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LA VALEUR RÉELLE D'UN ALIMENT DÉPEND DE LA RATION

À terme, le système d'alimentation devrait permettre d'exprimer la quantité de nutriments absorbés (acides aminés, glucose, acides gras et acides gras volatils), afin de prévoir la réponse des animaux et piloter la qualité des produits.© CHRISTIAN WATIER

La révision des tables d'alimentation Inra a été engagée afin de prendre en compte les principales interactions influençant la digestion et leurs répercussions sur la valeur UF et PDI des aliments.

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LES UF POUR L'ÉNERGIE ET LES PDI POUR LES PROTÉINES sont à la base du système d'alimentation français depuis 1978 et les recherches menées par l'Inra. Si des actualisations ont eu lieu en 1988, 2002 et 2007, le système actuel a néanmoins ses limites. Il ne prend pas suffisamment en compte les interactions digestives entre les différentes composantes de la ration. De plus, il est mal adapté aux régimes extrêmes de type VHP, avec un niveau d'ingestion élevé et des rations très énergétiques ou, à l'inverse, aux régimes riches en parois et pauvres en azote. C'est pourquoi, dans le cadre du projet Systali, l'Inra a engagé la rénovation du système afin de prendre en compte de façon plus précise ces interactions. Concrètement, la valeur d'un aliment, qui était jusqu'alors fixe dans les tables, pourra varier en fonction de la composition de la ration et de l'animal qui la consomme. « Les valeurs indicatives UF et PDI des aliments seront conservées dans les nouvelles tables comme repères, précise Pierre Nozière, chercheur à l'Inra de Clermont-Ferrand-Theix et animateur du projet Systali. Mais la prise en compte des interactions digestives à travers des équations permettra de prédire plus précisément la réponse des animaux sur une large diversité de régimes et de réduire l'écart entre le calcul théorique et ce qui se passe réellement dans le tube digestif de l'animal. »

Chez les ruminants, l'origine des interactions digestives se situe principalement dans le rumen. Elles sont liées au niveau d'ingestion (NI), à la proportion de concentrés de la ration (PCO) et à la balance protéique du rumen (BalProRu). NI et PCO vont avoir un impact sur la vitesse de transit qui, elle-même, détermine la part des nutriments digérés dans le rumen et celle qui passe dans l'intestin. NI a d'ailleurs été identifié comme étant le principal facteur d'interaction. Plus l'ingestion est élevée, plus la valeur UF d'une ration va diminuer par rapport aux références précédentes, mais sans bouleverser l'existant puisqu'un système de correction global (mais moins évolutif) était déjà appliqué pour les femelles laitières.

LES PDI AUGMENTENT AVEC LA VITESSE DE TRANSIT

« Les UF seront globalement un peu plus élevées car nous avons revu à la baisse les pertes par les urines et par les émissions de méthane. En revanche, l'effet de l'ingestion est plus important sur la valeur PDI. Dans la version précédente, la vitesse de transit dans le rumen était fixe et élevée (6 % par heure) quel que soit l'aliment, la ration ou l'animal. Or, on constate que plus NI est élevé via la capacité d'ingestion de l'animal et/ou la qualité du fourrage, plus le transit vers l'intestin est rapide et donc la part de PDI importante. À l'inverse, avec un NI faible, le transit est plus lent, l'aliment est davantage dégradé dans le rumen et sa valeur PDI diminue. » Ainsi, dans le nouveau système, les foins perdent 15 à 30 g de PDIA. Dans les tables actualisées, un NI de référence sera attribué pour chaque aliment.

BALPRORU, UN INDICE DE NUTRITION AZOTÉ DU RUMEN

Outre le niveau d'ingestion, la PCO a aussi une influence sur le transit. Pour schématiser, plus la PCO est élevée, plus le transit est ralenti. Ceci est la conséquence d'une baisse de motricité du tube digestif lorsque les apports de concentrés augmentent. Par rapport à l'ancien système, les aliments sont supposés rester plus longtemps dans le rumen. La part échappant à la dégradation microbienne (amidon et protéines by-pass) est donc moins importante qu'avant pour une ration moyenne. Les tables rénovées afficheront des valeurs indicatives pour les fourrages correspondant à une ingestion sans concentré. Elles devront être modulées en fonction de la composition de la ration. Enfin, les interactions digestives sont aussi liées aux variations d'activité de la flore du rumen selon la disponibilité en azote soluble. Un nouvel indicateur appelé BalProRu (balance protéique du rumen) va permettre de quantifier le déficit ou l'excès d'azote soluble dans le rumen, et d'intégrer ses effets biologiques sur la digestibilité et la synthèse microbienne. Exit donc les PDIN pour passer à un système PDIE/BalProRu, même si là encore, pour ne pas perturber les habitudes, la valeur PDIN sera maintenue dans les nouvelles tables. « L'avantage de BalProRu, outre qu'il est exprimé en g/kg de MS, est qu'il va permettre de calculer la valorisation de la ration avec des rations déficitaires en azote fermentescible, ou prévoir l'excès d'azote par rapport aux besoins de la flore microbienne et les gâchis qui en découlent. »

PRÉV@LIM, NOUVEAU LOGICIEL DE RATIONNEMENT

La proportion de matière organique fermentescible (MOF) a également été revisitée pour se rapprocher d'une MOF vraie afin de prédire plus précisément la production de protéines microbienne, d'AGV et de gaz dans le rumen. Ainsi, l'objectif du projet Systali n'est plus seulement de calculer des rations qui satisfassent les besoins en fournissant l'énergie, les protéines, les vitamines et minéraux nécessaire. « On cherche également, à partir des aliments disponibles, à prévoir la réponse des animaux aux différentes pratiques alimentaires pour, à terme, pouvoir piloter l'efficacité alimentaire, les rejets, les risques métaboliques, et la composition fine des produits via l'alimentation. » La refonte du calcul des apports réels ne sera utilisable que lorsque les besoins auront été eux aussi réévalués. Un travail qui devrait aboutir fin 2014. « Par exemple, il faut introduire plus de variabilité entre la dépense et les besoins en PDI, explique le chercheur. Un animal qui a une ration pauvre en azote va utiliser cet azote plus efficacement, et inversement. Donc, il peut y avoir des besoins différents en fonction des apports, ce qui n'était pas pris en compte précédemment. »

Les équations du modèle Systali seront disponibles à partir des logiciels Prév@lim et Inr@tion. Ce nouveau dispositif souligne le rôle prépondérant des outils de rationnement. Mais tout n'est pas remis en cause : au final, les variations seront de faible ampleur et il sera toujours possible de calculer sa ration grâce à des tableaux simplifiés qui permettront de vulgariser la nouvelle méthode.

JÉRÔME PEZON

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