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« J’ai diminué la consommation d’antibiotiques »

Claire Bréhon, en Gaec avec son conjoint et son fils, n’utilise pas l’équipement de contention à la sortie du robot de traite. Elle soigne la vache malade au milieu de ses congénères dans le bâtiment.

Claire Bréhon utilise de façon complémentaire l’aromathérapie, l’acupuncture et la médecine vétérinaire classique. Le GIEE normand « Bien vivre avec mon troupeau », auquel elle a adhéré en 2021, soutient sa démarche.

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Depuis plusieurs années, Claire Bréhon n’utilise plus seulement des antibiotiques pour soigner les animaux, en particulier les vaches. En charge du suivi sanitaire au sein du Gaec qu’elle gère avec son conjoint Stephan et son fils Alban, elle applique l’aromathérapie, l’acupuncture, parfois l’homéopathie et en amont les observe plus qu’avant.

« Avant mon adhésion au GIEE [groupement d’intérêt économique et environnemental] « Bien vivre avec son troupeau » lancé en mai 2021 à l’initiative du lycée agricole Le Robillard, à Saint-Pierre-en-Auge, j’utilisais déjà ces méthodes complémentaires aux antibiotiques », souligne l’éleveuse. « Les formations proposées par le GIEE ont conforté cette orientation et approfondi mes connaissances. Celle sur la démarche Obsalim d’analyse de l’alimentation à partir de l’état et du comportement du troupeau a affiné ma vision de l’animal. » Elle considère que la vache ne se résume plus à sa seule fonction de production. « Même si intuitivement je le faisais déjà un peu, je prends en compte sa dimension émotionnelle et suis plus attentive aux signaux qu’elle envoie. »

Pour apaiser et désenflammer ce jarret très enflé, l’éleveuse applique un mélange d’argile verte et d’huiles essentielles composées d’eucalyptus citronné, de menthe poivrée, de gaulthérie et de lavande fine, à raison de 6 gouttes chacune. La vache n’a pas bougé. (© C.Hue)

Temporiser et s’adapter

Concrètement, comment applique- t-elle ce mode de conduite ? Quand elle juge que c’est adapté, avant de recourir aux antibiotiques, l’éleveuse soigne d’abord une mammite, une blessure, un retour de vêlage difficile, etc., par l’acupuncture, une huile essentielle ou un mélange d’huiles essentielles. Ces dernières peuvent être associées à de l’argile verte, comme cela a été le cas le jour de notre venue. Était chaque jour appliqué sur un gros jarret un cataplasme d’argile verte, mélangée à quatre huiles. Vu le profil de la laitière, il n’y a pas eu de recours aux antibiotiques. « L’abcès a percé et le pus s’est évacué. La vache a bénéficié d’une séance d’ostéopathie et a été soignée et soulagée durant tout l’été uniquement par les huiles essentielles, illustre Claire. Vieille de six lactations, elle souffre du dos. Avant de déclarer son gros jarret, elle était destinée à la réforme à la fin de sa lactation en octobre. Sa difficulté à se lever a provoqué cette enflure. »

Tranquillement dans le couloir de circulation du bâtiment, Claire Bréhon aide cette mammite à guérir en massant le quartier avec une crème à la menthe japonaise enrichie de 4 gouttes d’eucalyptus citronné, autant de « tea tree » (arbre à thé) et de 2 gouttes de cyprès de Provence. (© C.Hue)

Côté parasitisme, la vermifugation des génisses avant leur mise à l’herbe reste en conduite systématique. Le Gaec de Pierrelaye a acheté en 2022-2023 des minéraux (argile, charbon, sel de mer, etc.) et vinaigre de cidre à 10 % pour mettre en place un bar, qu’il n’utilise pas encore. En revanche, il met à disposition des génisses des seaux à lécher à base d’ail, connu pour son action répulsive. « Elles sont moins gênées par les mouches et ont moins de soucis au niveau des yeux. »

La méthode Obsalim, cœur du réacteur

Pour Claire Bréhon, ces évolutions de soin aux animaux n’auraient pas pu avoir lieu sans un cœur de réacteur. Le sien, c’est la méthode d’observation du troupeau Obsalim. « Elle donne des points de contrôle, qui sont des indicateurs de troubles métaboliques, de mauvaise ambiance du bâtiment, etc. » Sur cette base, sans modifier sa stratégie fourragère, le Gaec a bouleversé l’organisation de la distribution de l’alimentation et la structure de la ration pour éviter des variations ruminales de pH dans la journée. « Nos vaches avaient tendance à avoir les poils hérissés à l’arrière de l’épaule deux à trois heures après l’ingestion, ce qui est un signe de pic d’acidose », indique l’éleveuse. Désormais, quand les fourrages de la ration de base sont trop secs, le Gaec de Pierrelaye lui ajoute un maximum de 2 litres d’eau par vache. « Les vaches séparent moins les fourrages des concentrés pour privilégier ces derniers, plus appétents. » De même, toujours pour une ingestion plus régulière, les associés distribuent l’alimentation deux fois par jour. « Cela nous évite aussi de repousser manuellement la ration vers les laitières. »

Frais vétérinaires réduits de 23 €/UGB en trois ans

L’ensemble de ces pratiques mises bout à bout ont permis de diminuer les frais d’antibiotiques de 4 €/UGB en trois ans et d’antiparasitaires de 1,50 €/UGB (voir l’infographie ci-dessus). Cette baisse s’observe également en moyenne chez les sept membres du GIEE « Bien vivre avec mon troupeau » (dont le Gaec) que Gabrielle Varnier, étudiante à l’école d’ingénieurs de l’Institut Agro Rennes-Angers, a suivis dans le cadre de son stage de fin d’études. « Si on y inclut les produits phytothérapiques, les minéraux hors ration, les additifs à visée curative et antiparasitaire, les dépenses en produits vétérinaires augmentent, précise Gabrielle Varnier. En contrepartie, les frais vétérinaires baissent. » Ceux du Gaec de Pierrelaye diminuent de 23 €/UGB en trois ans, ceux du groupe, de 22 € en quatre ans.

Rassurer la vache

Il ne faut pas résumer la démarche de Claire Bréhon à la seule réduction des antibiotiques et des frais vétérinaires. « Je n’utilise quasiment plus la contention à l’arrière du robot. Je soigne les vaches directement dans leur logette ou les couloirs de la stabulation. Elles se laissent faire. Je gagne du temps. »

De même, en sa présence, l’inséminateur fait son intervention dans le bâtiment, la table d’alimentation étant équipée de barres au garrot, et non de cornadis. « Seules les personnes au caractère posé ont le droit de soigner le troupeau », souligne-t-elle. Elle-même marche doucement dans le bâtiment pour s’adapter à la vision saccadée des bovins, parle à l’animal pour le prévenir de sa présence, le caresse pour l’apaiser... « Je suis calme avec le troupeau. Je le suis encore davantage depuis mon adhésion au GIEE. » Sa facilité à guider les vaches et les génisses a convaincu ses associés et le salarié. « Ils étaient réticents lorsque j’ai commencé à travailler de cette manière », glisse-t-elle malicieusement.

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