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SÉCHERESSE : FAIRE FACE AU DÉFICIT FOURRAGER

Les prairies ont commencé à sécher dès le début du printemps. Les récoltes de foin ou d'ensilage d'herbe sont limitées et les éleveurs ont déjà entamé leurs stocks.©WATIER-VISUEL

Utilisation de paille ou de coproduits, mais aussi ensilage de céréales immatures ou implantation de dérobées : telles sont les solutions qui s'offrent aux éleveurs pour pallier le manque de stocks.

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LES RÉSERVES DE FOURRAGES SONT SOUVENT DÉJÀ BIEN ENTAMÉES alors que l'été ne fait que commencer. Pour tenir jusqu'au printemps, les éleveurs ont besoin d'acheter ou de produire des ressources supplémentaires s'ils veulent préserver leur production laitière. Sachant que la disponibilité en produits est un enjeu fort.

Paille. Utiliser au mieux les disponibilités

La paille devient un fourrage précieux en période de sécheresse. C'est un produit encombrant et peu digestible mais une ressource intéressante dans les rations en temps de disette.

ÉCONOMISER SUR LA LITIÈRE

En élevage laitier, les pailles sont majoritairement utilisées pour la litière. Il existe des produits de substitution qui, localement, peuvent être intéressants. Que ce soit en litière accumulée ou en logettes, la sciure et les copeaux de bois se rapprochent de la qualité de litière permise par les pailles de céréales. Mais on peut craindre un manque de disponibilités sur ces deux produits très orientés aujourd'hui vers des valorisations énergétiques.

D'autres sources végétales d'une qualité moindre peuvent être envisagées. Avec 1,5 million d'hectares cultivés, la paille de colza sera disponible. Elle permet une bonne portance, mais son pouvoir absorbant est médiocre. Des éleveurs la récoltent avec une ensileuse équipée d'un pick-up de façon à avoir un produit broyé, stockable en vrac et facilement repris au godet. Sur logettes, le confort de cette paille hachée est intéressant, à condition de récolter un produit bien sec.

Les quantités de paille de céréales nécessaires aux litières peuvent-elles être diminuées ? La norme est de 10 kg par jour et par vache en aire paillée intégrale et de 3 à 4 kg en logette (fumier). Vouloir passer très en deçà expose à une dégradation de la qualité du lait et de l'hygiène de la mamelle.

La marge de manoeuvre est donc faible, même si des petites astuces peuvent amener des économies (mais aussi plus de travail). Par exemple : augmenter la fréquence du raclage pour limiter la souillure de la litière ; ébouser régulièrement l'aire paillée ; limiter la durée d'accès au couchage ; entretenir quotidiennement l'arrière des logettes ; optimiser la répartition de la paille (l'intervention manuelle est alors nécessaire).

Une bonne ventilation du bâtiment, sans zone humide, conditionne aussi le besoin en paille. Attention aux bardages colmatés par la poussière.

En litière paillée intégrale, l'augmentation de la fréquence de curage conduit à une réduction importante des quantités de paille consommées. Des éleveurs qui ont expérimenté un curage par semaine, au lieu de un tous les deux mois, réalisent près de 50 % d'économie. À condition bien sûr d'avoir un sol stabilisé, une fumière et la main-d'oeuvre nécessaire.

BIEN UTILISER LA PAILLE DANS LES RATIONS

La valeur nutritive de la paille est faible : 0,42 à 0,44 UFL. Pour doper les micro-organismes nécessaires à sa digestion, elle doit être complémentée avec de l'azote soluble et des glucides rapidement fermentescibles. L'autre impératif est d'utiliser des fourrages parfaitement conservés. La paille de bonne qualité se consomme bien, mais l'apport d'un aliment liquide mélassé (0,5 kg/ animal et par jour) améliorera son appétence. Enfin, le respect d'une transition s'impose quand on modifie le régime.

En élevage laitier, face à un fort déficit fourrager, la règle est de réserver les meilleurs fourrages aux vaches laitières. Le foin et l'ensilage d'herbe habituellement distribués aux génisses de plus de 12 mois peuvent être remplacés par de la paille. Une ration de 4 à 5 kg de paille, complétée de 3,5 à 4 kg de concentrés (céréales/soja), permet une croissance supérieure à 500 g/j. Construire une ration à base de paille pour les laitières est possible mais la quantité de concentré à apporter sera très importante avec, à la clé, un coût élevé et des risques sanitaires non négligeables. Au delà de 7 à 8 kg de concentré, il est impératif de fractionner la distribution en trois ou quatre fois, et d'ajouter du bicarbonate de sodium (200 g/j) et du magnésium (50 g/j). Une ration sèche à base de paille est un cas extrême qui peut s'envisager. Mais à 16 kg/j de concentré, le coût devient prohibitif : plus de 18 €/1 000 l.

Coproduits. Vaches ou génisses : Cibler leur valorisation

La sécheresse du printemps a provoqué une tension sur le marché des coproduits. Si les fournisseurs avancent un délai de livraison d'au moins trois semaines à un mois actuellement, pas de panique. À partir de septembre, après les moissons, les récoltes de pommes de terre et de betteraves sucrières, d'autres coproduits seront disponibles.

« Bien évidemment, nous approvisionnerons en priorité nos clients habituels », souligne l'antenne ouest de Bonda. « Mieux vaut commander dès maintenant pour être assuré d'être livré en septembre », conseille Margaron. Au préalable, il convient de bien identifier quelle utilisation sera faite de l'aliment. « S'il est acheté pour combler un déficit fourrager, attention, avertit Étienne Doligez, de Calvados Conseil Élevage.

La plupart des coproduits sont valorisés comme concentrés car leur valeur d'encombrement est faible. »

L'utilisation la plus adaptée sera sur les génisses, mélangée à de la paille.

Dans tous les cas, analyser le produit livré pour a minima connaître son taux de matière sèche et la matière azotée totale pour les produits riches en azote. Il est également utile de peser le produit pour étalonner les quantités à distribuer et limiter le phénomène d'acidose qui peut survenir en cas de distribution trop généreuse.

Si des produits humides sont commandés, se tenir prêt à être livré du jour au lendemain (bâche achetée, un ou deux murets de supports aménagés, y compris de paille…).

VACHES LAITIÈRES

Le coproduit remplaçant le mieux le maïs-ensilage est la pulpe de betterave, surpressée ou déshydratée.

• PULPES DE BETTERAVES SURPRESSÉES

« Avec une valeur d'encombrement de 1,05 UEL, 1 kg de MS de pulpes de betteraves surpressées peut largement se substituer à 1 kg de MS de maïs. La quantité distribuée ne doit pas dépasser les 4 à 5 kg de MS (15 à 20 kg brut) », précise Étienne Doligez. Il conseille de distribuer la ration mélangée en deux repas ou de mêler les pulpes à du foin ou de la paille. De même, limiter le blé dans la ration à 1,5 kg. En effet, la cellulose de la betterave se dégrade rapidement. Le produit a une tendance acidogène. En revanche, il peut être distribué à volonté aux taurillons, moins sensibles à l'acidose, avec de la paille et un correcteur azoté.

- Spores butyriques : pour éviter une contamination, confectionner un silo étroit pour un avancement rapide, tenir le silo propre et veiller à la propreté des camions à la livraison.

Valeur alimentaire* : 1 UFL, 62 de PDIN et 100 de PDIE.

PULPES DE BETTERAVE DÉSHYDRATÉES

Distribuées à plus de 4 kg, leur valeur d'encombrement flirte avec celle du maïs-ensilage (0,9 UEL) et elles peuvent quasiment remplacer 1 kg de MS de maïs. Sans amidon, sa densité énergétique est trop faible pour les vaches hautes productrices ou en début de lactation. D'ailleurs, en Basse- Normandie, en année climatique classique, elle est utilisée pour déconcentrer la ration, les maïs bas-normands étant riches en amidon.

Valeur alimentaire : 1 UFL, 66 de PDIN et 108 de PDIE.

- Si vous n'êtes pas utilisateurs réguliers de pulpes, mieux vaut contacter dès à présent les producteurs betteraviers.

• POMMES DE TERRE Avec une valeur d'encombrement de 0,5 UEL, la pomme de terre est une réponse partielle au déficit fourrager. Distribuée à raison de 2 kg de matière sèche (10 kg brut maximum pour 20 % de MS), elle se substitue à 1 kg de MS de maïs-ensilage. La pomme de terre a plusieurs atouts. D'une part, avec 1,2 UFL/kg de MS, elle enrichit la ration en énergie. D'autre part, elle est peu acidogène car son amidon se dégrade lentement. Cela n'empêche pas la vigilance.

Mélangés au maïs-ensilage lors de la confection du silo, à raison de 5 à 6 t brutes pour 1 ha de maïs à 12 t de MS, les tubercules se conservent bien. Ne soyez pas étonné : ils noircissent au fil du temps. Autre solution : être livré régulièrement, de préférence en pommes de terre lavées. Dans le cas contraire, constituer un tas ne dépassant pas les 70 à 80 cm sur une plate-forme propre à l'abri de la lumière.

Valeur alimentaire : 1,2 UFL, 61 PDIN et 105 PDIA.

- Sa richesse en potassium et en sel a un effet laxatif.

GÉNISSES : À MÉLANGER À LA PAILLE

Des coproduits ont une valeur d'encombrement trop faible (0,5 UEL) pour les orienter vers les vaches en substitut de maïs ensilage. En revanche, mélangés à la paille et distribués aux génisses (ou aux taurillons), ils permettent de libérer des fourrages pour les laitières.

• CORN GLUTEN FEED ET FIBRES DE BLÉ

« Leur rapport azote/énergie équilibré facilite leur utilisation sur les jeunes animaux. Leur teneur en amidon est réduite par rapport au blé, ce qui limite le risque d'engraissement des génisses », analyse Étienne Doligez. En fonction de l'âge, 2 à 3 kg de MS peuvent être distribués et 4 à 7 kg aux jeunes bovins en début d'allotement. « Ces produits ne présentent pas de problèmes d'ingestion. Il n'y a pas non plus de risques métaboliques. » Notez que les fibres de blé sont un produit humide. Il faut prévoir un silo étroit en taupinière ou en couloir pour un avancement rapide (10 cm/jour l'été, 15 cm/jour l'hiver).

Valeur alimentaire : 1,05 UFL, 114 de PDIN et 116 de PDIE pour le corn gluten feed ; 1,17 UFL, 118 de PDIN et 122 de PDIE pour les fibres de blé.

• TÉGUMENTS DE SOJA

Ce produit fait son apparition sur le marché. Riche en énergie, il ne contribue pas à la fabrication de génisses trop grasses car il ne contient pas d'amidon. Il peut être ajouté à la paille en complément d'un correcteur azoté et un peu de blé.

Céréales immatures. Connaître leur valeur pour les valoriser

Les éleveurs qui ont ensilé des céréales immatures pour pallier le manque de fourrage ont intérêt à analyser cet ensilage. Car la valeur alimentaire varie selon les espèces. Le stade de récolte joue également. En moyenne, l'ensilage de blé ou d'orge a une valeur énergétique 30 % plus faible que du maïs, soit entre 0,6 et 0,7 UFL. En revanche, la valeur azotée est équilibrée et proche de celle de l'ensilage de maïs. Et l'ingestibilité de ce fourrage peut dépasser celle du maïs. Cependant, il est essentiel d'avancer vite dans le silo, au rythme d'au moins 15 à 20 cm/jour. Sinon, le tas chauffe rapidement et le fourrage perd de son appétence.

En raison de leur richesse énergétique limitée, les ensilages de céréales immatures sont à réserver aux animaux qui ont les besoins les plus faibles. On peut les donner à volonté aux génisses de plus d'un an. Avec un complément de 0,6 kg de concentré, on peut obtenir une croissance de l'ordre 730 g/ jour. Pour les vaches en production, l'ensilage de céréales offre une bonne complémentarité avec l'ensilage d'herbe. L'ingestion est favorisée par la bonne teneur en matière sèche de la céréale et des essais ont montré que la production se maintient avec ce type de régime. De la même façon, les laitières se comportent bien quand on incorpore 3 à 5 kg de MS d'ensilage de céréales dans une ration à base de maïs.

En l'absence d'autres fourrages, les vaches peuvent consommer quotidiennement jusqu'à 10-12 kg de MS de céréales immatures. La production sera équivalente à celle que l'on obtient avec une ration d'ensilage d'herbe. Mais il faudra veiller à fournir une bonne complémentation énergétique et azotée.

Ceux qui ont récolté des céréales immatures disposent d'une surface disponible pour implanter des dérobées. On peut également les semer après la moisson.

Dérobées. Constituer des réserves pour l'automne et l'hiver

L'idée est de disposer de pâtures productives pour la fin de l'été ou pour l'automne, voire en sortie d'hiver. Dans ce cas, il faudra bien évidemment proscrire les espèces gélives. On peut aussi viser la constitution de stocks pour tenir jusqu'au printemps prochain. Dans tous les cas, la décision de semis doit intégrer les engagements Pac.

Pour choisir, l'éleveur devra anticiper et identifier le moment où son exploitation aura besoin de nouvelles ressources fourragères. Il faut également tenir compte des caractéristiques propres à l'exploitation, notamment avant d'envisager un pâturage d'automne, Enfin, attention à la date de destruction pour ne pas pénaliser la culture suivante.

SORGHO, MILL ET OU MOHA : À PÂTURER DÈS L'ÉTÉ

Ces espèces peuvent être implantées jusqu'à mi-juillet au sud de la Loire. Elles ont des cycles de végétation courts, une croissance rapide et une bonne capacité de rattrapage en cas de stress hydrique. Elles pourront fournir un fourrage complémentaire, à pâturer ou à récolter dès le mois d'août. Le sorgho ne doit pas être pâturé au-dessus d'une hauteur de 60-70 cm. L'option récolte permet d'envisager ensuite une nouvelle dérobée. On peut penser à du colza, par exemple, à pâturer en fin d'hiver.

COLZA FOURRAGER POUR LE PÂTURAGE D'AUTOMNE

Le pâturage du colza doit être rationné pour les bovins. Il peut débuter 80 jours après le semis et se poursuivre pendant l'hiver. Le colza peut être associé à un RGI alternatif ou un trèfle incarnat non météorisant pour améliorer la qualité du fourrage.

RGI OU TRÈFLE, POUR LA FAUCHE OU LE PÂTURAGE

Le RGI peut être semé en août pour un pâturage dès l'automne et jusqu'au début du printemps suivant. Il s'installe vite mais supporte mal le manque d'eau. Le trèfle d'Alexandrie peut être implanté jusqu'à la mi-juillet. Très appétent, il produit rapidement. Il s'agit d'une plante gélive. Quant au trèfle incarnat, que l'on peut semer de mi-août à mi-septembre, il peut produire beaucoup et de manière précoce au printemps. Mais il ne peut être exploité qu'une fois.

DOMINIQUE GRÉMY, CLAIRE HUE ET PASCALE LE CANN

* Source : chambre d'agriculture de la Mayenne et Institut de l'élevage.

La paille, quand elle est disponible, peut entrer dans la ration des génisses, à condition d'apporter une bonne complémentation.

© JEAN -MICHEL NOSSANT

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