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« L'ARRIVÉE DU ROBOT S'EST FAITE SANS DÉRAPER SUR LE CONCENTRÉ »

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Lorsqu'on robotise la traite, la hausse du coût de la ration n'est pas une fatalité ! En conservant son système cohérent et la pratique du pâturage, Régis Ledeur continue de maîtriser son coût alimentaire au litre de lait.

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LE QUOTIDIEN DE RÉGIS LEDEUR A RADICALEMENT CHANGÉ depuis fin février 2015. Cet éleveur haut-saônois a alors confié la traite de ses 55 montbéliardes à un robot Delaval. « Après m'être levé à 5 h 30 tous les jours pendant plus de vingt ans, j'ai découvert ce que c'est de ne pas être contraint par l'horaire de traite. Et j'estime avoir gagné près de 50 % de temps ! » explique-t-il. À 50 ans, ce passionné d'élevage apprécie d'être plus serein pour gérer son troupeau et disponible pour assurer ses engagements professionnels aux bureaux de Haute-Saône Conseil Élevage, de l'association des producteurs de lait Lactalis du Grand Est (Apllage) et de sa FDSEA.

« Avec un stagiaire et mes parents, je ne m'en sortais plus !J'ai remplacé ma salle de traite 2 x 5 places de vingt ans par ce robot, dans l'objectif de faire face au travail et de passer la dernière partie de ma carrière dans de bonnes conditions. Nous sommes trois éleveurs dans le village à nous être équipés d'un robot de cette marque. Donc, nous assurons facilement la surveillance chez le voisin lorsqu'il s'absente ! » L'investissement s'est élevé à 150 000 € pour la partie automate et 50 000 € pour les aménagements, notamment la construction de l'extension de bâtiment où il a été installé et l'achat des deux portes de tri intelligentes qui gèrent la circulation du troupeau.

Régis Ledeur a investi alors que ses principaux emprunts étaient remboursés (ses bâtiments datent de 1994 et ont été équipés en 2013 de racleurs automatiques), et sans changer d'autres équipements. À la clôture du dernier bilan (31 décembre 2015), l'exploitation a un taux d'endettement de 54 % et son ratio annuités et frais financiers CT/EBE est de 68 %.

L'arrivée du robot, installé en bout du bâtiment laitier de 58 logettes, n'a pas changé la conduite du troupeau. Son alimentation est restée fondée sur l'herbe, avec un apport de maïs ensilage toute l'année à l'auge.

« JE NE PEUX PRODUIRE QUE DE L'HERBE ICI ! »

Pour Régis Ledeur, maintenir l'existant tombait sous le sens car son système fonctionnait bien. « Et surtout, je ne peux produire que de l'herbe ici ! Ces 21 ha qui jouxtent le bâtiment, situés en coteaux, sont en sols argileux profonds très humides. 2015, année sèche partout ailleurs, a été une bonne année pour l'herbe chez moi ! »

« Ce parti pris d'introduire le robot dans l'élevage sans autre changement est plutôt inhabituel, souligne Honorine Adam, responsable d'encadrement technique à Haute-Saône Conseil Élevage. La plupart du temps, la robotisation de la traite s'accompagne de changements dans le mode et le type d'alimentation dans les élevages, débouchant sur des hausses de charges ! » Tels que la réduction ou la suppression du pâturage, l'apport d'aliment « spécial robot ». « Or, on peut maintenir un système simple qui a fait ses preuves et continuer ainsi de bien maîtriser les charges alimentaires, comme c'est le cas ici », pointe Honorine Adam.

« JE NE VAIS JAMAIS CHERCHER LES VACHES EN PÂTURE »

Le troupeau reçoit de l'ensilage de maïs toute l'année, pour moins de la moitié de la ration. En hiver, 7,2 kg de matière sèche (MS) de maïs sont apportés, avec 2,8 kg de MS d'ensilage d'herbe et 1,4 kg de MS d'enrubanné, 1,7 kg de MS de foin et 3,4 kg de MS de regain en libre-service. Puis, d'avril à octobre, l'herbe pâturée représente 10 kg de MS, l'apport de maïs au maximum de 5,5 kg et le foin 1,7 kg. Tout le correcteur azoté (tourteau à 40 % de MAT) et le concentré de production (aliment acheté à 18 % de MAT, incluant des céréales livrées à la coopérative) sont distribués par le robot et par un Dac situé juste à côté du robot. En hiver, les laitières reçoivent en moyenne 3 kg bruts de tourteaux et 3 kg bruts d'aliments de production, tandis qu'en été, ces quantités sont ajustées en fonction de l'herbe. « Mon objectif est que le troupeau consomme l'herbe. Toutefois, je n'aime pas que le lait varie au tank. C'est pourquoi je maintiens le maïs ensilage à l'auge toute l'année », indique l'éleveur.

Régis Ledeur a su mettre à profit son parcellaire bien adapté et le fait que le robot ne soit jamais saturé grâce à une répartition des vêlages sur toute l'année pour maintenir le pâturage. Le mode de circulation du troupeau a été organisé dans cet objectif. Il est régulé par deux portes intelligentes, et par une absence d'abreuvement au pâturage, alors que l'eau et les aliments sont accessibles près du robot.

« Mes vaches pâturent jour et nuit dans deux parcelles différentes vers lesquelles la porte intelligente les dirige. Cela motive leurs déplacements, avec passage au robot : je ne vais jamais les chercher en pâture ! » Grâce à cette bonne circulation, la majorité des vaches sont traites 2 à 2,5 fois par jour. « Cette fréquence a entraîné une forte hausse de la production par vache, souligne l'éleveur, en précisant avoir gardé le même mode de complémentation en fonction du niveau de production. Du coup, l'effectif a un peu baissé, à 50 laitières. Sachant qu'il n'y a pas eu de problème d'adaptation au robot et que je n'ai pas eu à réformer pour cette raison. » Sur ce plan, Honorine Adam note que le maintien à l'identique du système d'élevage a participé à l'adaptation des animaux.

« ALORS QUE JE N'AVAIS JAMAIS EU DE VACHES À 50 KG/JOUR, J'EN AI SEPT ! »

Sur le plan de la production, après une baisse temporaire jusqu'en juin 2015, la moyenne du troupeau a beaucoup augmenté, jusqu'à atteindre plus de 30 kg en août 2015. Depuis, cet hiver, elle tourne à 30-32 kg/vache, contre 26 kg l'hiver précédent. De 7 800 kg en 2014-2015, la production moyenne est passée à plus de 8 500 kg (avec une consommation de concentrés stable, à 1 720 kg, puis 1 700 kg par an), le potentiel exprimé en avril 2016 atteignant les 9 000 kg. « Alors que je n'avais jamais eu de vaches à 50 kg/jour, j'en ai sept. Elles sont à 3,3 traites quotidiennes ! » Il complémente ses laitières au Dac et au robot : « Avec un maximum de 9 kg d'aliment par jour : au-delà de 45 kg de lait, je n'augmente plus le concentré », explique Régis.

« Sur mars 2016, avec un prix du lait à 310,90 € et 29,9 kg/VL, le troupeau a dégagé une marge de 5,80 €/VL/jour, souligne Honorine Adam, avec un coût total de ration de 118 €/1 000 litres (et un coût de ration hors fourrages produits sur l'exploitation de 82 €), alors que le groupe robot suivi sur le département est à 128 €. Régis Ledeur est donc plus économe de 10 € au niveau alimentaire. » Pour encore aller plus loin, l'éleveur pourrait distribuer moins de maïs à l'auge en été et accroître la part de pâturage. Reste à voir si les vaches reviendraient aussi facilement au robot dans ces conditions.

CATHERINE REGNARD

Ration à l'auge désilée. Chaque matin, l'ensilage (maïs et herbe en hiver, maïs seul durant la saison de pâturage) est distribué à l'auge à l'aide d'une simple désileuse. « Je l'ai achetée neuve il y a sept ans, pour 7 000-8 000 €, et elle me suffit. Je n'ai pas besoin de mélangeuse, car les autres aliments sont distribués au robot et au Dac, et le foin reste en libre-service sous une cabane à foin », explique Régis Ledeur.

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Concentrés et eau dans l'aire d'attente. La robotisation n'a pas remis en cause l'utilité d'un Dac. L'éleveur, qui utilise cet équipement depuis vingt ans, a remplacé l'existant par un nouveau, installé dans l'aire d'attente. C'est là et au niveau du robot que les vaches reçoivent 100 % des tourteaux et du concentré de production, le Dac permettant aux fortes productrices de s'alimenter sans encombrer l'automate. Dans cette aire d'attente se situe aussi l'unique point d'abreuvement pour le troupeau (il n'y a pas d'eau au pâturage). Concentré et eau incitent les vaches laitières à revenir au robot.

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Deux parcelles pâturées par jour. Outre l'eau et les aliments qu'elles trouvent en se rendant au robot, un troisième élément clé fait circuler les vaches entre pâtures et traite : la gestion du pâturage sur deux parcelles différentes par jour, offrant à chaque fois de l'herbe fraîche. L'éleveur gère quotidiennement sa consommation par le troupeau au fil électrique. « Chaque matin, je place les fils dans les deux pâtures en fonction de la pousse de l'herbe, explique-t-il. Grâce à la porte intelligente à l'entrée du chemin menant aux pâtures, les vaches sont automatiquement dirigées dans la parcelle de nuit à partir de 17 heures. » L'herbe fraîche, avec la volonté de rester en troupeau, aboutit à ce que l'ensemble des laitières change de parcelles, en passant par le robot.

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