« NOUS RÉFLÉCHISSONS À UNE CONDUITE EN LOTS CONSTANTS »
Si la séparation en lots s'impose pour 200 vaches, les associés du Gaec de la Seiche s'interrogent sur les critères de constitution des groupes. Le niveau de production est déterminant aujourd'hui, mais ils pourraient évoluer vers des lots constants.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
LA GRANDE TAILLE DU TROUPEAU DU GAEC DE LA SEICHE à Janzé (Ille-et-Vilaine) est le fruit d'une longue histoire. L'exploitation rassemble dix associés et cinq salariés, et produit 1,6 Ml de lait, des poulets et des porcs. « Nous avons presque tous des responsabilités professionnelles ou autres, ce qui justifie deux postes de salariés », précise Philippe Denieul, l'un des trois associés en charge de l'atelier laitier.
Le bâtiment des laitières est divisé en deux espaces, séparés par la table d'alimentation. De chaque côté, les vaches disposent de 87 places en logettes et au cornadis. Les couloirs sont sur caillebotis. Un autre bâtiment accueille les taries et les génisses qui approchent du vêlage. « Avec des vêlages étalés, la capacité est suffisante, mais le bâtiment est saturé », précise Jean Denieul, un autre associé qui s'occupe des vaches.
L'élevage livre son lait à Lactalis et le quota est systématiquement produit. Dans l'avenir, les associés sont tentés par une augmentation de leurs livraisons, mais ils n'envisagent pas d'investir. Or, le bâtiment des vaches en production ne peut plus être agrandi. « Nous n'avons pas suffisamment de visibilité pour investir dans le développement de la production », remarque Philippe.
« UNE RATION DIVERSIFIÉE EST PRODUITE SUR PLACE »
Le troupeau dispose de 40 ha de pâture accessible autour du bâtiment et la pratique du pâturage n'a jamais été remise en cause. Les laitières sont conduites en deux lots distincts et nourries en ration complète. Le lot dit « 1 » regroupe les vaches en début de lactation et reçoit une ration calculée pour produire 40 kg de lait. Le deuxième est conduit pour un niveau à 30 kg de lait avec une ration moins concentrée.
Dans un souci d'autonomie et d'économie, le régime valorise les produits de l'exploitation : ensilages de maïs, d'herbe et de sorgho, luzerne déshydratée, en quantités variables selon les lots. Les plus productives ingèrent en plus des épis de maïs déshydratés, un ingrédient très énergétique qui fait la différence entre les lots. Elles ont du tourteau de colza comme l'autre lot et du tourteau tanné. La ration est établie avec Eilyps (organisme de conseil en élevage).
« Nous allons réduire les surfaces en sorgho et augmenter la luzerne », précise Jean. Car, si ce fourrage est intéressant sur le plan zootechnique, les éleveurs en apprécient moins la culture. Les rendements plafonnent à 10 t de MS/ha quand les conditions sont bonnes et il faut semer tard pour obtenir un bon démarrage. De son côté, la luzerne améliore l'autonomie protéique de l'exploitation.
La conduite des deux lots est différente au pâturage. La saison démarre en mars et les silos restent ouverts. Alors que le lot 2 est rapidement dehors jour et nuit, l'autre ne sort que quelques heures par jour au printemps, le temps d'avaler 6 à 7 kg de MS d'herbe. Il reste dans les parcelles les plus proches quand l'autre peut marcher plus d'un kilomètre.
En été, le lot 1 retrouve une ration de type hivernal et ne sort que la nuit pour rester au frais à l'intérieur durant les heures les plus chaudes. « Quand les températures montent, les vaches s'agglutinent sous les arbres. Cela n'est pas très sain, surtout avec un groupe important. Elles sont mieux à l'intérieur durant ces périodes », expliquent les éleveurs.
Ce premier lot est donc clairement conduit pour produire au maximum. Le coût de la ration s'élève à 3,70 € par vache par jour dans le lot 1, contre 2,10 € dans l'autre.
« La marche est haute entre les deux lots et la production chute quand une vache passe du premier au second », souligne Philippe. Le changement de lot induit toujours un stress. C'est l'arrivée des fraîches vêlées qui en pousse d'autres vers le second lot, en fonction de leur niveau de production. Il faut aussi que la gestation soit confirmée pour sortir du lot 1. Ce premier groupe est donc toujours plein, le second pas forcément.
Cette conduite optimise la valorisation de l'herbe. D'une part, la taille des groupes permet de sortir facilement. D'autre part, les vaches les moins productives peuvent supporter un régime moins riche. En revanche, le pâturage se révèle compliqué à gérer pour les vêlages de printemps. « Les vaches en début de lactation ont tendance à maigrir lors de la mise à l'herbe, surtout les primipares. » Dominées par les plus âgées, elles n'ont pas le temps de manger leur ration à l'auge avant de sortir.
Mais les éleveurs tiennent à maintenir le pâturage, pour la valorisation des prairies existantes et le bien-être des vaches. Même si des aménagements pourraient améliorer le confort du bâtiment, rester sur le béton en permanence n'est pas idéal à leurs yeux.
La conduite du troupeau en lots selon le niveau de production présente aussi des avantages à la traite. L'aire d'attente est indépendante des espaces de vie et reçoit facilement un lot entier. Les pertes de temps sont réduites car les vaches plus longues à traire se retrouvent ensemble. En contre-partie, le changement de lot induit une perte de temps.
La conduite en lots permet en outre d'optimiser la surveillance des animaux en se concentrant d'abord sur le premier, là où le risque de problème est a priori supérieur.
« En ration totale mélangée, cette conduite permet d'optimiser à la fois le coût alimentaire, le pâturage et la couverture des besoins des animaux », analyse Pauline Woehrle, conseillère Eilyps. Si la production est en moyenne de 9 000 l par vache, à 40 de TB et 32 de TP, elle s'élève à 10 000 l dans le lot 1 avec la ration hivernale. « Nous pourrions atteindre ce niveau en moyenne annuelle en constituant les lots différemment », estime Philippe.
« ON POURRAIT RÉUNIR LES VACHES EN FONCTION DE LEUR ÂGE »
Cela permettrait de livrer 200 000 l de plus chaque année à effectif constant. Le troupeau est sélectionné depuis longtemps et possède un potentiel génétique élevé à 128 d'Isu et 21 d'Inel. Il est donc capable de produire davantage, pour peu que la conduite le permette.
Il s'agirait d'alotter les vaches différemment et de travailler avec des groupes constants. L'un rassemblerait les premières lactations et le début des deuxièmes, et l'autre les animaux plus âgés. Ceci permettrait aux plus jeunes de mieux s'alimenter car elles subiraient moins la pression des dominantes plus âgées. La ration se situerait à un niveau intermédiaire, entre les deux pratiquées aujourd'hui. Les vaches hautes productrices en début de lactation compenseraient par une ingestion supérieure. Globalement, les démarrages de lactation se feraient à un moindre niveau, mais la persistance serait meilleure. Il n'y aurait plus la chute observée lors du passage dans le deuxième lot.
L'investissement dans des Dac pourrait être intéressant avec ce type de conduite afin d'apporter une certaine complémentation individuelle. Mais il faudrait sacrifier un peu de place dans le bâtiment déjà bien rempli. D'autres aménagements mineurs pourraient améliorer le confort dans le bâtiment : ventilateurs, matelas...
En revanche, ce mode de conduite rendrait plus difficile la valorisation des prairies. Le pâturage pénalise le niveau de production au printemps. Aujourd'hui, le lot deux est considéré comme moins difficile et donc apte à recevoir une ration à base d'herbe pendant la saison. En l'absence de possibilité de conduire un lot moins exigeant, la gestion du pâturage pourrait devenir problématique. Et le coût alimentaire risque d'augmenter.
« Il faudrait évaluer précisément les gains en production et le surcoût alimentaire », conseille Pauline Woehrle. La réflexion est en cours. Sachant que Lactalis n'a pas, pour l'instant, exprimé la volonté de collecter plus de lait.
PASCALE LE CANN
La symétrie du bâtiment se prête bien à une conduite en deux lots. Le côté des vaches les plus productives est un peu plus confortable, avec des matelas plutôt que des tapis.
Un bâtiment semi-ouvert accueille les taries et les primipares prêtes à vêler.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :