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UN ÉPANDAGE DE BOUES SUR LES PRAIRIES EN TOUTE SÉCURITÉ

L'étude recommande de ne pas épandre sur de l'herbe de 10 à 15 cm de hauteur pour limiter la souillure des végétaux et réduire les problèmes d'appétence.© CHRISTIAN WATIER

L'Institut de l'élevage et le Cniel apportent un certain nombre de recommandations qui vont au-delà de la réglementation.

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LES BOUES DE STATIONS D'ÉPURATION DE COLLECTIVITÉ OU DU SECTEUR INDUSTRIEL présentent de nombreux avantages pour les agriculteurs. « Épandues gratuitement dans leurs champs, elles sont une source de matière fertilisante à faible coût. Elles sont aussi synonymes d'économie de temps de travail. En les valorisant, l'agriculteur rend service à la collectivité », déclare Sabine Picard, chargée de mission au Cniel. Cependant, les boues contiennent parfois des contaminants.

Même si l'épandage agricole est encadré par une réglementation stricte, cette pratique suscite des interrogations face aux risques potentiels sanitaires et environnementaux. L'interprofession laitière a donc demandé à l'Institut de l'élevage de réaliser une étude sur l'épandage des boues en élevage laitier, et plus précisément sur les prairies. On distingue deux types de boues.

Les boues brutes ou non hygiénisées se présentent généralement sous la forme liquide. Les producteurs de ces boues ont l'obligation de respecter des teneurs maximales en ETM(1) (cadmium, chrome, cuivre, mercure, nickel, plomb, zinc…) et en CTO(2) (hydrocarbures…). Mais aucune obligation ne leur est imposée sur les micro-organismes pathogènes.

Les boues hygiénisées ont subi un traitement (compostage, chaulage, séchage thermique…) pour réduire ce risque. Des seuils sur trois pathogènes sont à respecter : salmonelles, entérovirus et oeufs d'helminthes. Les teneurs maximales en ETM et CTO sont identiques aux boues brutes.

Du fait de la présence potentielle de contaminants chimiques et métalliques et, éventuellement, d'organismes pathogènes, la réglementation impose des contraintes au producteur de boues et à l'éleveur.

Le producteur de boues est responsable de la qualité des boues et de leur épandage. Il est chargé d'analyser les sols, qui ne doivent pas dépasser certaines teneurs en ETM. « Concernant les périodes d'épandage, la réglementation à appliquer est la même que celle des déjections animales. Il est interdit d'épandre entre le 15 novembre et le 15 janvier. En zone vulnérable, le code des bonnes pratiques agricoles est à respecter », précise Jean-Baptiste Dollé, ingénieur à l'Institut de l'élevage. Quant aux doses d'apports, elles sont à raisonner en fonction de la culture et de l'objectif de rendement.

CONTAMINATION DE LA PLANTE ET DE L'ANIMAL

L'éleveur ne doit pas faire pâturer son troupeau ou faucher l'herbe durant six semaines après l'épandage de boues brutes. Ce délai est limité à trois semaines après l'épandage de boues hygiénisées.

La contamination des plantes et des animaux est possible. Ce risque est le même quel que soit le contaminant (ETM, CTO, pathogène). Le transfert vers la plante s'effectue au moment de l'épandage, lors de la projection directe de boues sur le végétal ou lors d'un épisode pluvieux intense. La contamination de l'animal peut se faire par inhalation, mais ce risque est faible. L'ingestion de terre ou de fourrages souillés est plus fréquente. Le transfert dans le lait est davantage lié au contaminant. Les microorganismes pathogènes susceptibles d'être retrouvés sont surtout des bactéries. Le risque de transfert des CTO dans le lait est plus important comparé aux ETM.

Pour éviter toute contamination des plantes et des animaux, l'Institut de l'élevage propose un certain nombre de recommandations complémentaires à la réglementation. « On conseille d'éviter l'épandage de boues non hygiénisées en provenance de stations d'épuration collectives sur les prairies. La législation ne prévoit aucun contrôle bactériologique. Le risque d'un apport d'agents pathogènes extérieurs à l'exploitation n'est donc pas négligeable. » Cette recommandation est valable pour les importations de déjections animales extérieures à l'exploitation non hygiénisées. Les boues de laiterie ou de sucrerie ne demandent pas forcément ces précautions. Car le risque de présence de pathogènes est quasiment nul. Il convient néanmoins d'être vigilant en cas de boues de laiterie qui fabriquent des produits au lait cru. Les boues hygiénisées peuvent aussi être valorisées sur les prairies. Leur traitement garantit l'absence de risque de transfert de pathogènes vers les animaux ou le lait.

L'étude détaille d'autres préconisations. Elle conseille de ne pas épandre sur de l'herbe de 10 à 15 cm de hauteur pour limiter la souillure des végétaux et réduire les problèmes d'appétence. De plus, lorsque l'herbe est rase, les rayons ultraviolets peuvent détruire une partie des micro-organismes pathogènes. Le surpâturage est à éviter pour limiter le risque d'ingestion de racines et de terre souillées. Une attention doit être portée au matériel d'épandage. Les buses palettes sont déconseillées : elles souillent l'herbe, répartissent mal les boues et favorisent les mauvaises odeurs. Les enfouisseurs réduisent le contact entre les boues et l'animal. En revanche, en présence de pathogènes, leur chance de survie dans le sol est plus élevée.

Le meilleur équipement est donc le pendillard. Il évite la souillure de l'herbe, limite les problèmes d'odeurs et permet une bonne répartition de l'effluent. Enfin, le délai entre l'épandage et l'exploitation de la prairie doit être allongé en cas de conditions climatiques sèches. « Lorsqu'il n'y a pas d'action de nettoyage de la pluie sur les végétaux, l'éleveur doit se rendre dans sa parcelle et évaluer si l'herbe est encore souillée. »

NICOLAS LOUIS

(1) Éléments traces métalliques. (2) Composés traces organiques.

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