« NOUS DONNONS NOTRE HUILE DE COLZA À NOS VACHES LAITIÈRES »
Au Gaec des Maréchaux, une modification du mode de distribution de l'huile de colza et une réduction des quantités apportées ont été nécessaires pour stabiliser les taux.
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DEPUIS L'AUTOMNE 2008, le Gaec des Maréchaux incorpore de l'huile végétale dans l'alimentation de ses vaches en production. « Producteurs de 10 ha de colza, nous avons investi, en Cuma, dans une presse à huile, explique Jean-Louis Larue, associé avec sa femme Dominique et son frère Hubert. Au départ, nous ne pensions pas utiliser l'huile pour les vaches. Nous en incorporions dans le tracteur à raison de 30 %. En effet, à l'époque, le gazole coûtait 1 €/l. »
C'est sur les conseils de leur contrôleur laitier, Gilbert Relave, que les éleveurs se sont lancés. « Nous souhaitions faire baisser la matière grasse du lait et produire plus de volume pour réaliser la rallonge de quota offerte à l'époque. » Le premier essai, conduit entre le 15 septembre 2008 et le 20 avril 2009, n'est pas concluant. Avec 300 g d'huile /VL/j (à l'exception d'une demi-douzaine de fins de lactation), la production, certes, explose (+ 3 à 4 kg de lait/j), mais les taux chutent brutalement. En quelques mois, le TB passe de 42 à 33 g/l et le TP de 32 à 30 g. L'huile est alors apportée individuellement une fois par jour et versée au pichet sur le concentré. La ration se compose, à l'époque, de 10 kg de MS de maïs, 6 kg d'ensilage d'herbe (première coupe de luzerne-dactyle distribuée à la désileuse), 1,5 kg de foin de luzerne haché pas trop précoce, 2 kg d'orge et 1,5 kg de tourteau (soja et colza industriels mélangés). Au-dessus de 30 l, les plus fortes productrices sont complémentées avec 1,5 à 2 kg d'orge et autant de tourteau de colza gras produit sur l'exploitation. La ration est distribuée deux fois par jour. « Le soir, nous donnions la moitié de l'ensilage de maïs, tout l'ensilage d'herbe, la moitié du foin haché, 1 kg d'orge et 700 g de tourteau. Le lendemain matin, nous distribuions l'autre moitié de l'ensilage de maïs et de foin, nous repoussions l'ensilage d'herbe non consommé en ajoutant 1 kg d'orge et 700 g de tourteau. Le complément aux plus de 30 l et l'huile étaient alors ajoutés. » Les résultats sont immédiats. Les vaches montent en lait de façon extraordinaire : d'une moyenne du contrôle laitier de 10 000 kg/ VL en septembre 2008, la production grimpe à 12 000 kg de réalisable (11 939 kg en mars 2009, 12 300 kg en avril). Conjugué à l'effet mise à l'herbe, le tank déborde. « Nous avons tari des vaches à 34 kg », note Jean-Louis. En revanche, les taux s'effondrent : le TB de 9 points, le TP de 2 points. Ils ne remonteront qu'en juin, un mois après la fin de l'essai. « Les vaches n'avaient jamais eu d'acidose. Nous ne faisions aucune cure d'hépato et nous ne distribuions pas de bicarbonate de soude. » L'huile a eu des effets positifs sur la santé. « Les vaches se portaient bien. » Aucune perte d'état corporel n'a été constatée, certaines produisant pourtant jusqu'à 55 l avec 4 kg de concentré, de bons fourrages appétants et bien conservés. Sur les résultats de reproduction déjà satisfaisants, aucune évolution particulière n'est enregistrée. « Depuis que nous avons fait une formation “Nec + repro”, nous ne recherchons plus systématiquement à avoir un veau par an. »
« AVEC UN APPORT RÉDUIT À 200 G, LES TAUX SE SONT REDRESSÉS »
Après quelques mois d'arrêt l'été, période où les vaches sont à l'herbe, la distribution d'huile est reprise à l'automne 2009 avec une ration un peu différente. Entre-temps, l'exploitation a acheté un bol mélangeur pailleur pour remplacer la désileuse. Pour réduire le coût de la ration, du tourteau de colza industriel est substitué au mélange colzasoja. Les quantités d'orge sont un peu augmentées. Avec une huile ramenée à 200 g/VL/j, les résultats évoluent dans le bon sens. Cet hiver, les vaches ont fait moins de lait, mais les taux n'ont pas chuté. En février dernier, un TB et un TP moyens de 40,4 et 31 avec des réalisables à 9 950 kg/VL vache ont été enregistrés. Fin novembre 2009, ces taux s'élevaient respectivement à 38,6 et 32 pour des réalisables à 9 800 kg de lait. Cette fois, l'objectif de conserver l'effet lait et le bon état des bêtes en stabilisant le TP est atteint. « Le changement de mode de distribution de l'huile a été déterminant. Le premier hiver, les vaches, très friandes de ce produit appétant, se jetaient dessus. » Posés sur le concentré, les 300 g d'huile arrivaient très vite dans la panse. L'huile enrobait alors les fibres de cellulose les rendant moins attaquables et moins digestibles par les micro-organismes du rumen. « Cet hiver, avec l'huile mélangée à une grande quantité de fourrages, nous n'avons plus cet effet. » « La diminution de la quantité d'huile, note Yves Alligier, du Contrôle laitier de la Loire, a également agi favorablement sur le maintien des taux. Avec 200 g d'huile par vache et 1 kg de tourteau de colza gras, la teneur en matière grasse de la ration se situe à 3,5 %, contre 4,7-4,8 % l'an passé avec 300 g d'huile. Les expérimentations avec des tourteaux de colza gras montrent qu'au-delà de 5 % de MG dans la ration totale, on s'expose à une chute des taux ».
Économiquement, le bilan s'est amélioré. « Le premier hiver, malgré une hausse de production de 15 %, soit 70 000 l de lait supplémentaires, nous n'avons pas gagné grand-chose, précisent les éleveurs. Avec 300 g d'huile, la marge s'est élevée à 2 000 seulement. La chute spectaculaire des taux nous a fait perdre 31 €/1 000 l : - 18,89 €/1 000 l pour les 9 points de TB en moins, et - 12 € correspond aux 2 g de TP perdus. ». En fabriquant une partie de leur correcteur azoté, ils gagnent aussi en autonomie alimentaire.
ANNE BRÉHIER
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