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« NOUS ÉCONOMISONS DU MAÏS EN SÉPARANT NOTRE TROUPEAU EN DEUX LOTS »

La conduite en lots permet à Noël (photo) et Emmanuel de valoriser leurs prairies par le pâturage et ainsi de réduire leur coût alimentaire, tout en assurant une surveillance rapprochée des vaches prêtes à vêler.© E.A.

Au Gaec Saint-Eloi, les vaches en lactation sont séparées en deux lots huit mois de l'année pour mettre à profit l'herbe sur pied tout en soutenant les débuts de lactation.

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LORS DE LA REPRISE D'UNE SECONDE EXPLOITATION en 2005, Noël et Emmanuel Pouleur ont dû faire face à des vêlages de printemps. Les fraîches vêlées allaient alors au pâturage avec le reste du troupeau. « Une catastrophe ! se remémore Noël. Nous avons été confrontés à de gros problèmes de reproduction. Nous avons alors cherché un moyen de mettre à profit l'herbe sur pied sans pénaliser les débuts de lactation. » En parallèle, les 28 ha de maïs semés à l'époque ne suffisaient pas à subvenir aux besoins. Des achats réguliers étaient nécessaires.

Pour pallier ces difficultés, les vaches en lactation sont séparées en deux lots entre la mi-juillet (début des vêlages) et la mi-mars (fin des vêlages) en fonction de leur stade de lactation. Ainsi, les vêlages de juillet à octobre sont suivis d'une période en bâtiment alors que pendant ce temps, les "fins de lactation" demeurent en pâture (voir infographie). L'hiver, les deux lots restent séparés afin de différencier l'alimentation, et donc d'optimiser le coût de la ration. Puis, de la mi-mars à la mi-juillet, toutes les vaches sortent en pâture en un seul lot.

« NOUS SIMPLIFIONS LE TRAVAIL QUAND C'EST POSSIBLE »

À la mise à l'herbe (vers le 15 mars), il n'y a plus de vêlage et toutes les vaches sortent pâturer. C'est la seule période de l'année où elles sont toutes réunies dans un même lot.

Pendant l'été, les fraîches vêlées ont une ration équilibrée à 30 kg de lait et composée de deux tiers de maïs ensilage, d'un tiers d'ensilage d'herbe complétée par 3,8 à 4,2 kg de correcteur azoté selon la proportion soja-colza. Les fins de lactation sont, quant à elles, en pâture nuit et jour et complétées en ensilage de maïs si besoin, en fonction des stocks d'herbe sur pied. Par exemple, fin juillet, elles en recevaient 8 kg. Elles resteront en pâture jusqu'à la fin octobre. Le passage d'un lot à l'autre se fait selon deux critères.

Le premier est le constat de gestation qui intervient entre 150 et 180 jours en moyenne. Le deuxième est le niveau de production. « Nous calculons une marge alimentaire journalière à la vache après chaque contrôle laitier, explique Noël. Ainsi, en estimant une baisse de production avec le changement de ration, nous calculons une nouvelle marge alimentaire. Si elle est meilleure avec la ration "fin de lactation", nous changeons la vache de lot. » L'hiver, les deux lots sont séparés en bâtiment (voir encadré). Cela permet de différencier l'alimentation dans un bâtiment non équipé de Dac. La ration « fin de lactation » est composée au maximum de 15 kg de maïs pour s'équilibrer à 20 litres tandis que celle « début de lactation » peut monter jusqu'à 40 kg. Une seule ration de base est préparée pour les deux lots. Les « débuts de lactation » reçoivent une dose complète et les « fins de lactation » un tiers à une demi-dose.

« Cela fait moins de travail, lance Noël. Nous complétons par de l'enrubannage que nous déroulons ou de l'ensilage au godet, selon les années. Nous pourrions compléter dans la mélangeuse, mais cela consommerait du fioul et l'on perdrait du temps pour un travail que les vaches savent faire elles-mêmes. En plus, la mélangeuse aurait été trop petite. Nous préférons simplifier le travail quand c'est possible. »

« NOUS VALORISONS AU MIEUX LA SURFACE EN HERBE »

Avec cette conduite en deux lots, les manques de maïs ensilage ne sont plus d'actualité. « Depuis trois ans, nous n'avons pas eu à acheter de fourrage alors qu'en parallèle, la production laitière a augmenté, se réjouit Noël. Nous avons même pu enlever 8 ha de maïs et les reconvertir en céréales de vente. » Au début du printemps, les vaches en lactation dépriment les parcelles de prairies. « Cela engendre une transition alimentaire en douceur, souligne Noël. Cette année, nous avons dû complémenter avec du maïs ou de l'enrubanné, mais nous avons toujours fait pâturer. » L'objectif est affiché : au 15 mars, tout le monde doit être dehors. « Nous avons de la surface en herbe. Nous savons que nous pouvons récolter les stocks nécessaires. En revanche, nous n'avons que 18 ha accessibles aux vaches laitières. Il faut les valoriser au mieux. Le pâturage est notre priorité pour des raisons de temps de travail et d'économie. » Le chargement des prairies s'adapte en fonction du nombre de vaches au pâturage et de la quantité d'herbe disponible. Ainsi, toutes les vaches sont dehors au printemps avec 20 ares par vache (parcelles utilisées deux jours). L'été, certaines vaches étant en bâtiment, le chargement est moindre (40 ares/vache et parcelles utilisées quatre jours). « Maintenant, nous subissons moins, estime Noël. Nous sommes plus dans la prévision. »

« LE COÛT ALIMENTAIRE A BAISSÉ DE 15 €/1 000 L ! »

Les parcelles de prairie éloignées sont valorisées soit par la fauche, soit par les génisses, soit par les vaches allaitantes. « Dès que nous constatons que ce n'est pas pâturable, nous récoltons pour que ce ne soit pas perdu, résume Noël. S'il s'agit de petites surfaces, nous enrubannons au coup par coup. »

Grâce à ces changements de conduite, le coût alimentaire est passé de 91 €/1 000 litres en 2009-2010 à 76 €/1 000 litres lors de la dernière campagne. « C'est un point fort chez nous ! se félicite Noël. Les économies ne se font pas vraiment sur le concentré, mais sur le fourrage en ayant arrêté les achats et réduit les surfaces de maïs. Moins il y a de maïs, moins il y a besoin d'équilibrer en soja et plus nous sommes heureux. Le prix du soja peut grimper en quelques mois et plomber notre coût alimentaire. Nous sommes à 160 g de concentré par litre, soit 1,2 tonne par vache. L'objectif est de descendre en dessous de la tonne. » Les deux frères visent une amélioration de l'autonomie alimentaire. Après avoir étudié la possibilité de produire du méteil en dérobé en vue d'une récolte de fourrage grossier, ils se sont ravisés. « Économiquement, on ne s'y retrouvait pas car les automnes sont trop froids ici et les sols ne s'y prêtent pas. »

« NOUS AVONS TOUT LE TEMPS UN ŒIL SUR LES PRÊTES À VÊLER »

Pour les deux éleveurs, l'autre grand avantage de la conduite en lots est la meilleure surveillance des animaux. « Nous n'avons plus qu'un petit lot de vaches prêtes à vêler à surveiller. Du coup, nous avons tout le temps l'oeil sur elles et perdons très peu de veaux : 7 % de mortalité veau contre une moyenne du groupe à 13 %. La prolificité de 1,09 permet de vendre des animaux. L'année dernière, en plus des veaux mâles, nous avons vendu une dizaine de femelles pour la reproduction, soit des vaches en lactation, soit des génisses pleines. Ça fait du chiffre d'affaires en plus ! »

Lors de la traite, la gestion de deux lots réclame un quart d'heure de plus quand il n'y a qu'une personne. « Sauf les week-ends, nous trayons à deux quand le troupeau est séparé. Du coup, ça ne prend pas plus de temps. » Si le système est voué à évoluer, Noël et Emmanuel sont très satisfaits de cette organisation du travail pour laquelle « il a fallu se remettre en question et se faire aider ».

ÉMILIE AUVRAY

Les vaches qui vêlent l'été souffrent plus de la chaleur. Le bâtiment ouvert sur les deux longs côtés équipés de filets brise-vent assure une ventilation efficace.

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