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ENSILAGE D'HERBE ANTICIPER LE STADE DÉBUT ÉPIAISON

Selon les régions et l'altitude, la récolte des ensilages d'herbe s'étale de fin avril à début juin. Dans tous les cas, l'objectif d'une valeur alimentaire élevée passe par une coupe précoce.

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LA VALEUR NUTRITIVE DE L'ENSILAGE EST AVANT TOUT DÉTERMINÉE PAR LE STADE physiologique de l'herbe. Plus elle est récoltée jeune, plus faible sera l'encombrement du fourrage dans la panse et meilleure sera sa valeur énergétique. « Pour une récolte en ensilage, le meilleur compromis entre la qualité et la quantité correspond à une fauche réalisée une semaine avant le début de l'épiaison des graminées et au stade végétatif (60 cm) pour les légumineuses », rappelle Pierre- Vincent Protin, responsable du pôle fourrage d'Arvalis-Institut du végétal. L'observation des pieds de graminées offre un repère visuel qui permet de rester en alerte pour intervenir au bon moment : « Une semaine avant le début de l'épiaison, il est possible de visualiser un gonflement à l'extrémité de la gaine qui correspond à la montée de l'épi. » Au stade début épiaison, la moitié de l'épi est déjà sortie et on considère que le stade pleine épiaison est atteint lorsque sur une parcelle donnée, 50 % des épis sont sortis de leur gaine.

UN REPÈRE : LES SOMMES DE TEMPÉRATURES

Localement, certaines chambres d'agriculture diffusent un indicateur pour anticiper ce stade optimum de récolte : les sommes de températures. Cette méthode consiste à additionner les températures moyennes quotidiennes à partir du 1er février, selon le calcul : T°C maximum + T°C minimum/2 (si la température est négative, retenir 0°C et 18°C maximum après calcul de la moyenne journalière). Le cumul à atteindre pour déclencher la fauche dépend de la composition floristique : pour les prairies naturelles riches en ray-grass et houlque laineuse, il se situe autour de 700°C ; sur des prairies naturelles riches en dactyle, fétuque et pâturin des prés, il est à 1 000°C. « Il faut aussi prendre en compte l'altitude en retirant 0,6°C/ jour par tranche de 100 m, soit 6°C/j pour des parcelles situées à 1 000 m d'altitude. En revanche, la fertilisation n'a aucun impact sur la date d'apparition du stade physiologique. Seul un stress hydrique marqué et/ou des températures anormalement élevées vont accélérer la montaison. » Conseiller fourrage à l'EDE du Puy-de-Dôme, Jean Zapata confirme l'incidence de l'altitude sur la date de fauche : « À 300 m d'altitude, le cumul de 700°C est atteint fi n avril, à 800 m, entre le 5 et le 20 mai, et à partir de 1 200 m, entre le 5 et le 10 juin. » Dans l'Ouest, le cumul de 700°C est observé dès la fi n avril, dans le Nord, début mai. « Dans tous les cas, la période optimale se joue sur une courte période de huit à quinze jours. Aussi, il convient d'intervenir dès qu'une fenêtre climatique de deux jours de beau temps se présente, rappelle Vincent Claisse, responsable alimentation d'Avenir Conseil Élevage (Contrôle laitier Nord- Picardie). Début mai, je peux miser sur une valeur d'ensilage de 0,9 UFL, mi-mai sur 0,8 UFL, pour descendre à 0,7 UFL sur une fauche réalisée fi n mai. » Récoltée une semaine avant le début de l'épiaison, le taux de matière sèche (MS) de l'herbe se situe entre 15 et 20 % (voir infographie). Le préfanage consiste alors à faucher un à trois jours avant la mise en silo pour atteindre une MS plus compatible avec une bonne conservation et une bonne ingestion. Le meilleur compromis se situe dans une fourchette assez large : de 30 et 40 % de MS.

L'HUMIDITÉ AUGMENTE LE RISQUE DE BUTYRIQUES

« Au-delà de 40 % de MS, il y a un risque de reprise en fermentation après l'ouverture, prévient Vincent Claisse. À l'inverse, un ensilage en dessous de 30 % est plus favorable au développement des butyriques et, sans compter les pertes d'éléments nutritifs par les jus, l'humidité du fourrage a un impact négatif sur l'ingestion tout simplement en encombrant la panse avec l'eau. »

Là encore, des repères visuels permettent d'apprécier la teneur en matière sèche : à 20 %, du jus s'écoule en pressant à la main une poignée d'herbe ; à 25 %, du jus s'écoule en tordant cette même poignée d'herbe ; à 30 %, en tordant une poignée d'herbe, les doigts s'humidifient de quelques gouttes ; à 35 %, les doigts s'humidifient mais sans goutte ; à 40 %, il n'y a plus d'humidité sur les doigts. « Sur le terrain, il s'agit de mettre en oeuvre des pratiques qui permettent d'obtenir un temps de ressuyage rapide pour limiter les pertes de valeur alimentaire, notamment par respiration de l'herbe. Un ensilage qui a mis 24 heures pour atteindre 35 % de MS sera toujours plus riche que le même fourrage qui a mis trois jours à sécher. L'idéal consiste à faucher le matin après la disparition de la rosée, pour une mise en silo le lendemain après-midi », explique Vincent Claisse.

La première étape de la récolte passe par la fauche. Les couteaux de la barre de coupe doivent être affûtés et la hauteur de coupe réglée entre 6 et 7 cm. En effet, les vides provoqués par une coupe trop rase risquent d'être colonisés par des adventices comme le rumex.

PRIVILÉGIER DES ANDAINS LARGES ET AÉRÉS

Cette pratique consiste aussi à déposer l'herbe coupée sur un tapis de chaumes, ce qui, d'une part, favorise la circulation de l'air sous les andains pour un ressuyage plus rapide et plus homogène et, d'autre part, facilite le ramassage de l'herbe, tout en limitant la remontée de terre à l'origine de contaminations par les butyriques. « Tout doit être mis en oeuvre pour limiter la présence de terre et de déjections dans le fourrage, rappelle Pierre-Vincent Protin. Cela passe par la propreté des machines et du chantier, mais également par l'étaupinage et l'ébousage lorsque c'est nécessaire, et même du nivelage du sol lors du semis des prairies temporaires, pour conserver une surface plane. En outre, une hauteur de coupe vers 6 cm va favoriser le redémarrage de la prairie. Couper plus haut entraîne une baisse de rendement de 170 à 230 kg de MS/cm pour des graminées et de 60 kg/ cm pour des légumineuses. »

La fauche à plat, avec une barre de coupe classique, offre une meilleure exposition au soleil de nature à accélérer le préfanage, selon le conseiller. De son côté, Pierre Lépée, conseiller machinisme à la chambre d'agriculture de la Creuse, explique que les faucheuses conditionneuses à rouleaux, équipées de l'option permettant d'éparpiller l'herbe derrière la coupe, accélèrent le séchage. « Elles font des andains plus aérés qui facilitent par ailleurs le ramassage. Avec ce type d'outil, on peut même envisager de faire l'impasse sur le premier fanage pour la confection du foin. »

Concernant le ramassage de l'herbe, les remorques auto-chargeuses séduisent de plus en plus d'éleveurs. La présence de 40 à 50 couteaux sur un rotor à l'arrière du pick-up autorise la production de brins courts, qui facilitent le tassage et la distribution par les mélangeuses. « Elles sont plus souples d'utilisation, mieux adaptées aux petits chantiers, explique Pierre Lépée. Avec une personne sur la remorque et une ou deux sur le silo, elles sont moins gourmandes en main-d'oeuvre. Cependant, l'éloignement des parcelles peut être une limite à leur utilisation, car tant que la remorque est sur la route, elle ne travaille pas ». Or, si les conditions sont très séchantes, la matière sèche peut augmenter rapidement de 3 à 4 points/ heure, avec le risque que les derniers andains ramassés soient beaucoup plus secs et, étant situés sur la couche supérieure du silo, difficiles à tasser. La capacité des autochargeuses va jusqu'à 60 m3, soit 1 ha d'herbe ramassée. « Il faut 80 à 100 ha d'herbe pour rentabiliser l'investissement. »

VISER 38 À 40 % DE MATIÈRE SÈCHE AVEC LA LUZERNE

Concernant la récolte avec des ensileuses automotrices toujours plus puissantes, la vitesse de chantier ne doit pas se faire au détriment du tassage : « Lorsque l'éleveur fait appel à l'entreprise pour la récolte et prend en charge le tassage, souvent le matériel d'élevage ne permet pas de suivre le débit d'une automotrice de 500 ou 800 ch. » Et la qualité du tassage est déterminante pour stocker des ensilages à plus de 30 % de MS. Un tassage efficace doit enfermer le moins d'air possible dans le silo. Car en plus des pertes par respiration, le temps nécessaire à la consommation de cet oxygène retarde d'autant le démarrage des fermentations lactiques anaérobie qui transforment les sucres en acides, faisant ainsi naturellement baisser le pH pour garantir la bonne conservation du fourrage. Ainsi, la richesse en sucre d'une herbe jeune facilite une acidification rapide. Les espèces pauvres en sucres et les légumineuses, dont le pouvoir tampon ralentit l'acidification, justifient la recherche de teneurs en MS supérieures pour stabiliser le fourrage.

« Avec les graminées comme les ray-grass à l'approche de l'épiaison ou le brome, il faut toujours viser plus de 25 % de MS pour éviter les pertes par jus, et plutôt 30 % quand on fait des silos de grande hauteur. Si on est pas sûr d'atteindre ce stade l'application d'un conservateur biologique à base de bactéries lactiques est un plus, explique Gildas Cabon, ingénieur Arvalis. Pour les graminées moins pourvues en sucres comme les ray-grass au stade feuillu, les fétuques et les prairies naturelles, viser 30 à 35 %. Si on craint d'être plus humide, les conservateurs biologiques de type bactéries lactiques + enzymes cellulolytiques peuvent améliorer la situation. Avec le dactyle, les légumineuses ou les mélanges riches en légumineuses, il faut dépasser 35 %. » Dans ce cas, la difficulté de tasser une herbe sèche peut générer une porosité excessive qui va faciliter la circulation de l'air dans le tas après l'ouverture du silo, à partir du front d'attaque. « Une solution consiste à limiter la MS à 30 % en ajoutant un conservateur acide ou des enzymes cellulolytiques à forte dose. Une autre option repose sur la confection d'un silo plus haut, fortement chargé avec par exemple un stock de calcaire, de la paille, ou une couche d'un ensilage de graminées par dessus la luzerne, pour augmenter la densité de l'ensilage. »

En augmentant la densité, la hauteur de silo contribue en effet à limiter la porosité. Mais avec un fourrage humide, cela entraîne des pertes de jus importantes. « Avec un ensilage à 25 %, limiter la hauteur à 1,50 m et jusqu'à 3 m pour un ensilage à 30 %. » La dimension du silo est calculée en tenant compte des besoins du troupeau, afin d'avoir une vitesse de désilage de 25 cm/jour l'été et de 15 cm l'hiver. Si toutes les conditions sont réunies, l'utilisation d'un conservateur n'est pas nécessaire. Jean Zapata comme Vincent Claisse préconisent néanmoins une application systématique : « L'efficacité des produits homologués est démontrée et la sécurisation des valeurs UF et PDI du fourrage paye le coût du conservateur. »

JÉRÔME PEZON

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