ENSILAGE D'HERBE : IL MANQUE DES POINTS DE MATIÈRE AZOTÉE TOTALE
Comme chaque année, la qualité des ensilages d'herbe se caractérise par son hétérogénéité et les récoltes très précoces tirent mieux leur épingle du jeu, malgré un léger déficit de matière azotée totale.
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L'ENSOLEILLEMENT ET LES TEMPÉRATURES ENREGISTRÉES AU PRINTEMPS ONT OFFERT des conditions de récolte idéales pour faucher les ensilages d'herbe au meilleur stade, « c'est-à-dire au tout début du stade épiaison », rappelle Jean Zapata, conseiller en fourrages de la chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme. Ces conditions météo ont par ailleurs permis d'obtenir des taux de matière sèche souvent proches de 35 %, qui correspondent au meilleur compromis entre valeur alimentaire et conservation du silo. Mais dans certaines régions au climat continental, comme le Massif central, le printemps a aussi été marqué par un déficit de précipitations dès le mois de avril. « Cette situation a pénalisé, d'une part, les rendements avec une baisse de 30 % en première coupe et, d'autre part, la minéralisation des éléments nutritifs du sol et, par conséquent, la valeur de matière azotée totale (MAT) des fourrages », poursuit Jean Zapata. En Lorraine, la première coupe n'a pas été touchée par le stress hydrique, mais l'absence de précipitations après le 15 mai a fortement pénalisé les cycles suivants, avec des baisses de rendements de 50 %. Les analyses réalisées par la chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme concernant les premières coupes révèlent que les meilleurs ensilages sont les plus précoces (avant le 15 mai) et ceux dont le temps de séchage au sol n'excède pas vingt-quatre heures. Ces ensilages préfanés ont une valeur moyenne de 30 % de MS, 13,4 % de MAT, 0,94 UFL, 85 g de PDIN, 72 g de PDIE et 21,6 % de CB (cellulose brute), pour une densité énergétique de 0,91 UFL/UEL (unité d'encombrement). « Ce sont des fourrages très digestibles et très appétants, dont la valeur UF est proche d'un ensilage de maïs. Il faudra cependant les compléter avec un foin fibreux pour compenser leur manque de structure.»
UNE PREMIÈRE COUPE PRÉCOCE FAVORABLE AUX REGAINS
À titre de comparaison, les ensilages les moins bons ont en moyenne un temps de séchage au sol de quarante-huit heures. Ils affichent une valeur de 36,7 % de MS, 11 % de MAT, 0,77 UFL, 63 g de PDIE, 75 g de PDIN et une concentration de seulement 0,71 UFL/UEL. Dans les systèmes tout herbe, ce type de fourrage implique un niveau de complémentation important à base de céréales, sachant qu'il faut viser au moins 0,85 UFL/UEL et 100 g de PDI/UFL pour obtenir une production autonome de 20 litres/VL/jour (lait produit sans concentrés).
L'intérêt de la précocité est un constat également partagé en Lorraine : « Les ensilages de ray-grass ou de ray-grass + trèfle réalisés fin avril affichent de très bons résultats, avec des valeurs proches de 0,9 UFL et de 14 % de MAT, explique Jérôme Larcelet, nutritionniste d'Optival. En outre, la précocité de la récolte a permis de réaliser une seconde coupe dans les parcelles concernées. » Dans les prairies naturelles, plus tardives, quelques jours de fortes pluies début mai ont conduit à reporter la première coupe à partir du 10 mai. « Ces ensilages affichent entre 0,8 et 0,85 UFL, pour 12 à 13 % de MAT. Des valeurs qui baissent rapidement pour les ensilages réalisés après le 15 mai. » Dans ces parcelles, les secondes coupes ont souvent dû attendre l'automne, en raison de la sécheresse estivale.
UN FOURRAGE À RATIONNER POUR LES GÉNISSES
En revanche, il n'est pas question de sécheresse en Normandie, tout au moins sur le littoral. Les premières analyses, réalisées par Littoral Normand Conseil Élevage, font état pour les ensilages de ray-grass italien de valeurs de 0,86 UF, 13 % de MAT, 36 % de MS et 27 % de CB ; pour les ray-grass anglais de 0,86 UF, 14,3 % de MAT, 44 % de MS et 24 % de CB. « Ces RGA sont souvent des ensilages réalisés plus tôt, où la moindre hauteur d'herbe a permis un séchage au sol plus rapide », précise Olivier Leray, référent fourrages de l'organisme de conseil. Quant aux prairies permanentes, dont une part est récoltée plus tard en enrubannage, leurs valeurs sont de 0,83 UF, 12,4 % de MAT, 50 % de MS et 28 % de CB. Ce type de fourrages doit être limité dans la ration des génisses, où l'on vise une concentration de 0,7 UF et 12 % de MAT. Pour les vaches laitières, il reste quelques points de MAT à aller chercher afin de jouer à plein la carte de la complémentarité herbe-maïs en vue d'économiser du tourteau, sans pénaliser la production.
DES GAINS À ATTENDRE SUR LA COMPLÉMENTATION AZOTÉE
« Dans les rations des vaches laitières, où l'on vise un objectif de 15 % de MAT et 0,90 UF/kg de MS, les ensilages d'herbe 2015 apparaissent un peu déficitaires en MAT comme en énergie, explique Olivier Leray. Mais en complément d'un maïs dosant 7 % de MAT, ils autorisent néanmoins une baisse de la correction azotée, à condition de les incorporer de façon conséquente. » À titre d'exemple, incorporer 3 kg d'herbe à 13 % de MAT, en remplacement du maïs à 7 %, autorise un gain de 18 points de MAT sur la ration, soit une économie de 375 g de soja 48 : (13 - 7) x 3/48. L'intérêt est d'autant plus grand si l'on considère que ces ensilages riches en cellulose peuvent se substituer à la paille pour leur rôle mécanique dans la panse : « À condition d'avoir des brins de 5 cm au minimum et d'être incorporés en quantité suffisante, ils apportent, contrairement à la paille, de la cellulose digestible dans des rations où l'on vise 20 à 21 % de CB. » Reste à réaliser une analyse de fourrage pour adapter rapidement l'équilibre de la ration, outil indispensable pour évoluer vers une alimentation de précision.
JÉRÔME PEZON
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