ISRAËL : COMMENT UNE LAITIÈRE PRODUIT 12 000 KG PAR AN
Champion du monde en matière de productivité par vache, l'élevage israélien mise sur une forte spécialisation, couplée à un niveau élevé de technologie. L'esprit collectif et pionnier pèse aussi dans cette performance.
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EN ISRAËL, LES CONDITIONS DE PRODUCTION DE LAIT sont a priori bien loin de l'optimum convenant aux vaches : un climat torride en été, un territoire désertique inadapté à la production de fourrages... Et pourtant, ce pays s'est imposé depuis des dizaines d'années comme le leader incontesté de la productivité laitière. Il est aussi l'un des grands concepteurs des technologies utilisées dans les élevages à travers le monde (compteurs à lait, podomètres, outils de monitoring, logiciels de management...).
Certes, le modèle de production israélien n'est pas transposable en France. Mais l'analyse de leurs pratiques peut donner quelques idées.
Très exigeant sur la qualité du lait, Israël vise aujourd'hui à réduire les antibiotiques. Mais il souhaite également que le lait soit accessible à un prix correct pour ses consommateurs. La performance ne doit donc pas nuire à l'économie.
80 % de la consommation de lait et produits laitiers est assurée par la production nationale. Les quotas laitiers, instaurés en 1963 pour encourager l'installation des pionniers dans tout le pays en sécurisant les débouchés, sont toujours en vigueur. Le quota est révisé chaque année et divisé en références mensuelles. L'enjeu est d'obtenir des livraisons régulières au fil de l'année. Cela oblige les producteurs à maintenir leur volume même au coeur de l'été. Ils bénéficient d'une prime pendant cette période car la productivité des vaches baisse d'environ 10 à 15 % du fait de la chaleur.
Le prix du lait est fixé sur la base du coût de production (calculé sur un échantillon représentant 15 % des exploitations choisies au hasard) et d'un objectif de rémunération pour l'éleveur. Il se négocie entre les représentants des producteurs, des industriels et de l'État.
La moitié des terres cultivables sont irriguées. La rareté des moyens de production a toujours poussé les Israéliens à rechercher une productivité maximale. Les agriculteurs, très bien formés, travaillent main dans la main avec les scientifiques, les conseillers et les industriels. La collecte des données est centralisée. Toutes les informations sont analysées dans le but d'optimiser la production en cherchant toujours à prévenir les difficultés.
DES ÉLEVAGES HYPERSPÉCIALISÉS
L'agriculture israélienne recherche depuis très longtemps un haut niveau de spécialisation dans le but de maximiser les performances et, avec elles, la rentabilité. Les élevages laitiers se trouvent un peu partout dans la partie nord du pays, au-delà du désert, et le modèle de production est assez uniforme. Des élevages de 300 à 400 vaches dans les kibboutz, qui assurent 57 % des livraisons, et une centaine dans les fermes familiales. Celles-ci travaillent souvent ensemble dans des structures de type coopérative (moshav). Au début des années 2000, l'État a engagé un gros programme de restructuration des élevages dans le but d'améliorer encore leur productivité, mais aussi de réduire leur impact environnemental. Les agriculteurs ont été incités à se regrouper et le nombre d'exploitations a chuté. Des bâtiments neufs, conçus pour maximiser le confort des vaches laitières et la productivité, sont sortis de terre. Les éleveurs ont reçu des subventions pour investir dans la technologie et réduire les besoins en main-d'oeuvre.
Cette réforme a permis de moderniser très fortement l'élevage. Le modèle de production actuel en est issu.
Les éleveurs s'occupent exclusivement de leurs troupeaux. Toute l'alimentation est achetée. Sa fabrication et la distribution sont souvent sous-traitées à des feeding centers (lire plus loin). Les vaches sont nourries en ration complète. Les éleveurs s'assurent qu'elles peuvent manger en permanence. Ils surveillent donc l'auge et repoussent dès que nécessaire.
Les plus gros élevages ont recours à une main-d'oeuvre salariée, le plus souvent d'origine thaïe, pour la traite. Celle-ci se pratique trois fois par jour. Lorsque les animaux sont conduits en lots, ils restent généralement dans le même groupe toute leur vie. Il s'agit d'éviter le stress lié au changement d'environnement.
DES RATIONS PRODUITES DANS DES « FEEDING CENTER »
Pour accroître encore le niveau de performances via la spécialisation, les éleveurs délèguent le plus souvent l'alimentation des animaux. La ration est calculée par un nutritionniste indépendant. Les achats de fourrages et de concentrés sont réalisés à plusieurs dans le cadre d'un feeding center. Il s'agit de mutualiser tout ce qui concerne l'alimentation : stockage, préparation de la ration et distribution. La qualité des ingrédients est systématiquement contrôlée. Tout est pesé.
Face à la difficulté du pays pour produire des fourrages, les nutritionnistes concoctent des rations à 70 % de concentrés. Elles comprennent quinze à vingt ingrédients différents. Dans un objectif de réduction des coûts, de nombreux sous-produits, issus de l'industrie des fruits et légumes notamment, sont utilisés. Ils représentent la moitié des concentrés. La longueur des fibres est étudiée au plus près pour obtenir les meilleurs niveaux de rumination.
UNE GÉNÉTIQUE MAISON ADAPTÉE AUX CONDITIONS
Les troupeaux se composent en majorité de vaches holsteins. Une entreprise de sélection coopérative, Sion, domine le marché de la vente de semences. La sélection est orientée de manière à produire les animaux les mieux adaptés aux conditions locales. L'index de synthèse utilisé inclut sept critères, dont aucun n'est lié à la morphologie. L'accent est mis sur la composition du lait (protéine et matière grasse) et la fonctionnalité des animaux : résistance aux mammites, fertilité, longévité, persistance de lactation et facilité de naissance. « Notre objectif est de faire de l'argent avec les vaches, explique Yoel Zeron, directeur scientifique chez Sion. Les concours ne nous intéressent pas. Nous considérons que la recherche de l'angularité, par exemple, coûte très cher. Elle pénalise la facilité de vêlage car elle conduit à des bassins qui ne sont pas fonctionnels. »
Les éleveurs accordent une attention particulière aux génisses pour les préparer à un vêlage à 24 mois. La première insémination est réalisée à 13-14 mois. La majorité des vaches est inséminée entre 50 et 110 jours après le vêlage. Le taux de réussite en première ou deuxième IA s'établit à 54,5 % pour les vaches adultes. L'intervalle moyen entre le vêlage et l'insémination fécondante est de 131 jours. Les vaches qui produisent moins de 18 l/jour sont éliminées, ce qui explique 35 % des réformes.
MAXIMISER LE CONFORT DES LAITIÈRES
Les éleveurs israéliens ont une philosophie : la vache doit consacrer toute son énergie à produire. Là se trouve la clé de leur succès. Tout est fait pour que les animaux se trouvent dans les meilleures conditions possibles. En matière de logement, la priorité est donc le confort de l'animal.
Les bâtiments sont en réalité des sortes de hangars couverts mais ouverts sur les côtés. L'orientation est calculée pour maximiser la ventilation naturelle. Une aire d'alimentation divise le bâtiment en deux dans le sens de la longueur. Pas de logettes ici. Les éleveurs préfèrent des aires de couchage recouvertes de déjections. Leurs surfaces sont « labourées » quotidiennement pendant la traite afin de favoriser leur séchage. Ce mode de couchage offre l'avantage d'être très confortable. D'autant plus que la surface par vache est importante (20 m2). Pour résister à la chaleur, les vaches sont douchées jusqu'à sept fois par jour en été. Il en résulte une ambiance étonnamment fraîche dans les bâtiments.
DES TECHNOLOGIES DE MANAGEMENT SOPHISTIQUÉES
90 % des élevages israéliens participent au contrôle de performances et ils sont aussi nombreux à utiliser des outils de monitoring sophistiqués. Deux entreprises (Afimilk et SCR) travaillent en permanence à la mise au point de technologies visant à optimiser le management. Les podomètres ou compteurs à lait font partie du paysage depuis longtemps. La mesure de la rumination est également fréquente, de même que l'analyse de la composition du lait en continu pendant la traite.
Les données ainsi collectées sont analysées par des logiciels qui visent à repérer la moindre variation afin de déclencher des alertes. Qu'une vache laitière réduise ses déplacements, s'alimente un peu moins ou encore produise un lait moins riche, et elle est aussitôt repérée. Tout ceci permet la détection des chaleurs, bien sûr, mais aussi celle des mammites, boiteries, problèmes métaboliques, inadaptation de la ration... Car les informations remontent vers le vétérinaire ou le nutritionniste qui suit l'élevage. Fidèles à leur esprit collectif, les éleveurs israéliens ont créé une structure rassemblant les vétérinaires travaillant pour eux (HachKlait). Ils assurent le suivi régulier des élevages. Les éleveurs paient le service sur la base d'un forfait annuel. Il inclut au minimum une visite hebdomadaire ainsi que les interventions d'urgence. Les vétérinaires ont accès à toutes les informations collectées sur l'élevage. Ils les analysent et interviennent dès qu'ils suspectent un problème sanitaire, mais aussi alimentaire. Les technologies utilisées permettent une détection précoce et donc une réaction rapide, avant que le problème ne s'aggrave. Tout ceci concourt à la productivité et à la rentabilité des élevages israéliens.
PASCALE LE CANN
Dans les grands troupeaux, les vaches sont conduites en lots. Composés en fonction de l'âge, ils ne changent pas au cours de la vie afin de ne pas exposer les animaux à un stress inutile. Les éleveurs estiment qu'ils gagnent plus ainsi que par les économies que peut induire une ration calculée en fonction du niveau de production.
La litière est composée de déjections. Elle est travaillée chaque jour pendant la traite pour qu'elle reste sèche. L'ensemble est renouvelé en moyenne tous les trois ans. Ces pratiques permettent le maintien de bonnes conditions sanitaires.
Les vaches disposent de 20 m2 de surface de couchage par tête. Les éleveurs accordent une grande importance au confort des animaux. L'objectif est que chaque vache consacre toute son énergie à produire.
Dans une optique de productivité maximale, la plupart des troupeaux sont traits trois fois par jour. Dans les gros élevages, ce travail est souvent réalisé par des salariés d'origine thaïe. Pour des raisons de coûts, les salles de traite sont nettement préférées au robot.
Pour faire ruminer les animaux avec des rations à 30 % de fourrages, les nutritionnistes recherchent les fibres utiles, souvent de la paille de blé en brins longs.
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