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COMMENT TRAVAILLER AVEC LES FOURRAGES 2015 FOIN-REGAIN : FAIRE AVEC LA RARETÉ DES SECONDES COUPES

© JÉROME CHABANNE

Plus que correct sur le plan énergétique, azoté et, « a priori », très appétent, le foin récolté cette année dans le massif jurassien tombe à pic pour se marier avec le regain engrangé... aussi rare en volume qu'il « cartonne » en matière azotée.

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1. QUELLES VALEURS ALIMENTAIRES ?

Pour les foins

De mémoire franc-comtoise, on a rarement sorti les faucheuses si tôt sur les premiers plateaux du massif jurassien. Il n'est pas courant non plus de bénéficier en mai d'une telle période de beau temps. De ces foins récoltés dans des conditions idéales, on attendait des valeurs d'exception. Elles ne le sont pas vraiment. C'est surtout le cas dans le Jura qui, l'andernier, avait eu de surprenantes premières coupes. Les foins y titrent 0,67 UFL de moyenne, niveau très bon au demeurant, mais décevant par rapport au 0,72 UFL obtenu en 2014 avec une fauche moins précoce. Derrière cette différence se cache un taux de cellulose plus élevé de 32,8 %, contre 30,3 %, qu'il ne faut pas négliger. « Le foin a mûri très tôt. Vu les conditions de pousse, il aurait idéalement fallu le récolter encore plus tôt... mais se posait alors la question du rendement », explique Florian Anselme, de Jura Conseil Élevage.

Dans le Doubs, la récolte plus précoce ne s'est pas franchement traduite non plus sur les valeurs énergétiques observées. On retrouve un niveau du même acabit qu'en 2014, un cran au-dessus toutefois (0,66 contre 0,64 UFL). Le taux de cellulose évalué ici par analyse chimique, la référence (analyse infrarouge dans le Jura), apparaît logiquement en baisse à 32 %, contre 33,4 % l'an dernier. Côté valeur azotée, la précocité de la récolte s'est aussi concrètement traduite par un bonus dans les analyses du Doubs. Les foins y tournent à près de 9 % de MAT, 1 point de mieux qu'en 2014. Même niveau dans le Jura, mais avec de fortes variations selon la date de fauche (10,5 % avant la mi-mai, 9 % la deuxième quinzaine de mai, 8,7 % début juin et 7,6 % fin juin). Une constante se dégage aussi de tous ces foins : leur appétence a priori excellente.

Si le rendement des premières coupes a été correct, beaucoup attaqueront l'hiver avec un stock amputé de ce qui a été distribué cet été pour pallier le manque d'herbe, lié à la sécheresse ou à ces troupeaux rentrés pour cause de canicule. « Certains ont touché du doigt, cet été, tout l'intérêt qu'il pouvait y avoir pour sécuriser son système à disposer d'un stock de report. Ceux-là ont peu ou pas touché à leur récolte 2015 », observe Florian Anselme.

Pour les regains

Si les dates de fauche des secondes coupes ont été très hétérogènes avec des conditions de repousse perturbées par la canicule et la sécheresse, les regains ont une constance cette année : leur excellente richesse en MAT. Elle avoisine les 18 % de moyenne dans le Jura. Elle atteint les 15,5 % dans le Doubs. « C'est comme si les plantes s'étaient mises en veille et avaient pompé avec le retour de l'eau, d'un seul coup, tous les éléments nutritifs du sol », avance Florian Anselme.

Dommage qu'il y en ait si peu rentré en grange, faute de rendement à la fauche ou parce qu'une partie plus importante que d'ordinaire a été pâturée par les animaux.

En conclusion, beaucoup devront se contenter cet hiver de seulement 2 kg de regain par vache et par jour. Et pour certains, comme dans la plaine du Doubs et quelques secteurs du premier plateau, il faudra faire avec zéro regain.

2. TROIS CONSEILS PRATIQUES

1 - Certes, les foins ont belle apparence, semblent très appétents et sont plutôt bons. Pour autant, il y aura de la cellulose à digérer dans les rations, comme d'ordinaire avec du foin, mais aussi à cause de la part réduite de regain à distribuer. Dans ces conditions, ne négligez surtout pas les céréales dans la complémentation pour doper la part d'énergie soluble. En résumé : les premiers kilos d'énergie à apporter doivent être sous forme de céréales. L'étude récemment conduite par le contrôle laitier du Doubs va pleinement dans ce sens (voir L'Éleveur laitier de septembre). Elle montre, chiffres à l'appui, qu'en ration foin-regain, opter pour un complémentaire énergétique « bon marché » avec moins de 60 % de céréales et, par conséquent, 40 % de coproduits (drèches, pulpes, son...) se traduit par 2 kg de lait/VL/j en moins et 1 g de TP/kg de lait perdu, comparé à un aliment avec 90 % de céréales.

2 - Ne vous laissez pas éblouir par la teneur exceptionnellement élevée des regains en MAT en pensant pouvoir lever le pied sur le choix du concentré azoté. À moins d'être en mesure de distribuer plus de 4 kg de regain par vache et par jour dans la ration, conservez un complémentaire azoté de type tourteau (soja, colza...) pour apporter la quantité d'azote soluble nécessaire au bon fonctionnement du rumen. Pour ceux qui devront faire avec zéro regain, mais pourront compter sur un foin de qualité en quantité suffisante, travaillez en première intention avec un VL titrant au moins 21 % de MAT.

3 - Attention, pour ceux qui ont acheté de la luzerne déshydratée (en bouchons ou en brins longs), de ne pas faire l'impasse sur du tourteau. Certes, cette luzerne titre 18 à 20 % de MAT mais elle n'est pas aussi soluble. Rappelez-vous aussi que pour sécuriser la ration en quantité, c'est au minimum 3 kg de luzerne par vache et par jour pour espérer compenser 1,5 kg de foin. En deçà de 3 kg de luzerne, il y a très peu de substitution. N'oubliez pas enfin que cette luzerne est considérée comme un aliment qui, en filière AOP comté, compte dans le plafond des 1 800 kg de concentrés autorisés par vache laitière.

3. L'ERREUR À ÉVITER

Avec un prix du lait élevé pour ceux qui ont la chance de faire du lait à comté et un marché des vaches de réforme plombé, la tentation sera grande de soigner un maximum de vaches cet hiver. Pour autant, avec un stock de fourrage qui pourrait être limitant dans de nombreuses situations, gare à la tentation de faire du lait avec du concentré. Manquer de fourrage en fin d'hiver, s'il se prolongeait, c'est aussi risquer de serrer la vis aux animaux avec, au final, du lait et du TP en moins.

Un impératif s'impose donc cette année plus que d'habitude : ajuster finement son effectif au stock fourrager et au lait restant à produire jusqu'en mars.

JEAN-MICHEL VOCORET

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