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Luzerne, un bonus économique pas si évident

Autonomie azotée. Une étude d’Arvalis permet d’objectiver l’intérêt de la luzerne dans la ration des laitières : s’il y a bien une baisse du coût alimentaire avec l’enrubannage, le gain sur le résultat d’exploitation s’avère plus que limité.

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L’impact de l’introduction de luzerne enrubannée ou ensilée a été mesuré par Arvalis- Institut du végétal à la ferme expérimentale de la Jaillière (Loire-Atlantique). L’étude montrent que la légumineuse permet d’atténuer les variations de revenus d’une année à l’autre en raison d’une moindre dépendance aux achats extérieurs, à condition de récolter un fourrage de qualité. Son impact sur le coût alimentaire est positif pour la forme enrubannée jusqu’à 15 % de la ration. Par ailleurs, l’amélioration des résultats économiques de l’exploitation par rapport à un régime 100 % maïs dépend beaucoup du rapport de prix entre les tourteaux et les céréales.

Baisse de production au-delà de 5 kg de MS

Au cours de cette étude, les performances de trois lots (voir encadré) de 20 vaches holsteins à 200 jours de lactation ont été comparées.

Le lot n° 1 (sans luzerne) a produit en moyenne 29,2 kg de lait à 44,8 de TB, 33,6 de TP, sur la base d’une ingestion de 24,2 kg de MS/jour et d’une consommation de 230 g de colza pour 1 000 litres.

Le lot n° 2 (15 % de luzerne) a produit en moyenne 29,1 kg de lait, à 43,9 de TB et 33,8 de TP, avec une ingestion de 22,4 kg de MS/jour et 126 g de colza.

Le lot n° 3 (30 % de luzerne) a vu son niveau de production baisser à 27,2 kg de lait, à 45,3 de TB et 33,5 de TP, avec une ingestion de 22,4 kg de MS/jour et seulement 89 g de colza pour 1 000 litres.

Dans les trois lots, la ration complète mélangée contenait 25 % de concentrés et 23 % d’amidon. La luzerne de premier cycle, récoltée en brins courts, a été mélangée pour éviter le tri. Elle était de très bonne qualité (20 % de MAT, 0,82 UFL, 125 g de PDIN et 75 g de PDIE). « Il est possible d’obtenir cette qualité à chaque coupe, à condition de récolter au bon stade, c’est-à-dire début bourgeonnement, rappelle Alexis Férard, zootechnicien à l’Institut du végétal. Les résultats montrent que la luzerne entraîne une baisse de l’ingestion. Dans le cas du lot avec 15 % d’enrubannage, cela traduit un gain d’efficacité alimentaire, associé à une baisse du coût alimentaire de 12 €/1 000 litres en moyenne sur cinq ans. »Avec 30 % de luzerne, le gain de coût alimentaire s’élève à 7 €. « Au-delà de 5 kg de MS, la luzerne diminue la densité énergétique de la ration, entraînant une baisse de production. Cette option s’adresse donc davantage aux éleveurs qui privilégient l’autonomie et un système beaucoup moins sensible aux variations de prix. »

Surcoût de main-d’œuvre lié à la récolte

Sur la base de ces performances techniques, observées en situation expérimentale, l’Institut du végétal a ensuite simulé l’impact de l’introduction de luzerne sur le résultat courant d’une ferme type polyculture-élevage des Pays de la Loire (1 Ml de lait produits, 121 vaches, 75 ha de Scop et 100 ha de SFP). Dans un contexte séchant, le scénario retenu prévoit l’implantation de 10 ha de luzerne (10 t de MS/ha) aux dépens du maïs (11 t de MS/ha). Dans la rotation, la luzerne est prévue pour quatre ans, avec prise en compte de l’effet précédent sur les cultures suivantes. Pour maintenir le niveau de production, l’enrubannage est introduit dans la ration hivernale à hauteur de 4 kg/VL/j. « L’évaluation des résultats (voir tableau ci-dessous) tient compte des conditions économiques réelles des campagnes laitières de 2009 à 2015 et calculée à main-d’œuvre constante, c’est-à-dire en externalisant le surcoût de main-d’œuvre lié à la chaîne de récolte de la luzerne rémunérée au tarif ETA », précise Sabine Battegay, chargée d’étude chez Arvalis.

Gain moyen de seulement 1 % sur le résultat courant

Les résultats de la simulation montrent que l’intégration de la luzerne diminue le recours au soja (- 20,5 t) et au colza (- 9,3 t). Pour compenser, la part de blé autoconsommé augmente de 58,7 t. Ainsi, selon les campagnes, le prix de revient du lait baisse de 2 à 6 €/1 000 l. Au total, le gain cumulé de résultat courant sur six années est de 4 430 €, soit 1 % seulement d’augmentation. « Il faut préciser que ce résultat s’inscrit dans un contexte expérimental où la luzerne récoltée est de grande qualité et où son rendement est proche de celui du maïs non irrigué, commente Sabine Battegay. Dès que le rendement du maïs dépasse 14 t de MS, il n’y a aucun intérêt économique à intégrer la luzerne. La décision de l’implanter porte alors davantage sur la recherche d’autonomie ou de différenciation du produit. »Le gain économique est en effet très dépendant du ratio prix du correcteur azoté/prix du blé, car maintenir le niveau de production oblige à distribuer des céréales.

Un bémol mérite d’être apporté en faveur de la légumineuse : « Nous n’avons pas pu quantifier l’amélioration de la santé animale à la suite de l’introduction de la luzerne. C’est pourtant un élément constaté visuellement sur le terrain par la plupart des éleveurs. »

Jérôme Pezon
Une diminution de 2 à 6 € du coût de production
Prix des approvisionnements Prix de vente Prix de revient du lait (€/1 000 l) Résultat courant de l’exploitation (€) Ratio de prix : concentré azoté/blé
Fioul et engrais Aliments Grain lait Sans luzerne Avec luzerne Sans luzerne Avec luzerne
2009-2010 Moyen Bas Bas Bas 314 - 2 22 520 +2 130 2,78
2010-2011 Bas Bas Moyen Moyen 312 - 2 74 014 - 1 182 1,84
2011-2012 Haut Bas Haut Haut 315 - 3 89 380 - 1 050 1,77
2012-2013 Haut Haut Haut Moyen 330 - 6 73 700 +470 2,05
2013-2014 Haut Haut Haut Haut 328 - 6 98 043 +1 582 2,42
2014-2015 Moyen Moyen Moyen Haut 323 - 5 81 052 +2 483 2,73
Résultats économiques de la ferme modèle, avec ou sans luzerne enrubannée (4 kg de MS) selon différents contextes économiques. (source : Arvalis-Institut du végétal)

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