LES VACHES SAVENT PÂTURER RAS EN FÉVRIER ET MARS
Le pâturage précoce ne rebute pas les vaches. L'Inra de Rennes montre qu'elles s'adaptent aux hauteurs d'herbe faibles de la fin d'hiver en modifiant leur comportement. La production laitière ne chute pas.
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COMMENT LES VACHES S'ADAPTENT-ELLES AU PÂTURAGE DE FÉVRIER ET MARS avec des hauteurs d'herbe inférieures à 8 cm et un accès limité à la journée ? Durant les transitions alimentaires de printemps, quelle quantité d'herbe ingèrent-elles ? L'Inra de Rennes (Ille-et-Vilaine) ne pouvait pas répondre à ces questions avant son expérimentation de l'an passé sur le pâturage de fin d'hiver. « Les travaux menés jusque-là reposaient sur des hauteurs d'herbe comprises entre 10 et 20 cm, commente Rémy Delagarde, de l'Inra de Rennes. Or, beaucoup d'éleveurs pratiquent le pâturage en fin d'hiver, période durant laquelle ces hauteurs ne dépassent pas 6 à 8 cm et pour lesquelles nous n'étions pas capables de prédire les performances laitières des animaux. »
L'institut de recherche a décidé de tester une entrée de parcelles à 6 cm entre le 8 février et le 17 mars. Les dix-huit vaches réparties en trois lots ont eu accès à trois surfaces de pâturage : 37 ares, 57 ares et 80 ares par vache(1). « Pour chacune d'entre elles, il s'agit de la surface totale pâturée durant les six semaines d'essai », précise Rémy Delagarde. De ce fait, les quantités journalières d'herbe offertes étaient différentes : au-dessus de 2 cm de hauteur d'herbe, respectivement 12 kg, 20 kg et 28 kg de MS/vache/ jour. Après la traite du soir, elles recevaient chacune 4,6 kg de MS de maïs-ensilage et 2,1 kg de MS de céréales (voir tableau). « Le premier objectif était de vérifier que les vaches sont capables de pâturer très ras, indique-t-il. Par exemple, pourune hauteur d'entrée de parcelle à 6 cm, peuvent-elles descendre jusqu'à 3 cm ? Dans l'affirmative, leurs performances laitières s'en trouvent-elles affectées ? »
Herbe rase. Une hauteur jusqu'à 2,9 cm
Les vaches ont démontré qu'elles pâturent très ras : jusqu'à 2,9 cm de hauteur d'herbe (voir tableau) lorsque la surface proposée est restreinte à 37 ares par vache. Avec le double de surface offerte (80 ares), elles ont été un peu plus laxistes : 3,7 cm de hauteur d'herbe à la sortie de parcelle. « Elles n'ont pas pour autant détérioré la prairie, souligne Rémy Delagarde, nous n'avons pas constaté de problèmes de repousse au printemps. » Il attribue ce phénomène à la structure du couvert végétal. « La hauteur de gaine foliaire que nous avons mesurée ne représente que 20 % de la hauteur totale des plantes contre 30 à 40 % au printemps. À cette époque, les prairies sont très feuillues, les plantes n'ayant pas encore entamé leur montaison en vue de l'épiaison. Malgréun pâturage ras, les vaches ne rencontrent pas de problème de préhension et laissent un couvert encore feuillu, bénéfique pour la pousse de printemps. »
Performances. Une moyenne de 25 kg de lait brut
Le couvert végétal feuillu a permis d'offrir une herbe La hauteur de gaine foliaire que nous avons mesurée ne représente que 20 % de la hauteur totale des plantes contre 30 à 40 % au printemps. À cette époque, les prairies sont très feuillues, les plantes n'ayant pas encore entamé leur montaison en vue de l'épiaison. Malgréun pâturage ras, les vaches ne rencontrent pas de problème de préhension et laissent un couvert encore feuillu, bénéfique pour la pousse de printemps. de qualité (0,96 UFL/kg de MS, 140 g de PDIN et 108 g de PDIE/kg de MS), ce qui a maintenu la production moyenne des dix-huit vaches à 25 kg de lait brut durant les six semaines pour un stade de lactation de quatre mois au démarrage. « Si la proportion de gaines avait été plus importante, les performances laitières auraient été inférieures. » Autre atout de cette herbe de sortie d'hiver : son taux de matière sèche plus élevé qu'au printemps, 21 % contre 13 à 15 %, ce qui est favorable à son ingestibilité. Cette moyenne de 25 kg de lait brut par vache ne cache pas de grandes disparités de performances entre les surfaces offertes. La stratégie fortement limitante (37 ares) a donné une production de 23,8 kg brut/vache/jour (voir tableau), celle légèrement limitante (57 ares) 25,6 kg et celle à volonté (80 ares) 26,5 kg, soit un écart maximal de seulement 2,7 kg de lait par vache. Les laitières les plus restreintes se sont adaptées en compensant la ressource fourragère réduite par un pâturage très actif (voir plus loin). Résultat : avec 8,3 kg de MS par jour, elles ont ingéré quasiment autant que le lot intermédiaire et seulement 1 kg de MS de moins que le lot à volonté. « Pour une surface à pâturer deux fois moindre », insiste Rémy Delagarde.
Le rapport quantité fourragère ingérée/lait produit a eu logiquement une incidence sur les taux. Le TB le plus bas a été obtenu avec le pâturage « 80 ares » (34,4 g/kg) pour un écart de 2 à 3 points. Le phénomène de dilution, sans doute couplé à une fermentation ruminale plus importante liée à une plus grande ingestion, a abaissé le TB. Le TB du lot intermédiaire a mieux résisté. Grâce à cela, il fournit une production à 4 % identique au lot « 80 ares » (24,1 kg).
Dans ces deux traitements, un apport énergétique supérieur a favorisé leur TP. « Au pâturage, il faut viser le maximum de lait produit à l'hectare pour obtenir le coût alimentaire le plus bas possible, avance Rémy Delagarde. Le traitement "37 ares" répond à cet objectif. Si les vaches ingèrent 1 kg de MS d'herbe et produisent 1,5 kg de lait brut de moins que le traitement "80 ares", elles utilisent aussi deux fois moins de surfaces pour des performances laitières proches. »
Viser le lait à l'hectare pâturé bouscule les repères des éleveurs recherchant la production par vache. L'arbitrage économique les aidera à trancher.
Adaptation. 80 % de la journée à pâturer
Face à l'offre d'herbe fortement limitante, les vaches ont su adapter leur comportement. Recherchant l'ingestion maximale, elles ont allongé d'au moins une heure la durée du premier repas.
Elles ont pâturé le matin entre 8 et 12 h de façon intensive. Elles n'ont pas pour autant relâché leur effort ensuite puisque, au total, elles consacrent autant de temps au pâturage dans la journée que les vaches des deux autres traitements. « En revanche, comme elles pâturent plus ras, leur vitesse d'ingestion, c'est-à-dire les quantités ingérées par rapport au temps passé, est légèrement inférieure. Elles rencontrent plus de difficultés à prélever l'herbe. » Cette difficulté est malgré tout partagée par leurs collègues. Les faibles hauteurs d'herbe en février et mars rendent malaisée la préhension, ce qui ralentit globalement leur ingestion : entre 1,1 à 1,4 kg de MS par heure contre 1,8 à 2 kg au printemps. Autre conséquence : le pâturage se déroulant uniquement entre les deux traites, toutes destinent 80 % de leur temps à se nourrir pour ingérer le maximum de biomasse.
CLAIRE HUE
(1) Pour un pâturage journalier de 94 m2, 146 m2 et 208 m2/vache.
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