Énergie La pousse de l’herbe en cours d’étude sous les panneaux
Panneaux trackers, fixes ou bi-faciaux... L’agrivoltaïsme a le vent en poupe. Mais, avant de s’équiper, il s’agit de comprendre les enjeux techniques que soulève ce type de projet.
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Début mai, des bovins sont entrés pour la première fois sur la parcelle expérimentale de panneaux bi-faciaux photovoltaïques sous forme de haies (0,9 ha), située à l’Herbipôle de l’Inrae dans le Massif central. Ce projet intitulé Camelia, porté par Engie Green depuis 2022, sous la responsabilité scientifique de l’unité mixte de recherche Écosystème prairial (UREP) de l’Inrae, vise à mieux comprendre l’impact de ces haies photovoltaïques sur la gestion de l’herbe, le pâturage et le comportement des bovins. « Nous allons étudier l’effet de ces panneaux sur la vie du sol, la phénologie des plantes, le microclimat ou encore la biodiversité végétale, avec des chiffres à la clef. Ces panneaux d’un nouveau type apportent plus de lumière que les autres du fait de leur forme. Mais ils vont avoir un impact sur la vitesse du vent et l’humidité de l’air, par exemple », explique Catherine Picon-Cochard, directrice de recherche de l’unité. Le projet devrait durer trois ans et demi avec un engagement d’Engie à démanteler la structure à la fin. L’effet du chantier et du poids des panneaux sur le tassement des sols sera aussi étudié. Des caméras permettront d’analyser le comportement des bovins (frottements), qui seront équipés de capteurs (température corporelle, podomètre).
Peu de données d'impact en élevage bovin
En élevage bovin, notamment laitier, les projets d'agrivoltaïsme pointent le bout de leur nez et sont encore rares officiellement. Pour Jérôme Pavie, responsable du service fourrage et pastoralisme à l’Institut de l’élevage (Idele), les projets sont bien là mais en attente dans les administrations. « Il faut attendre deux ou trois ans dans le meilleur des cas. Et il y a bien un an et demi d’attente de dossiers sur le bureau de certains préfets », relève-t-il. Sur le plan agronomique et zootechnique, la difficulté réside dans l’absence de données concernant l’association entre bovins et panneaux photovoltaïques (impact des frottements de l’animal sur les poteaux, évolution du comportement, pousse de l’herbe, etc.). À l’heure actuelle, les projets se sont beaucoup développés pour les cultures, le maraîchage et en élevage ovin. Mais l’élevage bovin questionne les professionnels et les investisseurs. De plus, en maraîchage et en arboriculture, la présence des panneaux influence la croissance des végétaux, en bien (humidité plus importante, protection des rayons solaires, paragrêle) comme en mal (manque de rayons lumineux pour la photosynthèse). Il n’y a donc pas de raison que l’herbe des pâtures échappe à ces constats. Dans tous les cas, les observations réalisées sur des projets en élevage ovin sont une source d’inspiration quant à la gestion de l’herbe en élevage bovin (évolution de la flore, technique de fauche, rotation des parcelles). L’Idele alerte, comme l’Inrae, sur l’impact des travaux sur le tassement et la vie des sols.
Les pâtures, un « gisement foncier »
Philippe Rollet, responsable Agri-Énergies France chez Qair, reste convaincu du potentiel et n’hésite pas à parler de « gisement foncier » lié à l’élevage bovin, d’où son investissement de près de 2 millions d’euros dans un projet expérimental, Solélab, sur 7 ha (985 kWc), conduit avec l'élevage laitier du Gaec de la Vandes à Ménil-Erreux, dans l’Orne. Durant le temps de l’expérimentation, de cinq à sept ans, « seront étudiés les impacts des installations sur le bien-être animal, la pousse de l’herbe et la mécanisation de la parcelle via des expertises électriques, géobiologiques, agropédologiques, agronomiques et éthologiques », rapporte-t-il. Le Gaec de la Vandes est en traite robotisée avec accès au pâturage. Cinq technologies différentes de panneaux, dont des panneaux verticaux, sur deux parcelles jouxtant les stabulations et la salle de traite seront évaluées.
De son côté, Yoann Bizet, éleveur laitier à Souleuvre-en-Bocage, dans le Calvados, s’est aussi lancé dans l’aventure avec l’entreprise TSE. Curieux et aimant l’innovation, il a déjà une unité de méthanisation (500 kWc) et produit 1,1 Ml de lait avec 130 vaches laitières, sur 170 ha de SAU (50 % de prairie temporaire, 25 % de luzerne, 25 % de maïs).Alors qu'il avait choisi de passer hors sol il y a huit ans, son idée est désormais de remettre les vaches au pâturage pour « diminuer les problèmes de boiterie et leur faire retrouver de la masse musculaire ».
Le projet se compose d’une grande ombrière ou canopée agricole (5 m de haut et 27 m de large) sur 3 ha afin de laisser passer les machines (semis, fauche, girobroyage…), entraînant un ombrage de 40 à 45 % de la surface. « Il n’y aura cependant pas un seul endroit qui restera à l’ombre toute la journée », souligne Léa Bonin, ingénieure R&D biologie animale chez TSE. Un robot de traite est arrivé en juin afin de récupérer toutes les informations liées à la traite. « Les bovins seront répartis en deux lots : un lot témoin (6 ha) sans ombrières et un lot test sous la canopée. Les vaches porteront un podomètre et une porte de tri leur donnera l’accès au bâtiment et/ou aux parcelles quand elle le désire. Cela nous permettra d’identifier si lors des fortes chaleurs, elles sont mieux sous l’ombrière ou dans le bâtiment », continue Léa Bonin. L’Idele est partenaire du projet sur le plan expérimental. Les travaux pour la construction de l’ombrière ont commencé mi-avril avec une fin en octobre-novembre. La parcelle sera ensemencée en 2024 avec des mélanges prairiaux encore en cours de réflexion, « mais avec des variétés sans doute assez agressives et précoces car les vaches devraient sortir fin mai- début juin 2024, complète Léa Bonin. Elles auront eu le temps de s’adapter au robot de traite entre-temps ». Des prélèvements agronomiques sur les parcelles auront lieu régulièrement avec des analyses de rendement fourrager notamment, ainsi qu’une étude de l’évolution floristique.
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