CAMEMBERTS Les premiers pas des deux cousins vers une réconciliation
Plutôt que se disputer la dénomination régionale, les acteurs de l'AOP « camembert de Normandie » et du camembert « fabriqué en Normandie » entament une réflexion sur une alternative pour le second.
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En Normandie, l'histoire du camembert n'est pas un long fleuve tranquille. Deux camemberts y cohabitent : l'appellation d'origine protégée « camembert de Normandie » et le camembert « fabriqué en Normandie ». Le premier est conditionné à un cahier des charges (lait cru, prairies, race normande). La principale contrainte du second est de provenir d'usines implantées en Normandie. Difficile donc pour un consommateur non avisé de faire la différence. C'est ce qu'a reproché, en 2011, l'appellation en portant le désaccord devant les tribunaux pour usurpation de notoriété. L'AOP (5 500 tonnes) considère que son cousin, avec la puissance de ses 60 000 tonnes et ses marques fortes (Président, Coeur de Lion, etc.), handicape son développement. Elle a été déboutée pour vice de forme.
La réflexion d'une indication géographique protégée lancée
Aujourd'hui, les deux protagonistes souhaitent évoluer vers des relations apaisées. « Il faut communiquer positivement sur les deux camemberts. Nous devons en finir avec le débat sur un camembert légitime (NDLR : camembert de Normandie), et l'autre pas », estime Bruno Lefevre, président du Syndicat normand des fabricants de camembert (SNFC). Il regroupe les industriels du « fabriqué en », Lactalis, Savencia et Isigny Sainte-Mère. « Il faut trouver une solution pour tirer tout le monde vers le haut. » Avec un effritement régulier du marché des pâtes molles, ces industriels ne peuvent plus se payer le luxe d'une contre-publicité sur leur produit. De leur côté, pour clarifier la cohabitation entre les deux fromages, l'AOP « camembert de Normandie » et l'Union des producteurs bas-normands acceptent de réfléchir à l'idée d'une indication géographique protégée camembert pour le « fabriqué en ». « Certes, cela signifierait la mise en place d'un cahier des charges portant les valeurs normandes, mais c'est un bon moyen pour les producteurs qui seraient concernés de capter une partie de la valeur ajoutée », souligne Benoit Duval, de l'Union des producteurs.
L'Inao met les pieds dans le plat
Si l'idée d'une IGP camembert est sur la table, d'autres le sont aussi. « Elles sont en cours d'expertise juridique. Il faut trouver une solution économiquement cohérente par rapport aux exigences réglementaires actuelles », affirme Jean-Luc Dairien, directeur de l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) qui vient de créer une commission réunissant tous les producteurs et fromagers des deux filières. L'Inao met en fait les pieds dans le plat. « La même dénomination géographique pour deux produits n'est pas tenable dans la durée. La France est dans l'illégalité », insiste-t-il.
Montrer patte blanche aux négociations du Tafta
Les négociations entre l'Europe et les États-Unis pour un traité outre-Atlantique ne le permettent plus. Alors que l'UE défend une liste exhaustive des appellations d'origine européennes pour éviter tout détournement de notoriété, les Américains peuvent lui reprocher son incapacité à appliquer ses propres règles chez elle. L'Inao veut donc aller vite avec une solution définitive d'ici à la fin de l'année.
CLAIRE HUE
60 000 tonnes de camemberts sous l'étiquette « fabriqué en Normandie » se sont vendues l'an passé. Ils rassemblent, entre autres, les célèbres marques Président de Lactalis et Coeur de Lion de Savencia.
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