PRAIRIE : DES GAINS À ATTENDRE AVEC LA FUMURE DE FOND
La fourniture en phosphore et potasse est une manière, souvent négligée, d'améliorer le rendement de la prairie. En la matière, l'analyse d'herbe est le moyen le plus pertinent d'adapter ses pratiques de fertilisation.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
AVEC DES RENDEMENTS QUI PLAFONNENT AUTOUR DE 5 T DE MS/HA, la prairie est encore trop souvent le parent pauvre des assolements. Elle est même parfois vécue comme une contrainte, observe Dany Hennebelle, conseiller d'Oxygen Conseil Élevage (Pas-de-Calais). Il y a pourtant des gains de productivité à attendre en ayant les bons repères de fertilisation. » Dans la pratique, les prairies de fauche s'avèrent souvent pénalisées par l'absence de fertilisation phosphatée ou potassique. « Or, le phosphore (P) et la potasse (K) sont des éléments essentiels à la reproduction de la plante et au développement de son système racinaire », précise-t-il.
À l'inverse, les pâtures bénéficiant des restitutions par les bouses et les pissats sont souvent en excédent. Dans ce cas, la fertilisation sera sans effet sur la productivité de la prairie. Elle accroîtra la teneur de l'herbe en ces éléments. Ce n'est pas gênant pour le phosphore, mais les excès de potasse peuvent être à l'origine de troubles métaboliques (tétanies, métrites et diarrhées).
L'ALTERNANCE FAUCHE-PÂTURE POUR ÉQUILIBRER LE BILAN
L'objectif assigné à la fertilisation P et K vise donc à satisfaire les besoins nutritionnels des plantes, afin que le manque éventuel de ces éléments ne soit pas un facteur limitant pour le niveau de production permis par l'azote. C'est l'analyse d'herbe qui permet d'évaluer la pertinence de la répartition de la matière organique sur l'exploitation, en fournissant un indice de nutrition P-K du couvert végétal. « L'analyse de sol ne donne pas de résultats suffisamment fiables, car les éléments nutritifs sont plus ou moins dilués dans le profil en fonction de l'enracinement de la prairie, de la prise d'échantillons et du type de sol. De ce fait, un prélèvement sur deux n'est pas représentatif de l'état réel de la prairie », explique Patrice Pierre, conseiller fourrage et pastoralisme à l'Institut de l'élevage. Le laboratoire d'Oxygen Conseil Élevage propose ce service au prix de 30 € l'analyse : elle porte sur des échantillons d'herbe prélevés pendant la période de pleine pousse (de fin avril à début juin), lorsque les conditions ne sont pas limitantes. Les résultats sont obtenus en 48 heures et les mesures correctives éventuelles seront mises en oeuvre à l'automne, pour un effet attendu en année N + 1.
L'indice de nutrition P-K représente l'écart exprimé en pourcentage entre l'état de nutrition de la parcelle et l'état de nutrition considéré comme non limitant, c'est-à-dire un indice 100. Entre 80 et 120, cet indice est jugé satisfaisant. Cela signifie que la fertilisation mise en oeuvre est adaptée et qu'une augmentation des apports n'entraînera pas de gains de production. Au-delà de 120, on peut envisager un schéma d'impasse pendant deux à trois ans, ou alterner pâture et fauche pour exporter des éléments fertilisants. Enfin, en deçà de 80, un apport plus important entraînera une augmentation du rendement de la prairie.
« Dans les parcelles en situation de carence, les essais conduitspendant plusieurs années par Arvalis montrent clairement une augmentation des rendements en réponse aux apports de P et K », rappelle Patrice Pierre. En effet, le sol doit être vu comme une réserve sur laquelle on ne peut pas miser trop longtemps, surtout en régime de fauche exclusive. Cette réserve doit donc être réapprovisionnée. « Trois options sont possibles : apporter des engrais minéraux, de la matière organique ou, lorsque c'est possible, instaurer un cycle de pâturage. »
DE 0 À 60 KG DE PHOSPHORE ET 150 KG DE POTASSE
En élevage, les engrais de ferme constituent la principale source de P et K. Ils ont une efficacité similaire aux engrais minéraux. « L'apport de 10 t de compost ou de 15 t d'un fumier marné (vieilli en bout de champs), dosant 2,5 kg P2O5 et 8 kg K2O/t, est un bon repère pour l'entretien d'une prairie de fauche. » Les essais de l'Institut du végétal montrent en effet qu'au-delà d'un seuil de 60 unités de P2O5 et 150 unités de K2O/ha/an, les gains de rendements sont marginaux. Le fumier sera épandu de préférence sur une herbe rase, par exemple après un dernier pâturage réalisé par les génisses. Moins concentré, le lisier épandu au printemps est également une source de P et K (2 kg de P2O5, 5 kg de K2O/m3 pour un lisier pur).
Il faut enfin garder à l'esprit que l'entretien calcique de la prairie est un facteur essentiel d'expression du rendement. En situation de pH bas, les apports de P-K seront inefficaces en raison d'un mauvais fonctionnement du complexe argilo-humique. « Le défaut de ces éléments est souvent lié. C'est la dégradation rapide de la prairie entraînant des resemis trop rapides qui doit alerter l'éleveur. » Le conseiller recommande une analyse d'herbe tous les trois ans si le diagnostic a abouti à une modification des pratiques, et tous les cinq ans, s'il a conduit à les maintenir. « On ciblera les îlots au mode d'exploitation contrasté, par exemple les pâtures proches des bâtiments et les prairies les plus éloignées. Au prix de 30 à 50 €, ce sera un investissement rapidement amorti. »
JÉRÔME PEZON
Pour accéder à l'ensembles nos offres :