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UN ENSILAGE MAÏS TRÈS V ARIABLE SELON L'IMPACT DE LA SÉCHERESSE

Le « stay green » des nouveaux hybrides piège souvent les éleveurs qui récoltent trop tardivement avec des grains très durs, non éclatés par l'ensileuse et peu digestibles par l'animal.© CHRISTIAN WATIER

Par rapport à 2014, la perte de rendement a pu être importante dans certaines régions. Mais sauf cas extrême, la valeur énergétique des ensilages 2015 est satisfaisante.

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LA QUALITÉ ET LE RENDEMENT DES ENSILAGES MAÏS 2015 sont évidemment liés au scénario climatique de l'année, marqué dans de nombreuses régions par un déficit hydrique important et associé à des températures très élevées. Un gros tiers de l'est de la France, allant de la Champagne à Rhône-Alpes en passant par l'Auvergne, a été marqué par ces conditions de sécheresse qui ont débuté mi-mai et se sont poursuivies jusqu'aux pluies d'août. Des conditions qui ont eu parfois un impact grave sur les rendements. À l'opposé, toute la bordure maritime de Brest à la frontière belge a connu des maïs tout à fait normaux, sans atteindre les records de rendements de 2014. Entre ces deux situations, il existe tout un gradient d'ensilages maïs en fonction de l'intensité du manque d'eau, de la profondeur des sols, mais aussi d'éléments maîtrisables par l'éleveur, comme la structure du sol, la date du semis ou la maîtrise du désherbage.

Année après année, les semis précoces du 15 avril s'en sortent mieux en matière de rendement et de qualité que les semis qui interviennent après la mi-mai. En 2015 aussi, des maïs semés tardivement n'avaient pas le développement racinaire suffisant pour affronter le déficit hydrique du début d'été, comparativement à des semis précoces. Mais des semis d'avril avec des variétés demi-précoces ont pu fleurir en pleine période de canicule et de décrochage hydrique, avec des conséquences importantes sur la teneur en grains. Et a contrario, des semis tardifs ont profité du retour de la pluie en août pour relancer la végétation et offrir des ensilages corrects.

Dans certaines régions, les semis de fin avril ont cumulé tous les handicaps avec de fortes pluies au début du mois de mai, qui ont amené une levée difficile et pénalisé le peuplement, un gros stress hydrique en juillet et un retour des pluies trop tardif pour se récupérer. De manière plus générale, l'année 2015 ne brille pas pour ses rendements en maïs. Mais les situations sont très variables d'une zone à l'autre, voire d'une parcelle à l'autre. Par rapport à l'excellent millésime 2014, les pertes s'échelonnent de - 10 à - 50 %. Mais globalement, tout le monde s'accorde à dire que « ça aurait pu être pire ».

DES PLANTES QUI ONT SOUFFERT MAIS SOUVENT TRÈS DIGESTIBLES

Les éleveurs les plus touchés par la sécheresse ont été obligés d'ensiler mi-août des plantes desséchées, bloquées dans leur développement, présentant parfois moins d'un mètre de hauteur et sans aucun épi. Des cas extrêmes d'ensilage qui ne contiennent quasiment pas d'amidon et où la partie tige-feuilles est la seule source d'énergie. D'autres parcelles ont été moins touchées et l'analyse s'impose plus que jamais pour savoir à quel niveau on se situe. Globalement, ces maïs qui ont souffert de la sécheresse ont moins bien fécondé. Ils ont donc naturellement moins de grains et moins d'amidon (5, 10 et 15 %) comparé aux 30 % d'un maïs « normal ». Mais les premières remontées de terrain s'accordent à dire que ces plantes ensilées à un stade jeune, malgré leur allure desséchée à la récolte, présentent une bonne digestibilité de cette partie tige-feuilles. Une digestibilité qui pourrait même s'avérer acidogène malgré leur pauvreté en amidon. En effet, la teneur en sucres solubles de ces ensilages est souvent très élevée : 15-18 % au lieu des 6-7 %. En l'absence de grains, ces sucres n'ont pas migré dans l'épi pour se transformer en amidon et sont restés dans les feuilles et la tige. Cette situation est assez inédite et suppose d'être vigilant sur deux points. Le silo de ces maïs aux feuilles sèches a peut-être été difficile à tasser et présente une porosité favorable aux reprises en fermentations et à l'échauffement du tas. Celles-ci pourraient être violentes car une forte proportion de sucres solubles alimentera les micro-organismes qui participent à ces fermentations.

DES SILOS PEU DENSES QUI RECULENT VITE

Au bout de la chaîne, les micro-organismes du rumen seront également très sollicités pour digérer ces sucres solubles et le risque acidogène est à surveiller de près. Autrement dit, ce n'est pas parce que votre ensilage de maïs est pauvre en amidon qu'il faudra le compléter avec un concentré de type céréale à paille très fermentescible dans le rumen. Une autre caractéristique de ces maïs qui ont souffert du sec est leur teneur en matière azotée totale (MAT) supérieure aux années précédentes : 8- 9 % de MAT au lieu des 6-7 % en moyenne. Cela aura une incidence sur la complémentation en protéines des rations. L'explication tient à une fertilisation azotée prévue pour des rendements bien supérieurs. Avec des plantes plus courtes, l'effet dilution de la matière azotée est aussi moindre. Enfin, ces maïs pauvres en amidon pourraient amener une densité de silo plus faible que les années passées. Une interrogation confirmée par les premiers échos d'éleveurs qui constatent que leur front d'attaque recule très vite. Ainsi, l'évaluation des stocks par le cubage pourrait sous-estimer le fourrage disponible et créer de mauvaises surprises avant la fin de l'hiver.

DES MAÏS NORMAUX, PAS TOUJOURS FACILES À VALORISER

Certaines cultures ont soit évité l'épisode caniculaire aux moments critiques (de douze feuilles, au stade limite d'avortement des grains), soit ont pleinement profité du retour des pluies en août pour relancer le fonctionnement de l'appareil végétatif. Là aussi, les écarts de rendement et de qualité peuvent être importants. Il y a les maïs tout à fait normaux de la bordure maritime nord, qui affichent des rendements, des taux d'amidon et de cellulose dans la normale, avec de très bonnes valeurs UFL (unités fourragères lait). D'autres qui présentaient une tige plus courte, mais avec de beaux épis, auront une teneur en amidon suffisante, mais une digestibilité tige-feuilles plus limitée. Mais l'écueil le plus fréquent sur ces maïs a été une récolte trop tardive. À peine les silos refermés, des nutritionnistes pointent ces ensilages avec des plantes encore vertes mais des grains durs, difficilement éclatés par l'ensileuse, qui seront mal valorisés par les vaches.

« Sur le papier, les UFL seront là mais captives dans des grains non digérés qui se retrouvent dans les bouses. L'an dernier, la perte moyenne a été évaluée à 0,05 UFL/kg de matière sèche. Ce sera la même chose cette année. Avec les nouveaux hybrides qui présentent un stay green important, il faudra apprendre à récolter plus tôt », commente Yann Martinot, d'Orne Conseil Élevage. Les grains durs mal éclatés ne seront pas digestibles avant de longs mois passés dans le silo. Aussi, ces ensilages pourtant riches en amidon rendront nécessaire une complémentation à base d'amidon rapide (céréale à paille) pour avoir de l'énergie disponible dès cet automne.

DOMINIQUE GRÉMY

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