Login

Bien réussir l’implantation d’une luzerne

Bonnes pratiques. Plusieurs essais conduits ces dernières années par Arvalis et les partenaires de l’Ouest (chambres d’agriculture de Bretagne et de Mayenne), dans le cadre du projet SOS Protein, sur le chaulage, la fertilisation, le désherbage ou les dates de semis, éclairent sur les bonnes pratiques pour réussir cette culture.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Peut-on cultiver de la luzerne partout ? La réponse est non. Le premier critère dans le choix d’une parcelle destinée à recevoir cette culture est l’hydromorphie. La luzerne ne se plaît que dans les sols sains. La station expérimentale d’Arvalis, à La Jaillière (Loire-Atlantique), en a fait l’expérience en 2014, dans une prairie multi-espèce où la luzerne n’a résisté qu’à l’aplomb des drains. Les sols hydromorphes étant bannis, la luzerne peut-elle produire dans des sols acides ? Et quelle réponse attendre de la plante aux amendements basiques ?

Un essai a été conduit à la station expérimentale en 2014, avec un suivi des rendements sur deux ans dans une parcelle sablo-limoneuse au pH initial de 5,8. L’objectif était d’augmenter ce pH à 6,5, puis à 7 avec deux formes de chaulage : du carbonate broyé ou pulvérisé, à la dose de 1 000 ou 2 000 unités.

La réponse au chaulage dans les sols acides

On constate une réponse très nette en rendement entre le témoin non chaulé et le pH à 6,5, et elle est encore plus rapide avec un produit pulvérisé. Le rendement continue de progresser, plus modérément, avec un pH à 7. « Notre message est de viser au minimum un pH à 6,5 pour garantir une bonne production fourragère et une pérennité de la culture. On privilégiera le carbonate pulvérisé pour un chaulage de redressement, sachant que son effet s’estompera plus rapidement, et le carbonate grossier (broyé) pour des chaulages d’entretien », résume Anthony Uijttewaal, ingénieur agronomie et fourrage à Arvalis.

L’indispensable disponibilité en phosphore

La luzerne est une culture très exigeante en phosphore, au même titre que la betterave ou le colza. En 2012 et 2013, la station de La Jaillière a réalisé un essai phosphore à l’implantation sur une parcelle de limons argileux, sans apport de P depuis deux ans et avec peu de disponibilité dans le sol (30 mg/kg Olsen). Une fertilisation de seulement 60 unités de phosphore marque nettement la vigueur de la culture au redémarrage en sortie d’hiver par rapport au témoin sans apport. Ensuite, sur deux cycles, la réponse en rendement est continue entre 30 et 120 unités de P (+ 2 t de matière sèche par hectare avec 120 unités par rapport au témoin sans apport). L’enjeu est aussi qualitatif avec une teneur en MAT qui passe de 12,6 à 15,6 %. Dans un autre essai, cette fois sur une parcelle où le phosphore est disponible (105 mg/kg Olsen), la réponse en rendement est beaucoup plus faible mais on note un effet coup de fouet dès 30 unités.

L’importance de la date

Jusqu’à quelle date pouvons-nous semer la luzerne à l’automne ? Et faut-il désherber systématiquement ? Là aussi, plusieurs essais apportent des éléments de réponse. Toujours à La Jaillière, en 2014, après un faux semis efficace lors de l’été doux de 2014, trois dates de semis ont été observées : le 20 août, le 16 septembre et le 1er octobre. Échec total pour ce dernier qui n’a pas passé l’hiver (fonte de semis). Sur les quatre coupes du premier cycle, l’écart de rendement est de 1,7 t de MS par hectare en faveur du semis d’août. Les suivis réalisés par les coopératives de déshydratation en Champagne montrent que plus on sème tôt la luzerne, dès la mi-juillet, plus le rendement en première année est augmenté. « La luzerne, qui a de forts besoins en lumière et en température, profite des journées longues et chaudes de l’été. Mais en l’absence d’irrigation, il y a un compromis à trouver avec le risque de stress hydrique », avertit Anthony.

Retour à La Jaillière pour mesurer l’effet désherbage (1,8 litre de Nirvana, 1 kg de Lentagran, puis 3 kg de Legurame). En 2014, avec un faux semis efficace, le témoin non désherbé n’est pas excessivement pénalisé (- 1,3 tonne de MS par hectare sur deux ans). Le résultat est tout autre en 2015, où la réalisation de faux semis efficaces a été impossible. Au retour des pluies, les adventices ont levé en même temps que la luzerne, provoquant une vive concurrence pour aboutir à une récolte nulle.

L’association aux trèfles annuels, une fausse bonne idée

Associer la luzerne avec des trèfles pérennes (violet, blanc) ou annuels (incarnat, de Micheli, squarrosum) a pour ambition de booster le rendement de première année et de limiter les effets du salissement. Des essais ont été suivis par les chambres d’agriculture de Bretagne et de Mayenne en comparant, sur un semis d’été, des luzernes désherbée, non désherbée, et associée à 2 kg/ha de trèfles (violet, blanc et annuel).

En première année, l’association aux trèfles pérennes montre une productivité intéressante, mais les meilleurs rendements correspondent à une nette domination des trèfles. Le comportement du trèfle violet a été aléatoire sur les deux sites. Avec les trèfles annuels, les rendements ne sont pas significativement augmentés. « Le trèfle se comporte comme une adventice néfaste pour la luzerne. C’est encore plus marqué en deuxième année du fait du déficit de peuplement de la luzerne. »

Le semis de printemps, une opportunité

Une implantation de la luzerne au printemps (mi-mars, début avril) permet de limiter les enjeux du désherbage. La concurrence est plus faible et sur une plus courte durée (effet nettoyant de la première coupe). Le rendement de la première année correspond à 50 % de celui d’un semis d’été, mais il retrouve un même niveau en deuxième année. Toujours pour un semis de printemps, l’association avec des céréales (orge-avoine entre 30 et 80 kg/ha) ou des trèfles annuels (2 kg/ha) permet de produire un rendement équivalent au témoin pur, mais pas de maîtriser le salissement, ni d’améliorer la valeur alimentaire du fourrage.

Dominique Grémy, en collaboration avec Arvalis

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement