DÉSHERBAGE DU MAÏS : ASSURER LE RENDEMENT EN LIMITANT LA CHIMIE
Le désherbage alterné offre une nouvelle approche dans la conduite du maïs : il s'agit de privilégier le désherbage mécanique, sans s'interdire d'utiliser des traitements phytosanitaires lorsque le risque de perte de rendement est avéré.
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TOUT LE MONDE N'A PAS LA MÊME APPRÉCIATION DE LA PROPRETÉ d'une parcelle de maïs. Mais l'important est d'éviter que les adventices pénalisent la culture. Et pour des raisons économiques et environnementales, les éleveurs ont intérêt à limiter l'utilisation des produits phytosanitaires. Un nouvel outil a été créé par Agrobio 35 afin d'évaluer les risques engendrés par le salissement et d'adapter le traitement. « La technique du désherbage alterné intéresse surtout les agriculteurs conventionnels. Elle leur permet de maîtriser les adventices à un niveau ne pénalisant pas le rendement », explique David Roy, technicien élevage à Agrobio 35.
Cette nouvelle technique est l'aboutissement de cinq ans d'expérimentations visant à déterminer les seuils de nuisibilité des adventices. On savait déjà que la concurrence est plus sévère en année sèche, et que les adventices présentes dans les quinze centimètres bordant le rang sont plus pénalisantes. En revanche, on ignorait le réel impact du salissement sur la qualité du maïs ou son rendement. On ne savait pas non plus si toutes les mauvaises herbes avaient le même impact ou non. L'étude a cherché à évaluer la nuisibilité primaire des adventices. Il s'agit de mesurer leur impact sur le rendement et sur la qualité (UF, PDI). La nuisibilité secondaire, qui concerne l'augmentation du salissement à long terme, n'a pas été évaluée. Dans des parcelles d'essais, la population d'adventices a été maîtrisée manuellement afin d'évaluer différentes situations. Entre un désherbage total et l'absence de toute intervention, on trouve toutes les combinaisons : une ou deux et jusqu'à une dizaine de plants de morelles par mètre linéaire. Même chose pour le chénopode, la renouée, ou toutes les autres adventices fréquemment présentes. L'observation a été réalisée durant cinq ans, de 2005 à 2009, afin de couvrir diverses situations climatiques.
CERTAINES ADVENTICES PLUS PÉNALISANTES QUE D'AUTRES
Les mesures ont porté sur le rendement, le nombre de grains par épi, le nombre de plants par mètre carré, le poids de mille grains et les valeurs en UF et en PDI. En dehors du rendement, ces différents critères ne sont pas affectés par les adventices, sauf en cas d'absence totale de désherbage. Si on n'intervient pas, la culture est très pénalisée et le rendement chute.
Pour le reste, on voit nettement que certaines adventices sont plus nuisibles que d'autres, même lorsque leur densité est faible. C'est le cas du chénopode, par exemple (voir infographie), surtout en année sèche. En revanche, la morelle impacte peu le rendement, même lorsqu‘elle est très présente. Tout ceci permet d'évaluer le risque de perte de rendement d'une parcelle, à partir de l'observation des levées d'adventices.
Sur la base de ces travaux, un guide, Opti'maïs, a été édité(1)La technique du désherbage alterné intéresse surtout les agriculteurs conventionnels. Elle leur permet de maîtriser les adventices à un niveau ne pénalisant pas le rendement . On y trouve des grilles d'évaluation du risque. La méthode part du principe qu'un passage de bineuse éliminera les mauvaises herbes dans l'inter-rang. On s'intéresse donc à leur présence à proximité du maïs afin de déterminer si un traitement phytosanitaire s'impose. L'idée est de surveiller tôt, les destructions précoces nécessitant moins de produits.
« On a évalué les seuils d'adventices provoquant une chute de rendement de 5 %, remarque David Roy. On estime que les éleveurs conventionnels ne peuvent pas en supporter davantage et qu'ils doivent agir dès que ce niveau critique est atteint. En dessous, le désherbage mécanique doit suffire. »
En pratique, il faut disposer d'un cadre de 25 cm sur 40 afin d'effectuer des comptages. On le pose sur le rang de maïs, et on relève le nombre d'adventices présentes, par espèce et en notant leur stade de développement. Cette opération est à effectuer dix fois par parcelle, de manière aléatoire. Il faut éviter les bords de champ, souvent peu représentatifs. L'idéal est de sillonner la parcelle en zigzag et de poser le cadre à des endroits prédéfinis : tous les vingt pas, par exemple.
UNE GRILLE POUR ÉVALUER LE RISQUE DE PERTE
Dans la grille du guide, on marque d'une croix les cases correspondant aux observations : par exemple, une croix pour un chénopode avec au moins une feuille, ou pour trois morelles dépassant le stade de deux feuilles. En dessous de cinq croix, le risque de perte de rendement est inférieur à 5 %. On peut se contenter d'un passage d'outil pour un désherbage mécanique. Mais au-delà de cinq croix, le risque de perte de rendement est excessif. Un traitement chimique s'impose. La herse étrille permettra de détruire l'essentiel des mauvaises herbes jusqu'à un stade de trois ou quatre feuilles.
Cependant, il ne faut pas l'utiliser lorsque le maïs se trouve au stade allumette (la tige est sortie mais la feuille n'est pas dépliée), car le jeune plant est alors très fragile. La houe rotative, moins agressive, suffira pour des adventices à un stade précoce. On peut l'utiliser sur le maïs à tous les stades, jusqu'à quatre ou cinq feuilles, avec un maximum de trois passages. Pour ceux qui souhaitent vraiment réduire leur consommation de produits phytosanitaires, David Roy conseille un passage de houe rotative six à huit jours après le semis, puis un deuxième à dix à douze jours. Deux jours plus tard, on passe dans la parcelle pour effectuer les comptages. Si le nombre de croix reste inférieur à cinq, on pourra se contenter d'un passage de bineuse un peu plus tard pour maîtriser la population entre les rangs.
Certaines années, les fenêtres météorologiques sont trop étroites pour utiliser le désherbage mécanique. Il sera alors difficile de se passer de la chimie pour les éleveurs conventionnels. Mais en année sèche, alors que la concurrence est exacerbée, le passage d'engins, tels la herse étrille ou la houe, est plus facile à réaliser car on profite de davantage de journées favorables.
Rappelons toutefois qu'il existe d'autres techniques complémentaires pour contenir le salissement des parcelles. Les conditions de semis influencent le risque d'invasion par les adventices. Semer des variétés vigoureuses dans une terre réchauffée favorise une levée rapide. Le lit de semences doit être bien nivelé et sans résidus de récolte. Quand on envisage un désherbage mécanique, mieux vaut semer à une profondeur de 4 à 5 cm pour ne pas arracher les jeunes plants.
La rotation des cultures joue aussi sur la population d'adventices. On la maîtrisera d'autant mieux qu'on évite les successions de maïs sur maïs. La présence de prairies dans la rotation facilite la gestion des adventices. Les techniques de travail du sol interviennent aussi dans la lutte contre les adventices. Une étude a montré que l'on peut se passer de traitements chimiques dans 54 % des cas, après une prairie, et dans 62 % des parcelles ayant été labourées.
Ces techniques sont largement issues de l'expérience des agriculteurs bio. Elles devraient aider les conventionnels à satisfaire l'un des objectifs du Grenelle de l'environnement : réduire de 50 % l'utilisation de produits phytosanitaires d'ici à 2012.
PASCALE LE CANN
(1) Le guide est disponible à la Frab (Fédération régionale de l'agriculture biologique), tél. : 02.99.77.32.34.
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