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Pléthore de pistes pour réduire les émissions de méthane

Les fourrages très digestibles, comme l'herbe jeune, sont plutôt favorables à une baisse des émissions de méthane.

Climat. L’offre de solutions alimentaires visant à baisser la production de méthane par les bovins ne cesse de s’élargir. Des additifs alimentaires aux lipides, en passant par divers extraits végétaux, les mécanismes d’action et les résultats potentiels varient.

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Partout dans le monde, les scientifiques cherchent des pistes afin de réduire les émissions de méthane par les bovins. Elles passent en partie par l’alimentation puisque c’est la fermentation des aliments dans le rumen qui est à l’origine de la production de ce gaz à effet de serre. Les acteurs français de la nutrition animale viennent de publier un guide recensant l’ensemble des voies explorées, ressources bibliographiques à l’appui.

Si cette liste montre la diversité des solutions envisagées, toutes reposent sur le même constat : le méthane, CH4, est produit par des bactéries présentes dans le rumen, dénommées archaea-méthanogènes, qui utilisent de l’hydrogène pour réduire le gaz carbonique (CO2) en méthane. Tout ce qui permet de limiter la production d’hydrogène ou d’orienter les fermentations vers d’autres voies que celle de ces bactéries peut conduire à une diminution des émissions de méthane. D’une manière générale, les fourrages très digestibles permettent d’atténuer les émissions. C’est le cas de l’herbe récoltée ou pâturée jeune, riche en protéines et en matière grasse. L’ensilage de maïs agit de même grâce à sa teneur en amidon. De plus, ces fourrages de qualité favorisent une productivité laitière élevée ce qui tend à réduire les émissions par litre de lait. Par ailleurs, les concentrés les plus riches en matière grasse sont ceux qui permettent le mieux de diminuer la production de méthane. Mais l’augmentation de leur poids dans la ration bute sur le risque d’acidose.

Bonne efficacité des graines oléagineuses extrudées

Dans le détail, les lipides, une énergie non fermentescible, réduisent la production d’hydrogène dans le rumen et orientent les fermentations vers des voies plutôt consommatrices de cet élément, au détriment des bactéries méthanogènes. Ces molécules subissent aussi une hydrogénation dans le rumen ce qui contribue à diminuer la quantité d’hydrogène disponible pour fabriquer du méthane.

Pour des vaches très productives, réduire les fermentations dans le rumen pour diminuer les émissions de méthane peut se traduire par une chute de la production. (© P.Le Cann)

Les lipides sont présents dans l’herbe jeune, dans les graines oléagineuses, dans les huiles, bien sûr, et dans certains coproduits (drêches de maïs). L’extrusion des graines semble favoriser la réduction des émissions de méthane. Cependant, il faut veiller à ne pas dépasser le seuil de 5 % de lipides dans la ration totale pour ne pas pénaliser la digestibilité des fibres et le TB. Les tanins et les saponines modifient la composition de la flore du rumen au détriment des micro-organismes méthanogènes. Il s’agit de composés d’origine végétale. Leur action sur les émissions de méthane varie selon leur source, les quantités apportées et la composition de la ration. Mais ils ne doivent pas être fournis en grande quantité car ils ont un goût amer et peuvent dégrader la digestibilité des fibres et des protéines. Les performances des animaux peuvent aussi être pénalisées en cas d’apports élevés. D’autres composés à base de plantes sont utilisés, tels les huiles essentielles ou les extraits végétaux. Cette catégorie extrêmement hétérogène est difficile à évaluer. Leurs modes d’actions très diversifiés conduisent le plus souvent à pénaliser la flore méthanogène ou à favoriser des micro-organismes réduisant la disponibilité en hydrogène. Dans certains cas, on observe en parallèle une diminution de la production d’ammoniac. Ces substances sont à utiliser avec précaution car des doses trop élevées ont un impact négatif sur la digestion. De plus, elles peuvent entraîner la présence de molécules indésirables dans le lait ou la viande, des terpènes par exemple. Plusieurs études montrent que la flore du rumen s’adapte à la présence de certaines huiles essentielles qui ont, de ce fait, une action seulement temporaire sur les émissions de méthane.

Les pistes des biochars et des algues rouges

La recherche s’est aussi intéressée au charbon végétal (biochar) pour réduire les émissions de méthane. Certains essais s’avèrent concluants même s’il reste difficile d’expliquer le mécanisme. Il pourrait s’agir d’une séquestration des gaz ou encore d’une augmentation de la présence des micro-organismes utilisant le méthane. Les résultats dépendent de l’origine du biochar et du procédé utilisé pour l’obtenir (température de pyrolyse). Les charbons sont utilisés en alimentation animale depuis plus d’un siècle et semblent être plutôt bénéfiques sur la santé (absorption d’éléments toxiques).

Les algues marines rouges ou brunes, parce qu’elles produisent des métabolites pouvant inhiber la méthanogenèse, sont aussi à l’étude. Elles agissent contre la flore méthanogène du rumen. Les travaux réalisés in vitro et in vivo montrent un effet très significatif sur la production de méthane qui peut chuter de 30 %. Certains auteurs ont même obtenu des réductions de plus de 40 % avec Asparagopsis taxiformis et armata.

Deux additifs homologués

Enfin, la piste des additifs alimentaires est également explorée. Le plus connu, Bovaer (3-NOP), bénéficie d’une autorisation d’utilisation pour les vaches laitières en production et en reproduction dans l’Union européenne (UE). Il est utilisé en élevage malgré son coût relativement élevé (10 €/1 000 l de lait). Il agit en inactivant une enzyme nécessaire à la fabrication du méthane. Il se décompose ensuite en divers éléments naturellement présents dans le rumen. Son action est immédiate, mais disparaît dès que l’additif est suspendu. Il doit donc être apporté régulièrement au fil de la journée à une concentration de 60 mg/kg de MS ingérée pour être efficace. Les études réalisées montrent un abaissement de l’ordre de 30 % des émissions de méthane, sans impact sur la production laitière. Les nitrates ont la capacité de capter l’hydrogène présent dans le rumen. Cette réaction est plus rapide que la méthanogénèse, qui se trouve donc ralentie. Les nitrates sont présents naturellement dans la ration de bovins, notamment dans l’herbe fraîche ou conservée. Un produit commercial, SilvAir, a été homologué en UE pour les bovins. Selon Cargill, son fabricant, il permet de réduire les émissions de 10 % sans pénaliser les performances de production.« On constate un engouement autour de la recherche de solutions alimentaires pour réduire le méthane. Les mécanismes d’action ne sont pas toujours compris et parfois, c’est seulement l’amélioration des performances qui dilue les émissions », alerte Raphaël Boré à l’Idele.

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