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LE SORGHO, VECTEUR D'AUTONOMIE FOURRAGÈRE

Un sorgho BMR « mâle stérile »© J.-P.CHEVALIER-CHAMBRE D'AGRICULTURE DE LA DRÔME

Les éleveurs de la Drôme ont ouvert plusieurs voies pour l'utilisation d'un sorgho fourrager. La règle d'or en matière de culture et d'utilisation dans la ration des vaches laitières est de ne jamais le confondre avec du maïs.

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DANS LE DÉPARTEMENT DE LA DRÔME, le réchauffement climatique n'est pas une hypothèse farfelue. « Avant les années 1990, personne ne parlait d'irrigation ici. Aujourd'hui, je n'imagine pas faire du maïs sans eau et certaines années, nous sommes sous la menace des interdictions d'arroser », explique Hervé Berne, éleveur laitier. Depuis le début des années 2000, la chambre d'agriculture de la Drôme s'est investie dans la recherche de l'autonomie alimentaire pour ces systèmes d'élevage drômois soumis au risque de la sécheresse. L'ensilage des mélanges de céréales immatures et légumineuses (les méteils) est une piste pertinente : des rendements intéressants (8-10 t de MS/ha) et un apport de protéines non négligeable. Mais que faire après cet ensilage de fin mai si ce n'est attendre plusieurs semaines avant de semer une prairie ?

UN POTENTIEL DE RENDEMENT INDÉNIABLE

En 2010, une solution miracle s'est présentée aux éleveurs, le sorgho BMR : résistance au sec, rendements élevés en ensilage, digestibilité égale ou supérieure au maïs, prévention de l'acidose. Un fourrage miracle donc, à semer début juin et à récolter comme un maïs ensilage. « Notre erreur a justement été de conduire ces sorghos comme des maïs. Résultat : des plantes de 3 m de haut, versées dans tous les sens, donc non récoltables », se souvient Hervé Berne. Il aura fallu toute la persuasion de Jean-Pierre Chevalier, conseiller à la chambre d'agriculture, pour que les éleveurs continuent l'aventure. Car le jeu en vaut la chandelle. « L'objectif est de faire plus de MS et plus d'UF/ha en utilisant moins d'eau et en gagnant en autonomie protéique », explique Jean-Pierre. Une martingale infaillible, à condition de respecter certaines règles. « La première est que le sorgho n'est pas un maïs. » Donc, le sorgho ne se place jamais dans les meilleures parcelles, à plus forte raison dans les terres irrigables. Car son potentiel de rendement en condition sèche est indéniable. En 2014, la moyenne des essais de la chambre d'agriculture de la Drôme sur neuf variétés différentes a été de 14,3 t de MS/ha. Depuis 2013, de nouvelles équations permettent une réelle prédiction de la valeur alimentaire du sorgho. Moyenne de la Drôme en 2014 : 1 UFL/kg de matière sèche pour les BMR. Des valeurs confirmées par les résultats de production sur les troupeaux lait et viande.

« Mais attention, la valeur amidon est très faible, voire nulle, alors que la teneur en sucre se situe entre 22 et 25 %. J'ai tendance à dire que nous sommes plus proches de la betterave que du maïs. La valeur azotée est également décevante : 47 PDIE et 37 PDIN. Donc, attention à son usage dans les rations. Là aussi, on ne confond pas l'ensilage sorgho avec l'ensilage maïs. »

L'intérêt premier du sorgho est bien sa complémentarité avec les autres cultures du système fourrager. L'évidence est de le placer en dérobé, après un premier fourrage (méteil, RGI, trèfle incarnat) dans la quinzaine après le 20 mai pour envisager un rendement de 8 + 14 = 22 t/ha de MS. « L'intensification de ces parcelles permet de libérer des surfaces en maïs dans les meilleures terres pour y implanter, par exemple, de la luzerne qui exprimera pleinement son potentiel et participera à l'autonomie protéique », explique Jean-Pierre Chevalier.

60 UNITÉS D'AZOTE

On pourrait ajouter l'intérêt environnemental de ce système fourrager avec une couverture permanente du sol, sans besoin de Cipan, et des épandages d'azote minéral réduits. Car c'est une autre qualité du sorgho : être capable de fournir plus de 14 t de MS/ha avec seulement 60 U/ha d'azote.

Des bénéfices qui ont séduit certains éleveurs drômois.

L'an dernier, ils étaient une trentaine à avoir ensilé du sorgho monocoupe avec l'appui technique de la chambre d'agriculture et des trois principaux semenciers proposant des variétés : Barenbrug, Semental et Semences de Provence. L'expérience de ces pionniers a permis de caler certains points de l'itinéraire technique et d'éviter les erreurs grossières.

Jean-Pierre Chevalier ne cesse de le répéter : un sorgho ne se conduit pas et ne s'utilise pas comme un maïs. À commencer par son semis. Le sorgho est une petite graine à faible énergie germinative et les sorghos sucriers présentent, en général, peu de vigueur au départ. Aussi, une bonne implantation est capitale pour la réussite de cette culture. Une préparation fine et un sol réchauffé (12-13 °C au minimum) sont des conditions indispensables. « Il est impossible de semer du sorgho à la même date que le maïs, courant avril. Dans la Drôme, nous ne le semons pas avant le 20 mai », précise Jean-Pierre Chevalier.

AUCUNE ERREUR AU SEMIS N'EST TOLÉRÉE

La profondeur du semis est conseillée à 2-3 cm. Placer la graine dans un horizon frais est primordial pour une levée rapide. La densité de semis recommandée est de 220 000 grains à l'hectare. Mais selon les conditions de semis, on oscillera entre 200 000 et 250 000. « En terre fine, bien préparée, j'observe 75 % de levée mais on descend vite à moins de 50 % en conditions plus difficiles. Les variétés ont aussi plus ou moins de vigueur au départ. Pour moi, la règle est de semer avec un semoir pneumatique à 50 cm d'écartement, sans aller trop vite pour avoir une régularité de placement des graines dans le sol. Plus que le maïs, la culture du sorgho est une course de vitesse qui n'autorise aucune erreur au semis. »

Autre élément clé, la fertilisation azotée : assez pour le rendement, mais pas trop pour une plante qui a une fâcheuse tendance à verser. Échaudés par les difficultés de récolte en 2011, les éleveurs de la Drôme se calent sur un protocole simple : 60 unités d'azote minéral au semis et c'est tout, un tiers en moins si le précédent est une légumineuse. « Notre expérience montre que le sorgho valorise mal la fumure organique car la minéralisation n'est pas en phase avec la croissance de la plante et cela peut créer des faims d'azote en début de cycle. Au final, on perd en rendement et en teneur en sucre. L'autre risque avec du fumier est d'avoir un excès d'azote libéré au mois d'août en même temps que les orages avec pour conséquence de fortes verses. » Le désherbage doit être systématique, mais il n'est pas toujours facile à réussir pour maîtriser les graminées. Seuls des produits en post-levée sont homologués au stade 3-4 feuilles du sorgho. Un protocole de prélevée serait attendu prochainement. « Semé début juin, un sorgho recouvre totalement le sol au 10 juillet et étouffe toute concurrence des adventices. Là aussi, l'intérêt d'une levée homogène est important. » Avec les variétés disponibles aujourd'hui en sorgho sucrier, le taux de matière sèche à la récolte est un autre challenge pour réussir l'ensilage du sorgho.

ATTEINDRE 27 % DE MS À LA RÉCOLTE

Dans la Drôme, la récolte ne peut se prévoir qu'entre 110 et 120 jours après le semis pour espérer atteindre le seuil de 27 % de MS au-delà duquel le silo ne coulera pas.

Vous comprendrez mieux la notion de course contre la montre qui s'engage dès le semis et l'importance de réussir l'implantation. Cela limite aussi le sorgho aux régions chaudes : Sud-Ouest, Rhône-Alpes, Pays de la Loire. « On n'ensile pas non plus le sorgho en même temps que le maïs. Les dates de maturité sont rarement les mêmes, les réglages de l'ensileuse sont différents (pas d'éclateurs et brins longs indispensables) et je conseille de faire un silo de sorgho à part car il ne s'utilise pas de la même façon dans la ration », explique Jean-Pierre Chevalier. Il conseille surtout de ne pas se hâter à la récolte. Contrairement au maïs, en fin de cycle, le sorgho ne perd pas de sa valeur alimentaire mais continue à pousser. Il reste vert et il n'y a que le gel qui puisse l'arrêter. Très riche en sucres, c'est un fourrage qui se conserve facilement en ensilage, quasiment sans pertes. Dans des régions plus froides, le paillage plastique au semis pourrait être une solution adaptée au sorgho pour gagner de la maturité plus rapidement, mais cela a un coût (400 €/ha). « Il faudra confirmer par des essais et s'assurer que le paillage ne handicape pas le développement racinaire de la plante avec des risques de verse. » Pour des ensilages un peu trop humides, Jean-Pierre Chevalier propose une astuce économique pour pomper les jus : « Une tonne de foin de bonne qualité étalée à la pailleuse pour chaque hectare de sorgho ensilé. Le foin gorgé des jus du silo devient très appétent. » Quant au sorgho dans les rations des laitières, les conseillers de Drôme Conseil Élevage l'introduisent au maximum à 30 % de la ration de base en diminuant la part de maïs ensilage. « Avec 4 kg de MS/VL/j, nous observons une augmentation de l'ingestion de 0,5 à 1 kg de MS/VL/j avec une production de lait identique et un peu plus de TB. Les nouvelles valeurs de prédiction à 1 UFL apparaissent correctes. Mais nous avons plus de mal à évaluer son encombrement. »

DOMINIQUE GRÉMY

Un type BMR « PPS »

Un sorgho grain sucrier de grande taille

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