DES MÉTEILS ADAPTÉS POUR UN ENSILAGE AVANT LE SEMIS DU MAÏS
La chambre d'agriculture du Calvados a mis au point des mélanges céréale et protéa-gineux pour ensiler au plus tard le 10 mai. La clé : des espèces et variétés précoces.
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EN ZONE VULNÉRABLE, IL EST EXIGÉ DE COUVRIR LES SOLS L'HIVER pour respecter la directive nitrates. Les éleveurs utilisent intelligemment cette réglementation en semant bien souvent un ray-grass d'Italie en dérobée du maïs, avec 3 à 5 t de MS/ha supplémentaires à la clé. Ensilé vers le 25 avril, il ne gêne pas le semis du maïs. Seulement, très demandeur en eau, il a un effet dépressif sur la culture. En Normandie, sous l'impulsion de la chambre d'agriculture du Calvados, une autre solution émerge : un mélange céréale + protéagineux à ensiler au plus tard le 10 mai. « Obtenir une valeur azotée d'au moins 16 % de MAT par kilo de MS et récolter 4 à 5 t de MS/ha sont les deux autres objectifs, indique Gérard Bavière, agronome à la chambre d'agriculture. La reprise de ces parcelles pour un semis de maïs est facile, même en printemps sec. » Les essais au lycée agricole de Vire, en 2014, et le suivi de plusieurs parcelles d'éleveurs depuis trois ans donnent des résultats encourageants.
QUELLES VALEURS ALIMENTAIRES ?
« Avec un ensilage au 10 mai, on privilégie la valeur alimentaire, en particulier la valeur azotée, plutôt que le rendement », insiste son collègue David Delbecque, conseiller en élevage. Ainsi, au lycée de Vire, l'analyse en vert du mélange triticale, pois protéagineux et féverole d'hiver à la mi-mai 2014 donne une MAT de 19,4 % et 0,83 UFL/kg de MS pour 6 t de MS/ha estimées. Un mois plus tard, la MAT est tombée à 14 % tandis que le rendement progresse de 5 t de MS. « Dans ce cas de figure, il n'est plus envisageable de semer du maïs. Il faut s'orienter vers le semis, par exemple d'un colza fourrager ou d'un RGI + trèfle incarnat. »
Cette année, chez trois éleveurs, les associations triticale avec ou sans avoine ou orge + féverole d'hiver avec un autre protéagineux présentent des résultats équivalents. L'analyse en vert le 11 mai affiche entre 16 et 18 % de MAT et 0,86 à 0,91 UFL pour 5,4 à 6,6 t de matière sèche par hectare.
« Leur bonne valeur énergétique provient non pas du triticale, mais des protéagineux. On ne s'y attendait pas. Le triticale est là pour sécuriser le mélange. » David Delbecque adopte malgré tout une position prudente. « Ces cultures dérobées ont bénéficié de conditions favorables. Leur incorporation dans la ration laitière hivernale des élevages suivis s'est bien déroulée, mais il est difficile d'identifier leur effet spécifique sur le troupeau. Les connaissances agronomiques sont plus avancées. »
QUELLES ESPÈCES CHOISIR ?
Pour atteindre une teneur en azote de 16 à 18 % de MAT, il faut semer une proportion de protéagineux assez élevée. Cela suppose de choisir des espèces moins sensibles à la verse. « Il faut bannir la vesce et le pois fourrager. La féverole et le pois protéagineux d'hiver remplissent bien mieux ce rôle », affirme Gérard Bavière. Ils le remplissent d'autant mieux qu'avec une récolte au 10 mai, le risque de verse diminue. Autre avantage : ils sont plus précoces.
« En céréale, on retient le triticale, bien connu pour sa résistance à la verse et son pouvoir étouffant des adventices. »
Pour constituer cette association, il recommande 30 % de la dose de semence de triticale cultivé pur, 60 % en féverole et 60 % en pois protéagineux, le tout pour un coût de semences onéreux : 270 €/ha. « L'idéal est de récolter en grains 0,5 à 1 ha pour la semence de l'année suivante, correspondant à 7 à 15 ha. La parcelle doit être semée 50 % plus clair que le méteil. Cela "mange" certes 1 ha de culture, mais si l'on manque de fourrage, les stocks sont plus vite reconstitués », confie Yves Guillouet, l'un des éleveurs qui a fauché 15 ha le 12 mai.
La précocité des trois espèces doit être renforcée par le choix de variétés également précoces (voir tableau ci-contre). L'objectif est une floraison des protéagineux au 15-20 avril.
QUAND ET COMMENT SEMER ?
Il est conseillé de semer entre le 15 octobre et le 15 novembre. Un semis trop précoce favorise les mauvaises herbes et augmente le risque de maladies, voire la disparition de la féverole. Autre élément à gérer : la sensibilité de la féverole au gel à partir de - 12°C. « Cela impose de positionner ses graines en profondeur, à 6 à 10 cm. »
Un semis en deux temps est donc possible : d'abord, le semis à la volée de la féverole avec un semoir à engrais, suivi d'un demi-labour réglé à 15 cm. La graine est ainsi protégée du froid. Dans la foulée, le mélange triticale + pois sera semé classiquement à 2-3 cm. « En zone non gélive, on peut semer le mélange en un seul passage à une profondeur de 3-5 cm. »
COMMENT RÉCOLTER ET CONSERVER ?
« Au 12 mai, le mélange est riche en eau. Les 15 ha ont donc été fauchés par une faucheuse conditionneuse de 9 m, puis ensilés sans fanage, ni andainage deux jours après, pour un coût de 220 €/ha », répond Yves Guillouet. Il a ensilé le même jour 20 ha de prairies et mélangé le tout dans deux silos de 6 mètres chacun pour un avancement rapide. « Avec 22 à 23 % de matière sèche, les jus sont ainsi absorbés, mais cela n'a pas empêché le silo de s'affaisser un peu. »
Pour Yves Guillouet, une autre solution est envisageable : la constitution du fond du silo avec du maïs-ensilage, tout en apportant des godets de maïs au fur et à mesure de l'arrivée du méteil. A-t-il constaté l'an passé un noircissement de la féverole? « Oui, en front d'attaque, mais cela n'a pas diminué l'appétence de l'ensilage. »
CLAIRE HUE
Gérard Bavière, de la chambre d'agriculture du Calvados
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