Elevage laitier aux Pays-Bas Le Dairy Campus, une « Silicon Valley laitière »
A l’occasion d’un voyage aux Pays-Bas, les adhérents du Btpl ont visité le "Dairy Campus". A Leeuwarden, l’ensemble des acteurs du secteur laitier travaillent ensemble, des firmes privées à l’enseignement en passant par la recherche. Le Btpl nous emmène dans ce pays qui teste la raffinerie à lisier, le béton anti-ammoniac, le suivi des animaux par Gps ou encore les silos d’ensilage en commun pour 15 élevages.
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Imaginez, sur le modèle de la Silicon Valley en Californie, un lieu qui favorise la collaboration pour le secteur laitier entre Etat, privés, étudiants, instituts de recherche, vétérinaires, éleveurs, consommateurs, fournisseurs d’équipements et d’aliments, acteurs de la logistique et firmes innovantes tout en faisant partie d’un réseau d’universités internationales ! Les Néerlandais l’ont fait. A Leeuwarden, au Nord-Ouest du pays, le "Dutch dairy center" et le "Dairy Campus" sont en plein développement.
Et ce n’est pas par philanthropie. L’objectif affiché de cette coopération est de continuer à prendre des positions internationales dans le secteur laitier. Innover et diffuser les nouvelles connaissances rapidement auprès des éleveurs, des étudiants et des clients sont les moteurs du projet. Les échanges avec l’Asie semblent prometteurs. L’Inde et la Chine sont notamment très intéressées par la réduction des pollutions et par la valorisation de leurs effluents par le biogaz.
Les thèmes principaux de recherche sont l’énergie, le bien-être, le changement climatique, l’empreinte carbone, la santé humaine (antibiorésistance notamment), bâtiments innovants, productivité de la main d’œuvre, pâturage des grands troupeaux (pour l’image du lait), management des nombreuses données recueillies par les éleveurs sur leurs troupeaux (température, mouvements, acidose, poids, …).
Nous avons d’ailleurs relevé une remarque de notre interlocuteur : « Les données d’élevage ont beaucoup de valeur pour l’industrie… ».
80 % de la recherche du site est consacrée à l’alimentation. D’autres expérimentations innovantes ont retenu notre attention :
Réduire les émissions de gaz à effet de serre :
- Les chercheurs testent des sols en béton raclé avec des trous (mais pas des caillebotis) permettant l’écoulement de l’urine pour éviter le contact urine/bouse dégageant de l’ammoniac, un puissant gaz à effet de serre.
- Quatre lots de vaches sous des bulles en bâche plastique pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre avec différentes alimentations : minéraux spéciaux, ration enrichie en sel, …
Raffiner le lisier pour faire des engrais
Une raffinerie pour la phase liquide du lisier issue d’un séparateur de phase classique. Après le passage de la phase liquide dans une tour de raffinage, il reste de l’eau épandable sans contrainte et des éléments N, P, K utilisables comme engrais. Les Hollandais placent beaucoup d’espoir dans ce procédé expérimental bien plus intéressant que le biogaz qui implique des apports de maïs, déchets, extérieurs à l’élevage.
Le Biogaz est-il encore rentable ?
Une installation de méthanisation classique a été mise à l’arrêt faute de rentabilité comme c’est le cas pour une grande partie des installations aux Pays-Bas. Les déchets, le maïs ensilage, … sont devenus trop chers sous la pression des besoins du biogaz allemand. Cette installation de méthanisation est en cours de transformation pour tester un nouveau procédé permettant de produire du biogaz en utilisant l’herbe et les branchages récupérés sur les bas-côtés des routes !
Remplacer le soja par des algues
Un prototype de multiplication d’algues dans des sachets remplis d’eau comme ceux qui servent à faire des glaçons et suspendus à l’air libre pour utiliser au maximum l’énergie du soleil pour la croissance. Le brassage des algues en fin de développement produit une soupe à 40 % de protéines qui pourrait remplacer le soja.
Suivre les animaux par Gps
L’enregistrement des mouvements des veaux par Gps. L’idée est de comprendre l’influence du comportement des veaux sur les futures laitières et d’améliorer ainsi leur élevage. C’est un domaine très peu exploré dans le monde. Le suivi des vaches par Gps. Le but est de faciliter la vie des éleveurs en rendant aisé le repérage en étable ou en pâture d’une vache dans un troupeau de 250 ou 350 animaux lorsqu’elle nécessite une intervention.
Des silos d'ensilage privés pour 3.000 vaches
Au milieu d’une zone industrielle, l’entreprise VoerCentrum a mis en place depuis trois ans une plateforme de silos de fourrages et de concentrés. Objectif : fournir une ration commune pour booster l’efficacité alimentaire. L’entreprise achète de l’herbe qu’elle ensile dans ses silos (45 m de large sur 60 m de long), négocie et stocke concentrés énergétiques et protéiques ainsi que coproduits. Elle achète également du maïs ensilage sur le marché, une originalité hollandaise. Ce marché se nourrit du maïs en excédent chez des éleveurs vendeurs, il est acheminé par camion (quatre voyages par jour), stocké moins de deux jours en silo intermédiaire et redistribué à l’auge chez les acheteurs. Le paiement se fait à la qualité mesurée par l’analyse au silo.
A partir de ces différents ingrédients, une mélangeuse classique fabrique une ration distribuée aux 2.800 VL de 15 élevages clients dans un rayon de 15 km à raison de 4 chargements quotidiens dans un camion 25 tonnes équipé d’une distribution latérale.
Deux types de ration complète sont produits : une ration pour traite classique et une ration pour robot moins concentrée. Seules les vaches laitières les consommeront. L’éleveur réalise lui-même sa ration pour les génisses.
Ainsi, pour une ration livrée à l’auge, par exemple au tarif de 0.25 €/t de MS, avec une efficacité alimentaire moyenne des élevages livrés de 14 kg de lait pour 10 kg de MS ingérés (c’est aussi un critère €colait). Cela revient à 178 €/ML à l’éleveur, et cela comprend fourrages, concentrés, coproduits, minéraux, coûts de mécanisation (mélangeuse, tracteur, chargeur, distribution à l’auge par camion, main d’œuvre).
Le prix facturé au moment de notre visite était de 0.23 €/t de MS (0.5 kg de foin, 10 kg de maïs ensilage à 35 % de MS, 26 kg d’ensilage d’herbe à 40 % de MS, 2.3 kg d’orge, 2.5 kg de bouchons déshydratés, 1.9 kg de colza, 1.1 kg de colza tanné, 1.7 kg de blé pour la ration "salle de traite classique").
L’idée des créateurs a germé en Israël où des centres d’alimentation nourrissent jusqu’à 30.000 VL à 13.000 kg/VL. Une organisation similaire existe en Espagne. Une idée adaptable en France ?
Communiquer pour préserver l’image du lait
La production laitière jouit plutôt d’une bonne image auprès de la population hollandaise. Mais comment la conserver ? Comment présenter les efforts des éleveurs en matière d’environnement ? Comment continuer à produire de manière acceptable pour le citoyen ? Ces questions font aussi partie de la raison d’être du Dairy Campus et transparaissent dans les discours.
Il y a beaucoup de caillebotis, des vaches dans des logettes qui ne sont pas si parfaites au vu des blessures aux pattes et pourtant on parle de bien-être animal. L’image de la vache en pâture est un argument promotionnel malgré l’importance grandissante du zéro pâturage. Pour ne pas subir, le secteur laitier tout entier communique de manière positive et essaie de prendre les devants en travaillant les sujets sensibles pour rester un fer de lance économique majeur des Pays-Bas.
Il n’est pas possible de résumer toutes les observations vécues par les participants. Cependant, cette escapade batave, intense et dense à la minute, aura permis de voir ou revoir la réalité hollandaise et d’entrouvrir les portes des voies et solutions techniques futures explorées et que nous verrons peut-être dans nos élevages laitiers. En attendant d’autres découvertes et idées lors du prochain voyage d’étude.
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