En Australie Un redéploiement contraint de la production ovine
Depuis dix ans, les grands pays producteurs d’ovins ne sont plus en mesure de répondre à la demande mondiale de viande en forte croissance. Une opportunité que la France doit saisir pour reconquérir une production écologique et moins concurrencée par les importations en provenance des pays tiers. Un article extrait de Terre-net Magazine n°34.
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Cameron et Peter Small, éleveurs à Wilderness (à l’ouest de la région Victoria)
Allier performance écologique et économique
L’élevage est leur passion. Depuis toujours, Peter Small et son fils Cameron parviennent à en vivre, car ils ont su jouer la carte de la complémentarité. Pour diversifier leurs sources de revenu, ils ont créé un troupeau d’ovins et de bovins viande, en plus de leur production de laine de Mérinos, devenue peu rémunératrice suite à la crise du début des années 1990. Plutôt cow-boys que bergers, ils élèvent à cheval 5.000 moutons mérinos et 500 vaches angus sur 900 ha. Le pâturage est l’unique source d’alimentation de leurs trois troupeaux (ovins viande, bovins viande, moutons lainiers) conduits simultanément.
Pour obtenir des agneaux de boucherie, Cameron croise ses brebis mérinos avec des béliers suffolk. Aujourd’hui, très peu d’éleveurs lainiers de la région de Victoria produisent, en complément de la laine, de la viande de race mérinos pure car celle-ci se valorise mal (les agneaux ne peuvent être commercialisés qu’au bout de 15 semaines). La crise lainière a conduit la plupart des producteurs à se diversifier. Auparavant, la laine se vendait 1.280 centimes de dollars australiens ($AU) le kilo (1 $AU = 0,65 €), ce qui permettait de dégager une marge brute de 400 cts/kg. Puis le marché s’est effondré et en 1994 : la laine ne valait plus que 540 cts/kg. Dorénavant, elle est valorisée au mieux 1.100 cts/kg mais la marge brute est nulle.
Baisse drastique des effectifs
A l’origine de la crise de la laine australienne, l’instauration d’une aide financière américaine pour le développement de la production en Thaïlande. Meilleur marché, la laine thaïlandaise est préférée à celle produite en Australie et en Nouvelle-Zélande. Si bien qu’en 1991, les stocks australiens avaient atteint 1,1 million de tonnes et il a fallu plus de 10 ans pour les écouler. Conséquence de la crise, les effectifs d’ovins ont diminué drastiquement en Australie. En 1991, on dénombrait 163 millions d’animaux et seulement 72 millions 10 ans plus tard, avec une reconversion massive des éleveurs vers la production d’agneaux de race à viande.
Actuellement, l’Australie produit 345 millions de kilogrammes de laine dont 70 % sont exportés vers la Chine à l’état brut, faute d’industrie lainière. La qualité de laine dépend des conditions climatiques. Dans la région de Victoria, les années sèches comme l’an passé, les fibres de laine tondues sont cassantes et donc de mauvaise qualité. Mais vu le manque de disponibilités, Cameron est parvenu à vendre sa laine en fonction des cours mondiaux aux enchères à Melbourne, à 919 cts le kilo et les meilleures balles à 1.079 cts. La laine fait effectivement l’objet de nombreuses spéculations sur les marchés.
Cameron fait partie des nombreux éleveurs australiens qui se sont reconvertis vers la production mixte de laine et de viande ovines. Il conduit simultanément deux troupeaux de brebis et leur suite. Le premier, dédié à l’activité lainière, est composé de brebis de race mérinos pure qui n’agnèlent pas l’année suivant leur achat. Pour renouveler le troupeau, l’éleveur achète tous les ans 1.000 agnelles à une exploitation voisine tandis que 1.000 autres sont intégrées dans la seconde bande, qui regroupe des brebis plus âgées destinées à la production d’agneaux, mais aussi de laine de moins bonne qualité. Croisées avec une centaine de béliers suffolk, elles produisent des agneaux de 35 kg en 10 semaines contre 15 avec des Mérinos purs.
Depuis son installation dans les années 1970, Peter Small élève 500 bovins de race angus. Produire des bovins au sein d’une exploitation ovine permet en effet de diversifier les sources de revenu et de sécuriser l’exploitation en la rendant moins dépendante des marchés ovins. Les vaches sont croisées par monte naturelle ou insémination artificielle avec des taureaux wagyu (race japonaise), afin de produire des taurillons et des génisses de 270 à 300 kg de poids vif, vendus 900 $AU. Les mâles, vendus vivants, sont exportés vers le Japon. Les femelles sont, quant à elles, commercialisées sur le marché intérieur (autour de 800 $AU).
La conduite en parallèle des troupeaux ovin et bovin rend la gestion du pâturage plus efficace. Comme les bovins ne mangent pas les mêmes espèces que les moutons et sont moins sélectifs, les prairies sont broutées en totalité. Ainsi, les pâtures sont de meilleure qualité et poussent plus rapidement. La flore est mieux maîtrisée, sans consommation excessive d’intrants. Le cheptel bovin, lui, est conduit avec un système de pâturage alterné en rotation toute l’année.
Importations ovines
Moins de concurrence vis-à-vis des pays tiers
Depuis quelques années, on observe plusieurs phénomènes concomitants et de premier abord contradictoires en production ovine. Tout d’abord, la consommation a régressé de 95.000 tonnes équivalent carcasse (tec) en 12 ans, baisse compensée par celle de la production (- 27.000 tec) et surtout par des importations en recul (- 65.000 tec).
De telles évolutions sont également constatées dans l’ensemble de l’Union européenne. Elles se traduisent précisément par une diminution de la production et surtout, pour les pays déficitaires, par des importations moindres en provenance des pays tiers.
Réorientation des échanges commerciaux
D’après une étude de l’Institut de l’élevage (1) (Idele), les importations européennes (et par conséquent françaises) d’origines néo-zélandaise, australienne et sud-américaine (Argentine, Chili) sont toutes inférieures aux contingents tarifaires alloués en Europe et diminuent depuis plus de trois ans.
En fait, l’augmentation de la consommation de viande ovine dans les pays émergents conduit à une réorientation des échanges commerciaux au niveau mondial vers l’Asie et, avec des prix en hausse, à de nouvelles opportunités de relance de la production européenne.
Les grands producteurs donnent le "la"
Ou tout au moins, comme en France, à un déclin moins prononcé que dans les années passées. A 6,55 €/kg fin novembre 2013, les cours rendent l’élevage ovin plus compétitif et réduisent la dépendance de notre pays vis-à-vis des importations, qui ne proviennent pas de l’UE essentiellement.
La majorité des échanges commerciaux français se font avec nos voisins européens, le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Espagne, sans compenser cependant la baisse des achats en provenance des pays tiers. Ainsi en 2012, la France était le premier client des îles britanniques.
Le marché mondial de la laine s’inscrit dans une démarche tout à fait indépendante de celui de la viande. Et en matière de prix, ce sont évidemment les grands pays producteurs d’ovins qui donnent le "la".
En 2012, toujours selon l’Idele, « le marché a été marqué par une contraction de la demande émanant des marchés haut de gamme. Le prix de la laine fine (19 μ) n’a pas dépassé 13,5 $AU/kg sur le marché australien, soit un recul de 18 % par rapport à 2011. Son cours est proche celui de la laine grossière (23 μ) – 12,3 $AU –, tiré par la demande des marchés émergents. »
Au niveau national, ces tendances ont fait baisser les prix de 7 % par rapport à 2012 et les volumes de vente de laine brute non lavée de 13 %.
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