EX DE CHEZ NAZART, MAINTENANT CHEZ ENTREMONT « Je me donne un an pour poursuivre, ou pas »
Pris dans la tourmente, Lionel Davenet, 35 ans, songe à s'arrêter avant de perdre trop d'argent
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Le hasard ne fait pas toujours bien les choses. Pourtant, tout paraissait sourire à Lionel Davenet et à sa femme Magali quand ils se sont installés, en 1998, en Ille-et-Vilaine. Grâce à une annonce, ils ont été retenus pour reprendre une exploitation à Saint-Hilaire-des-Landes. Dans le Morbihan, leur département d'origine, il n'y avait pas de ferme disponible. « 320 000 l de lait, 71 ha de SAU en location : une belle structure. » Les Davenet ont pourtant très vite déchanté. Des terres sableuses, des difficultés d'intégration dans la commune…
Le tableau était moins idyllique que prévu. « Dès le départ, il a fallu reconstituer le cheptel porteur de la paratuberculose. » Passionné de génétique, Lionel a mis du temps pour sélectionner toutes ces vaches. Et l'affaire Nazart a éclaté. Le 21 octobre 2005, la laiterie de Fougères dépose le bilan, laissant 440 producteurs sur le carreau.
C'est la première à faire les frais de la réforme de la Pac, les prémices de la tourmente dans laquelle allait se retrouver toute la filière trois ans plus tard.
« Dès le mois d'avril, nous n'avons reçu que 30 % de la paye de lait ,puis le prix s'est aligné sur la valorisation beurre-poudre. Un sacré décrochage par rapport à la recommandation interprofessionnelle de l'époque (- 30 à 35 €/1 000 l). J'ai perdu 12 000€. Nous avons décidé de faire un trait sur cette histoire. »
Un jeune a repris leur exploitation. Lionel est parti travailler à l'Inra du Rheu, « mais je suis fait pour être éleveur ».
Aussi, lorsqu'une opportunité se présente à Lantillac (Morbihan), Lionel n'hésite pas. Il reprend une exploitation avec un quota de 280 000 l, 600 places de porcs à l'engraissement et 63 ha de SAU, dont 4 ha en légumes. Il livre chez Entremont. Magali, elle, a changé de métier. Elle est partie travailler dans une usine de légumes surgelés. « Nous n'avons pas voulu refaire la même erreur. Un salaire extérieur, c'est une garantie pour la famille qui compte trois jeunes enfants. » Deux ans de répit pour le jeune couple et, à son tour, Entremont décroche sur le prix du lait. « Tout de suite, je me suis dit que nous allions vers un nouveau Nazart. Mais, cette fois-ci, c'est pire. Outre le manque de transparence dont fait preuve Entremont, le contexte est très différent. Avec la flambée de toutes les matières premières, les charges ont augmenté fortement sur les exploitations. »
Le prix du lait est redescendu, pas celui du fioul, des engrais et des aliments. « Entremont se joue des producteurs. Nous avons servi de banquiers. » 204€1 000 l en avril, mai, juin, 245€ en juillet, août… la trésorerie a fondu. Le prix du blé n'a pas permis de compenser le manque à gagner. L'EBE devrait baisser de moitié.
« Avec le recul, je suis devenu plus réaliste. Je me dis qu'il vaut mieux s'arrêter avant de perdre trop d'argent. Je me donne un an. » Même si cette décision sera prise à regret pour cet éleveur dans l'âme.
ISABELLE LEJAS
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