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FENAISON : SALER N'EST PAS JOUER

Une expérimentation conduite en Suisse vient invalider les bénéfices attendus par l'épandage de sel sur l'andain fauché et soulève les conséquences de cette pratique.

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LE RÉCENT ESSAI CONDUIT À LA STATION DE RECHERCHE AGROSCOPE À POSIEUX (SUISSE) va ébranler quelques certitudes dans le massif du Jura. Depuis une dizaine d'années s'y est développée dans certaines exploitations une pratique particulière au moment de la fauche des foins : elle consiste à épandre sur l'andain fauché l'équivalent de 50 kg de sel marin à l'hectare et à attendre au moins quatre heures avant de pirouetter. Tout cela favoriserait la dessiccation du fourrage. L'objectif recherché est double. D'une part, diminuer le temps de séjour au sol (jusqu'à un jour, dit-on) et ainsi les risques liés aux intempéries. D'autre part, il s'agit de gagner un passage de pirouette, et donc de limiter les pertes de feuilles, parties nobles et hautement nutritives des légumineuses.

UN EFFET DU CONDITIONNEUR MAIS PAS DU SEL MARIN

« En l'absence de témoin comparatif, difficile de prétendre que le sel a vraiment une influence sur le processus de séchage », regrettait Ueli Wyss, chercheur à la station Agroscope de Posieux. Soucieux de vérifier de façon objective l'intérêt de cette pratique, il a mené un essai en bonne et due forme. Objet de ce travail : une prairie temporaire en troisième cycle, riche en graminées à dominance de ray-grass anglais, fauchée pour moitié avec ou sans faucheuse conditionneuse. « Après la coupe, le fourrage à 15 % de matière sèche a été étendu sur un film plastique, soit 4 kg de fourrage répartis sur une surface de 2 m2. Puis du sel marin a été répandu sur chaque moitié du fourrage coupé avec ou sans conditionneuse, à hauteur de 10 g pour 2 m2 correspondant à 50 kg de sel par hectare », détaille le chercheur.

Résultats en main des taux de matière sèche mesurés régulièrement, il conclut contre toute attente que l'ajout de sel n'accélère pas la vitesse de séchage. En témoignent les courbes d'évolution de la matière sèche qui sont quasi identiques sur les trois jours de mesures (voir infographie ci-dessus). Sans surprise, on observe en revanche que l'utilisation d'un système de conditionnement a un effet, avec un foin qui sèche plus rapidement, notamment au départ.

Autre question aux conséquences non anodines soulevée par l'essai d'Ueli Wyss : la quantité de sel qui tombe sur le sol quand on pirouette, andaine ou presse. « Dans l'herbe séchée sur le plastique, une grande quantité de sel est restée dans le fourrage ou dans l'échantillon destiné au laboratoire. Pour simuler le ramassage au pick-up, le troisième jour de l'essai, nous avons prélevé l'échantillon de foin au moyen d'une fourche. Résultat : plus de 60 % du sel ajouté est tombé au sol, soit l'équivalent de 30 kg de sel par hectare », explique le chercheur.

Il ne faut donc pas « sous-estimer la quantité de sel qui reste dans la parcelle, ce qui pourrait à long terme représenter un risque de salinisation du sol ».

Il y a quelques années, la station Agroscope de Posieux s'était penchée sur une autre propriété du sel marin : son action bactériostatique, frein au développement des moisissures provoquant la fermentation d'un foin récolté trop humide. Elle avait montré que pour être efficace, avec du foin pressé à 73,4 % de matière sèche, il fallait apporter 5 % de sel, et pas seulement 1 %. Mais ce dosage n'est pas recommandé car il est bien au-delà des besoins des vaches laitières.

JEAN-MICHEL VOCORET

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