LES MÉLANGES DE RAY-GRASS ANGLAIS POUR DES PRAIRIES À LA CARTE
Les ploïdies et précocités variées qu'offrent les variétés de ray-grass anglais peuvent être combinées pour des mélanges collant aux besoins d'exploitation des prairies.
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LES MÉLANGES PRAIRIAUX NE SONT PAS L'APANAGE des prairies multi-espèces. Des mélanges de variétés de ray-grass anglais peuvent être aussi conçus à l'implantation de la prairie, en association ou non avec le trèfle blanc. « En prairies temporaires, le RGA n'est plus conduit pur, précise Michel Harivel, le “Monsieur fourrages” de la chambre d'agriculture de l'Orne. Le trèfle blanc en association a été substitué aux 160 à 200 unités d'azote épandues dans l'année pour assurer la production du RGA et sa résistance face autres graminées prairiales. C'est moins coûteux. » Le mélange de variétés de ray-grass anglais repose essentiellement sur des ploïdies et des précocités adaptées à l'exploitation de la prairie.
Prairies pâturées. Deux tiers de RGA tétraploïde et un tiers de RGA diploïde
Appétence des tétraploïdes. Feuillues, riches en eau et en sucres, les variétés tétraploïdes de RGA se consomment mieux que les diploïdes. De ce fait, elles conviennent mieux aux prairies exclusivement destinées au pâturage, par exemple celles autour de la stabulation laitière. « Leur appétence facilite la gestion des éventuels débordements de pousse d'herbe au printemps. Des retours à 6 ou 7 cm de hauteur d'herbe, en sortie de parcelle, sont possibles avec des entrées à 14 ou 15 cm. Ce n'est pas le cas avec des RGA diploïdes. » Autre atout : leur épiaison tardive à très tardive donne des plantes peu remontantes avec, à la clé, moins de refus à gérer en fin de pâturage de la parcelle.
Fort de cette analyse, Michel Harivel recommande les variétés tétraploïdes Gwendal (tardive), Barsintra (très tardive) et Fortius (très tardive). Il estime qu'elles ont fait leur preuve. Cela n'empêche pas de les envisager en mélange avec les variétés diploïdes, à raison de deux tiers de la dose au semis pour les premières et un tiers pour les secondes.
Faire jouer les complémentarités. Les diploïdes sont plus résistants au piétinement des animaux grâce à leur nombre de talles plus important. Ils permettent de viser une durée de vie de la prairie de quatre à six ans. « Ce type de mélange est à concevoir pour des prairies temporaires, confirme Michel Harivel. Pour des prairies de plus de cinq ou six ans, il faut élaborer d'autres profils. » (voir ci-après). Il conseille les variétés diploïdes Aberavon ou Barmilka (demi-tardives) ou Sydney (tardive). Leur combinaison avec un tétraploïde tardif ou très tardif étale ainsi l'épiaison de la prairie du 25 mai au 10 juin, et apporte de la souplesse dans l'exploitation de la prairie. Il recommande une dose totale de semences de 25 kg, dont 17 kg de RGA tétraploïde, 5 kg de RGA diploïde et 3,5 kg de trèfle blanc agressif à intermédiaire (voir ci-après).
Pâture à chargement élevé. « Les mélanges variétaux pour les prairies accueillant des chargements supérieurs à 2,5 UGB/ha ont intérêt à intégrer deux tiers de la dose de semences en RGA diploïde (17 kg) et un tiers en RGA tétraploïde (5 kg, et 3 kg de trèfle blanc, voir ci-après).Ils résistent mieux au risque de piétinement », indique-t-il. Là aussi, il conseille Aberavon ou Barmilka, peu remontantes et assez appétentes, à condition de bien les surveiller durant la pousse de l'herbe. « Comme les autres diploïdes, elles ont la particularité d'occuper vite le terrain via le tallage et ont une croissance rapide. Il faut intervenir tôt, d'autant qu'elles ont tendance à durcir à l'approche de l'épiaison, le 25 mai. » Les prairies 100 % pâturées implantées pour plus de cinq ans nécessitent le même dosage, les diploïdes résistant mieux à la concurrence des autres espèces.
Fauche et pâturage. Deux tiers de RGA diploïde et un tiers de RGA tétraploïde
Les diploïdes pour la fauche. D'une façon générale, les variétés diploïdes sont recommandées pour les prairies de fauche. Leur rapport feuilles/tiges moins important et leur port plus dressé que les RGA tétraploïdes facilitent la coupe. De même, moins riches en eau que les tétraploïdes, elles sèchent plus aisément. Cependant, la majorité des diploïdes sur le marché sont tardives à très tardives (épiaison entre le 2 et le 12 juin), handicapant la valorisation des prairies mixtes fauche + pâture. « L'arrivée des variétés diploïdes Aberavon et Barmilka, il y a une dizaine d'années, a provoqué une petite révolution dans l'univers de ces prairies. Leur semi-tardivité a avancé la première coupe de dix jours, permettant de démarrer le pâturage un peu plus tôt en juin. Peu remontantes, elles se prêtent bien à ce deuxième cycle d'exploitation. »
Les tétraploïdes pour le pâturage. Michel Harivel conseille donc un mélange à majorité de RGA diploïde, à raison de deux tiers de la dose de semences de RGA à l'implantation (12 kg/ha). Le RGA tétraploïde pour le dernier tiers apportera de l'appétence au pâturage (6 kg/ha). Mieux vaut choisir un tardif, type Gwendal, plutôt qu'un très tardif pour éviter un trop grand décalage de pousse. Le trèfle blanc, à raison de 3,5 kg/ha, complétera le mélange (voir ci-après) « Un déprimage est indispensable avant la première coupe pour favoriser l'arrivée de la lumière au niveau du plateaude tallage et ainsi offrir de bonnes conditions de pousse. »
Trèfle blanc. Plusieurs variétés pour doser son niveau d'agressivité
La pression concurrentielle qu'exerce le raygrass anglais est variable selon les ploïdies et la précocité retenues. La plus faible est observée avec les RGA très tardifs tétraploïdes, leur structure de couvert végétal étant gazonnante. À l'opposé, les RGA demi-tardifs diploïdes sont envahissants. Ils occupent le sol par leur nombre élevé de talles. Leur port dressé capte la lumière au détriment des autres espèces. Le choix du trèfle blanc dans une association RGA + trèfle blanc doit donc être judicieusement réfléchi. À l'instar du RGA, il offre une large palette de variétés réparties en trois grandes catégories : agressive (grandes feuilles, port dressé), intermédiaire (feuilles moyennes, port semi-dressé) et non agressive (voir infographie ci-dessus). « Là aussi, rien n'interdit d'élaborer des mélanges variétaux de trèfle blanc combinant différents niveaux d'agressivité. Ils empêcheront l'étouffement du trèfle blanc par le RGA. » Il estime que le mélange de l'agressive Alice et de l'intermédiaire Demond est un bon compromis face à une composition de RGA diploïde semi-tardif et tétraploïde tardif à très tardif. La taille de leurs feuilles est suffisante pour capter la lumière et leur colonisation efficace du sol autorise une implantation pérenne. Que ce soit avec une majorité de RGA diploïde ou tétraploïde, il est proposé 1,5 kg d'Alice et 2 kg de Demond.
Implantation. Semer d'abord le RGA puis le trèfle blanc
Rouler avant et après le semis. « Avec un maximum de 3,5 kg/ha de semences de trèfle blanc, la colonisation de la prairie s'effectue dans de bonnes conditions. Une dose supérieure ne donne pas de meilleurs résultats. Les semences sont gaspillées », affirme le responsable fourrages. Il encourage à semer d'abord le RGA, à 1 cm de profondeur. « Derrière un labour, avant le semis, il est indispensable de passer un rouleau. Sinon les graines de RGA descendront trop profondément dans le sol. Leur levée ne s'effectuera pas correctement. » Le trèfle blanc peut ensuite être semé à la volée, avec un petit semoir à anti-limaces. « Afin d'enfoncer les graines de trèfle blanc dans le sol, il faut rouler encore deux à trois fois. Cela assurera la stabilité ultérieure du sol. Les animaux ne s'y enfonceront pas. »
Éviter l'envahissement des mauvaises herbes. À cause de leur structure de couvert végétal plutôt gazonnante, les RGA tardifs à très tardifs ont une vitesse d'installation relativement lente. Ils sont sensibles à l'envahissement des mauvaises herbes. À l'automne, ils sont concurrencés par le mouron des oiseaux, et au printemps par les dicotylédones qui explosent (chénopode, renouée des oiseaux, morelle). Il faut donc surveiller le désherbage et, pour les éleveurs bio, privilégier les semis d'automne ou les semis sous couvert au printemps. À noter que l'agressivité des RGA diploïdes semi-tardifs permet de mieux résister à l'envahissement de l'agrostis stolonifère, un fléau dans les prairies de longue durée.
CLAIRE HUE
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