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Recherche Le pâturage associé au concentré n’a pas encore livré tous ses secrets

Étude Tripl’XL. L’Inrae du Pin-au-Haras teste au pâturage, sur 150 vaches holsteins, normandes et jersiaises, trois conduites de concentré de production. Le but : une utilisation plus ciblée, adaptée à l’objectif que se fixe l’éleveur.

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La vache et l’herbe pâturée réservent encore des surprises. Le lancement d’une nouvelle expérimentation en janvier 2020 pour six ans au domaine Inrae du Pin-au-Haras, dans l’Orne, le prouve. « L’herbe pâturée est le seul fourrage qui se suffit à lui-même », rappelle Luc Delaby, chercheur à l’Inrae, bien connu pour ses travaux sur la conduite des troupeaux à l’herbe. « Il n’y a pas besoin d’ajouter de concentré de production. Et, si on le fait, on obtient au mieux un kilo de lait supplémentaire par kilo de concentré car ce dernier se substitue à l’herbe. La vache en mange moins. » Néanmoins, en système économe, si l’éleveur se fixe une faible quantité en concentré de production, quel est le moment le plus opportun pour l’apporter : en début, au milieu ou en fin de lactation ? Selon ces périodes, la vache alloue-t-elle cette énergie supplémentaire à la production de lait ou à l’amélioration de son état corporel ? D’autres interrogations émergent. Par exemple, si l’on arrête la distribution du concentré au cours de la lactation, y a-t-il, dans les semaines suivantes, un arrière-effet positif sur la production laitière ? La race a-t-elle une influence­ sur la réponse de l’animal au concentré ? « Peu de références existent sur le sujet », répond Luc Delaby.

Le concentré de production testé sur trois périodes

Au pâturage, cette nouvelle expérimentation pluriannuelle teste trois périodes d’apport du concentré de production. Il l’est soit durant les 100 premiers jours de lactation dont le pic est en avril ou mai, soit entre 100 et 200 jours de lactation, soit en fin de lactation. Les holsteins et les normandes reçoivent au total 400 kg de concentré, les jersiaises 300 kg (détail de l’expérimentation dans l’encadré page ci-contre).

Les résultats de la saison 2020 donnent une première tendance (ceux de 2021 ne sont pas encore disponibles). « La réponse laitière au concentré est bonne sur les deux premières périodes. Chez les vaches normandes et holsteins, 1 kg de lait en plus est produit par kilo de concentré. Chez les jersiaises, la réponse est de 0,7 kg. » Un petit effet rémanent favorable est observé durant une cinquantaine de jours après l’arrêt du concentré. Il s’estompe ensuite. En revanche, la réponse laitière au concentré est plus faible en fin de lactation : 0,6 kg de lait en plus par kilo de concentré. « En fin de lactation, pour les trois races, la répartition de l’énergie se fait à 40 % pour le lait et à 60 % pour l’état corporel. En début et milieu de lactation, c’est l’inverse : respectivement 70 % et 30 %. La glande mammaire y joue à plein son rôle. »

Vers une stratégie à la carte ?

En début de lactation, le concentré stimule l’augmentation du nombre de cellules sécrétrices et leur rendement métabolique. En milieu de lactation, la capacité de synthèse du lait est déjà en place. Elle fonctionne davantage sous l’impulsion de l’énergie supplémentaire à disposition. « En revanche, en fin de lactation, la machine mammaire tourne moins vite. Le concentré est moins efficace pour la production laitière mais permet la reconstitution des réserves corpo­relles. » Si ces résultats se confirment les prochaines années, ils donneront aux éleveurs les clés d’une stratégie à la carte. Pour un objectif de production, le concentré serait distribué en début de lactation, à condition que le rapport prix du concentré/prix du lait soit intéressant bien sûr. Si l’éleveur veut assurer l’état corporel (et peut-être la reproduction lors de la lactation suivante), il privilégiera un apport en fin de lactation. Une démarche qui intéresse tout autant les producteurs en système intensif qu’économe.

Reproduction : nouvelles interrogations

La nouvelle expérimentation explore l’effet de la période de distribution sur la reproduction. Pour la holstein, sélectionnée depuis des années sur le potentiel laitier, le Pin-aux-Haras a montré dans une précédente expé­rimentation sa difficulté à se reproduire, surtout en vêlages groupés. La normande, elle, a une aptitude de revêlage de 20 % supérieure. « Une étude néo-zélandaise montre qu’une alimentation un peu plus riche en énergie en fin de lactation a une influence positive sur la fonction reproductrice quatre à cinq mois plus tard. Cela signifie-t-il que la préparer durant le tarissement est déjà trop tard ? Nous espérons trouver la réponse dans notre étude. »

Claire Hue

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