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« Grâce à l’irrigation, nous pâturons neuf mois, avec un robot »

Robot de traite. Depuis 1975, au Gaec de la Coucoucerie, les prairies sont irriguées pour prolonger la période de pâturage des vaches laitières. L’arrivée de la stalle de traite n’a pas modifié cette pratique.

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Au Gaec de la Coucoucerie, le pâturage fait partie des gènes. « Nos parents ont mis en place l’irrigation des prairies onze ans après leur installation, en 1964, car l’herbe manquait. À l’époque, c’était impensable de faire du lait sans pâturage ! » Quand ils ont repris la ferme en 1988, les deux frères, Yves et Joseph, ont conservé cette technique. Et l’arrivée du robot, il y a neuf ans, n’a pas changé la donne. « Pouvoir continuer le pâturage était la condition ! » Ainsi, chaque année, les vaches commencent à pâturer début février pour finir fin octobre. Cette longue période de pâturage est notamment permise par des sols portants et l’irrigation des prairies. « Il n’y a pas d’investissement supplémentaire car les enrouleurs sont déjà présents pour les légumes et les autres cultures. Nous les valorisons sur des surfaces plus grandes. »

Le coût se résume à l’utilisation (environ 20 € par hectare et par passage pour l’énergie, la redevance de l’eau et l’amortissement du matériel) et à la fumure apportée en plus grande quantité (35 m3 de lisier à l’automne et trois apports de 50 U d’azote).

«  Il faut arroser avant que les sols soient secs »

« Sans ces apports, ça ne vaudrait pas le coût d’arroser, assure Joseph. Nous envisageons des apports de fiente de volailles l’hiver. Nous n’aurions alors pas besoin de revenir. En effet, la réglementation ne prévoit pas d’apport d’azote après le 1er juillet sur les prairies. Alors qu’en étant irriguées, cela se justifie. »

Pour évaluer les besoins en eau, Joseph et Yves ont testé les tensiomètres dans les années 1980. « Ils nous ont permis de nous rendre compte que le sable n’était pas si filtrant que ça. Nous pouvons mettre plus d’eau et moins souvent. Finalement, les petits apports d’eau n’allaient pas forcément jusqu’aux racines. » Mais, selon eux, les tensiomètres ne permettent pas d’anticiper assez les besoins. « C’était déjà trop tard. Il faut apporter de l’eau avant que les sols soient secs. Nous avons appris de nos erreurs. Par exemple, un enrouleur était tombé en panne et avait arrosé toute une nuit au même endroit. Nous avons constaté que le maïs est resté vert jusqu’à la récolte. »

Joseph et Yves ajustent l’irrigation pour que l’apport d’eau soit de 30 mm par semaine ou tous les dix jours en prenant en compte la pluviométrie et l’évapotranspiration, soit six à huit passages par an. Pour arroser toutes les cultures, le tour d’eau est de neuf ou dix jours. « Chaque culture a son rythme. Les haricots verts peuvent rendre nécessaire de l’eau tous les six jours quand les prairies peuvent attendre dix jours. Nous mettons à profit les périodes où il n’y a pas de légumes en place pour irriguer les autres parcelles. »

« Nous dégageons une marge à l’hectare intéressante »

Les prairies irriguées sont découpées en six passées, quatre grandes de dix-huit heures et deux petites de huit heures. « Quand le planning d’irrigation est serré, nous irriguons les deux petites dans la journée et les grandes se font la nuit. » À raison de trente à quarante-cinq minutes d’installation à chaque passage et de six à huit passages par an pour les prairies, l’irrigation des six passées réclame 18 à 24 h de main-d’œuvre par an.

« Nous avons déjà remis en cause la rentabilité du pâturage et de son irrigation, avoue Joseph. Mais après le calcul du coût alimentaire, nous avons été convaincus. Nous avons un coût fourrager un peu plus élevé que notre groupe robot, mais nous dégageons une marge à l’hectare plus intéressante. »

Tous les mois, les éleveurs calculent, avec leur contrôleur laitier, le coût alimentaire dynamique. « Cela permet de détecter certaines anomalies comme les écarts de distribution de concentré. » Lors de la dernière campagne, le coût alimentaire était de 110 €/1 000 litres, dont 55 € de coût de concentré.

Sans irrigation, les éleveurs estiment que l’apport nutritif dû au pâturage serait divisé par trois. « À partir du 15 juin, nous ne pourrions plus sortir les vaches. » Pour le groupe robot de la zone, le pâturage s’étale en moyenne du 15 mars au 15 juin. Avec l’irrigation, il a été calculé qu’ici, chaque vache consomme 2,2 tonnes de MS d’herbe sur pied (11 kg par jour en pleine saison), soit un tiers de la ration annuelle. En parallèle, 2,7 tonnes de stocks fourragers sont consommées contre 4 tonnes pour le groupe robot de la zone. « Quand elles sont à l’herbe, j’ai parfois l’impression que les vaches ingèrent plus de matière sèche qu’en bâtiment. Sans irrigation, nous ne pourrions pas compter sur le pâturage à cause de rendements plus faibles et plus aléatoires. L’irrigation, c’est notre assurance récolte car ici, nous avons les températures. C’est l’eau qui manque. Si on n’irriguait pas, il faudrait augmenter les surfaces de maïs et donc diminuer les cultures de vente. Notre équilibre serait remis en question. »

« Trois lots variables »

Deux barrières, une en sortie de robot et l’autre en sortie de bâtiment, orientent les vaches en fonction des heures pendant la période de pâturage. De 23 heures à 3 heures du matin, les vaches sont dirigées vers un premier pâturage de 2,5 à 3 ha. Ce délai est calculé pour que ce premier lot comprenne 20 à 25 vaches. Puis, la barrière en sortie de bâtiment bascule pour orienter les vaches suivantes vers une deuxième parcelle. Le retour en bâtiment se fait librement. Le matin, vers 8 heures, quand il n’y a plus d’animaux dans le bâtiment, les éleveurs vont chercher le premier lot. « Quelques-unes rentrent toutes seules mais peu, note Joseph. Elles restent ainsi environ huit heures dans la première prairie. Ensuite, pour un lot de 20 à 25 vaches, il faut compter trois heures dans le bâtiment pour qu’elles se reposent et aillent au robot. » À la sortie de celui-ci, elles sont dirigées vers une troisième parcelle pour l’après-midi. À 12 h 30, quand le bâtiment est vide, les éleveurs vont chercher le deuxième lot. Après le temps de repos et la traite, les vaches rejoignent le premier lot dans la troisième parcelle. À 18 heures, tout le troupeau rejoint le bâtiment jusqu’à 23 heures. Le cornadis est alors ouvert pour que les vaches aient accès à la ration d’ensilage de maïs distribuée le matin. Les trois parcelles pâturées sont changées chaque jour. Les vaches y reviennent tous les deux à trois jours en fonction de la pousse de l’herbe.

« Un système cohérent et performant »

« 8 h, 12 h 30 et 18 h correspondent à des horaires où nous sommes disponibles pour rentrer les vaches. Nous orientons les barrières des parcelles quand nous allons les chercher. Ça ne nous prend pas plus de temps. Avant, nous allions les chercher en milieu de matinée et d’après-midi, et après dîner. Nous avons modifié ces horaires. Nous croyions, à tort, qu’elles ne pâturaient pas la nuit. Nous avons aussi essayé avec une prairie pour la nuit et une autre pour le jour. Notre erreur était de nous être basés sur un retour des vaches d’elles-mêmes. Du coup, nous atteignions des délais de traite trop longs. » Joseph ne voit pas ces allers-retours comme une contrainte. « Aller chercher un lot de vaches prend vingt minutes, soit une heure par jour en tout. En contrepartie, nous gagnons du temps sur le nettoyage des logettes, les soins et n’avons plus à mélanger la ration. De plus, l’été, nous poussons moins les vaches au robot. Les génisses sont même plus faciles à dresser l’été car elles n’aiment pas rester seules dans le bâtiment. Parfois, il reste 5 à 7 vaches couchées dans le bâtiment le matin, sans réelle explication. Ce n’est pas grave car ce sont surtout des fins de lactation, mais cela peut décaler l’organisation du travail. Quand il y en a, nous les enfermons au robot pour faire rentrer les autres. Pour limiter cela, à 2 h du matin, nous allumons la lumière et déclenchons le rabot. Ça doit en motiver quelques-unes. » Avec l’installation en cours d’un des fils, Joseph et Yves ne souhaitent pas agrandir le troupeau. « Nous n’avons que 64 logettes et une stalle de traite. Nous connaissons notre marge par litre de lait. Si nous remettions tout en question, nous la perdrions. Notre système est cohérent et performant. » L’installation s’accompagnera de la création d’un bâtiment volaille dont les synergies avec l’atelier lait sont à l’étude, comme la possibilité de la minéralisation des prairies.

Émilie Auvray

© Émilie Auvray - Enrouleurs. Présents sur la ferme pour les cultures, les enrouleurs sont aussi utilisés sur les prairies. « Cela ne réclame pas un investissement supplémentaire. Ils sont valorisés sur une plus grande surface », résume Joseph.

© Émilie Auvray - Robot. Pendant la saison de pâture, le taux de traite est de 2,1 ou 2,2 contre 2,5 à 2,7 l’hiver. « Nous sortons les vaches dans les prairies en plusieurs fois afin de conserver des délais de traite corrects. »Émilie Auvray

© Émilie Auvray - Tri. La barrière en sortie de bâtiment oriente les vaches vers l’une au l’autre des parcelles grâce au chemin séparé en deux.

© Émilie Auvray - Abreuvoirs. « Nous avons multiplié les points d’eau dans les prairies ainsi que dans les chemins. Il y a deux abreuvoirs par parcelle. Je suis convaincu que sans eux, les vaches ne pâtureraient pas les fonds de parcelle. »Émilie Auvray

© Émilie Auvray - Dactyle. Le dactyle a été préféré au ray-grass anglais et au brome pour les prairies irriguées. « L’avantage du dactyle associé à du trèfle blanc, outre la valeur nutritive, est qu’il ne monte qu’une fois. De plus, il pousse à des températures élevées tant qu’il y a de l’eau. »

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