens. Sauf que les décideurs européens prennent une direction opposée.

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On peut s'en révolter, le déplorer, mais le message est clair : il ne faut pas attendre des responsables politiques européens, ni de la Commission, qu'ils se démènent pour le secteur laitier lorsqu'il est en crise. Après la manifestation de 10 000 à 15 000 éleveurs à Bruxelles le 7 septembre, tout juste ont-ils accepté, la semaine suivante à Luxembourg, de mettre sur la table 20 M€ pour augmenter le montant et la durée de l'aide au stockage privé de la poudre de lait écrémé, et ouvrir le dispositif aux fromages... mais aussi à la viande de porc. Parallèlement, une aide de 62,9 M€ est accordée à l'élevage français, sur une enveloppe de 420 M€ dédiée à l'élevage européen (www.lafranceagricole.fr). La demande de la France et du Copa-Cogeca, qui rassemblent les syndicats majoritaires européens (dont la FNSEA) et les coopératives, de relever les prix d'intervention est rejetée. « En l'absence de quotas laitiers, peut-être ont-ils peur de voir se constituer des stocks de beurre et de poudre », entendait-on dans les allées du Space, à Rennes (Ille-et-Vilaine) mi-septembre. « Il ne serait pas étonnant non plus que les pays nord-européens utilisent ce dispositif pour maintenir leur rythme de production à la hausse depuis le début de l'année. » On obtiendrait alors l'inverse de l'objectif visé.

Bref, on est loin de la régulation de la production européenne que défendent la Confédération paysanne, la Coordination rurale et l'Apli à travers Via Campesina et l'EMB. On en est d'autant plus loin qu'en Europe, les syndicats majoritaires n'y adhèrent... pas du tout. « Nous sortons de trente ans de quotas laitiers. Il n'est pas question de rentrer dans une régulation forcée à l'échelle européenne, réagit Mansel Raymond, producteur laitier gallois, en charge du dossier lait au Copa. En ralentissant la production, on prend le risque de ne pas être au rendez-vous quand le marché repart. Si une régulation était mise en place, ce serait à chaque filière laitière nationale de le décider sur la base du volontariat. » On imagine mal les Allemands ou les Néerlandais, qui ont investi massivement dans leurs outils industriels et leurs élevages ces dernières années pour répondre à la croissance mondiale, appuyer temporairement sur la pédale de frein.

La volatilité acceptée en Europe du Nord

« Les éleveurs néerlandais ont accepté depuis plusieurs années les prix volatils et s'y sont préparés, confirme le syndicat LTO. D'ailleurs, seulement quinze adhérents se sont déplacés à Bruxelles par solidarité. La seule question qu'ils se posent aujourd'hui est : combien de temps le prix du lait va-t-il rester bas ?L'Europe est libérale. Que ce soit au Conseil agricole ou chez les producteurs du Copa, la France est très minoritaire, déplore la FNPL. Dès septembre 2014, nous avons plaidé au Copa pour le relèvement des prix d'intervention. Il lui a fallu un an pour défendre cette position. »

S'il ne faut pas baisser les bras dans la défense d'une régulation de la production, penser qu'elle verra le jour prochainement est illusoire. Il faut l'avoir en tête dans la gestion de son exploitation.

CLAIRE HUE

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