AVEC UN ROBOT SATURÉ, ÉVITER D'ABREUVER À LA PÂTURE
La ferme expérimentale de Derval a tenté de supprimer l'abreuvement à la pâture pour ses vaches traites au robot. Elles ont modifié leur comportement et les résultats observés au niveau du tank surprennent : il y a davantage de lait produit.
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DEPUIS SEPT ANS, LA FERME EXPÉRIMENTALE DE DERVAL (Loire-Atlantique) mène différents essais pour combiner le mieux possible pâturage et robot de traite. Ce dernier accueille quotidiennement 72 vaches prim'holsteins, autant dire qu'il est saturé. « Dans notre exploitation, il est nécessaire que des animaux soient traits tout au long de la journée et de la nuit, indique Thomas Huneau, chargé d'études. En hiver, nous tournons à 2,1 traites par jour. Pendant le pâturage, la moyenne se situe entre 1,85 et 2. »
Depuis l'installation du robot de traite, les abreuvoirs étaient absents des pâtures pour inciter les vaches à regagner le robot. « Cette pratique peut poser question pour des vaches produisant 30 kg de lait par jour. De plus, cela peut interpeller vis-à-vis du bien-être. Nous avons donc voulu connaître les effets d'un abreuvement à la pâture. »
Au printemps 2015, des points d'eau ont été installés à l'entrée des parcelles. « Nous avons constaté un trou de traite dans la journée (voir graphique), notamment pour les deux parcelles les plus éloignées (jusqu'à 800 mètres du bâtiment). Tous les soirs, le vacher avait entre 10 et 15 animaux à pousser vers le robot. Cela devenait contraignant. Nous sommes descendus jusqu'à 1,6 traite par jour pendant plusieurs jours d'affilée. Les vaches les plus molles pouvaient se laisser doubler à la traite, créant ainsi un lot d'animaux en retard. La production laitière moyenne était passée de 29,9 kg par vache à 28,6 kg. » La saturation du robot empêchait d'absorber le soir les retards de traite de la journée.
« BOIRE EST UNE VRAIE MOTIVATION »
Une fois les abreuvoirs enlevés des pâtures, tout est rentré dans l'ordre. « Nos vaches sont incitées à retourner dans le bâtiment pour s'abreuver et doivent passer par le robot de traite pour retourner pâturer. Les traites sont ainsi mieux réparties sur la journée. » Les observations effectuées indiquent que la première activité des vaches regagnant le bâtiment où elles sont complémentées en ensilage, est de boire pour 80 % d'entre elles. Cela n'a pas pénalisé la consommation d'eau qui est restée identique avec ou sans abreuvement en pâture, entre 70 et 80 litres selon la part d'herbe pâturée. « Boire est une vraie motivation. Cependant, les vaches ont chacune leur caractère : certaines sont plus d'intérieur quand d'autres préfèrent être dehors. Certaines vont rester en pâture alors qu'il fait chaud et qu'elles n'ont pas à boire. Avec eau, une soixantaine de vaches doivent être ramenées du pré le soir. Il n'en reste plus qu'une vingtaine lorsque l'eau est supprimée. Le vacher a constaté une vraie différence : avec abreuvoir en pâture, il fallait souvent faire la circulation au niveau du robot le soir pour que toutes les vaches soient traites une fois dans la journée alors que sans, il suffit de les diriger vers le bâtiment. »
NE PAS GÉNÉRALISER
Cependant, l'absence d'abreuvoir en pâture n'augmente pas obligatoirement le nombre de traites quotidiennes. C'est ce que révèle une étude réalisée par l'Institut de l'élevage en 2012 dans vingt fermes robotisées (projet Casdar « robot et pâturage »). « À Derval, si nous avions une deuxième stalle ou si la nôtre n'était pas saturée, abreuver en pâture ne poserait probablement pas de problème car le retard de la journée serait récupéré le soir, explique Thomas Huneau. Dans notre configuration, chaque report de traite entraîne le retard des autres. Or, en moyenne, une vache n'est capable de stocker que 16 heures de production laitière. Au-delà de ce délai, elle produit moins de lait. Dans tous les cas, le pâturage entraîne une légère diminution du nombre de traites. En supprimant l'eau des parcelles, cela limite ce phénomène. C'est important, surtout en robot saturé où une baisse trop importante de fréquentation génère des retards de traite, ce qui risque de provoquer une perte de production. »
ÉMILIE AUVRAY
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